Alice Zeniter
CULTURE

Dans les coulisses du Prix Landerneau des lecteurs

Jeudi dernier, les jurés du Prix Landerneau des lecteurs se sont réunis à Paris pour désigner le lauréat de l’édition 2017. La lauréate en réalité, car c’est Alice Zeniter qui a été sacrée, pour son très émouvant roman « L’art de perdre » (Flammarion).

Deux cents lecteurs se sont exprimés, 186 via la plateforme électronique et 14 autres après une discussion passionnée durant toute une matinée, sous la direction magistrale du talentueux - et tellement chaleureux ! - Président du Prix, Christophe Ono-dit-Biot.

La liberté a guidé les pas des jurés. Avec le Prix Landerneau des lecteurs, pas de consigne. On défend ce que l’on aime pour tenter de convaincre ses collègues. Pas de calcul savant pour récompenser telle ou telle maison d’édition selon les années paires ou impaires, pas besoin non plus de plaider l’alternance homme/femme dans les lauréats pour ménager les susceptibilités. On choisit celle/celui que l’on a aimé, avec toute la subjectivité que cela suppose, et point-barre ! Dès lors, les conversations n’en étaient que plus animées.

notesDes jurés différents, quoique... Leurs points communs : ce sont de gros lecteurs, avec un éclectisme littéraire assez surprenant. Le patron de l’enseigne que je suis s’est aussi réjoui de les entendre relater leur proximité avec le/la libraire de leur Espace culturel.

Il y a les jurés qui viennent avec des critiques argumentées, préparées avec soin, des livres annotés de toute part. Il y a les « traqueux », souvent brillants, qui rougissent sitôt leur tour de parole venu. Il y a les passionnés qu’on n'arrête plus, les précis qui vous convainquent en trois minutes...

J’aime participer à ces réunions de lecteurs, car on en apprend souvent beaucoup sur les ressorts de la littérature. Nos lecteurs ont beau être issus de toutes les régions de France, avoir des situations professionnelles radicalement différentes (commissaire de police, prof, cinéaste, demandeur d’emploi, documentaliste, retraité…) et des âges variés, ils ont quand même quelques attentes communes lorsqu’ils ouvrent un livre.

Paroles de lecteurs. J’ai aimé leurs mots quand ils décrivaient l’univers onirique de Miguel Bonnefoy (Sucre noir, Rivages) et son talent incroyable pour nous emmener loin dans cette aventure tropicale. Quand ils parlent de l’auteur, les jurés l'associent à d'illustres écrivains sud-américains, comme Gabriel García Márquez ou Isabelle Allende. C’est vrai que sa plume est riche et nous transporte.

J’ai été sensible à leur émotion quand ils débattaient de la terrible vie de Bakhita (par Véronique Olmi, chez Albin Michel). C’est un livre qui a beaucoup marqué nos jurés, certains ont mentionné des soubresauts, des larmes, lorsqu’ils ont raconté leur séance de lecture. Et puis il y a ce touchant attachement à l’auteur de la part de lecteurs très fidèles, capables de détailler sans hésitation toute l’œuvre de Véronique Olmi.

Même la terrible vie du bourreau nazi (La disparition de Josef Mengele, Olivier Guez, Grasset) a su les émouvoir et les révolter, reconnaissant à son auteur une plume acérée, une capacité remarquable à nous intéresser à la vie de cet être ignoble. Ils ont tous salué le travail impressionnant d’Olivier Guez, qui a su prendre un risque en écrivant un texte de grande qualité sur un personnage si antipathique. Je souscris totalement aux propos de l’une des jurés qui expliquait que ce livre était plus que nécessaire car « c’est le procès que Mengele n’aura jamais eu ».

jures

Mais au bout du compte, c’est Alice Zeniter qui a fédéré le plus de jurés. Son histoire fait justement écho à une histoire française encore très sensible, très ancrée dans l’existence de beaucoup. Autour de la table, il y avait ceux chez qui la guerre d’Algérie résonnait encore (d'un côté ou de l'autre) et ceux qui avaient été touchés par le récit de Zeniter, bien que très éloignés de ce conflit colonial.

Car c’est à mon sens la grande force du roman d’Alice Zeniter : il est universel et il offre une possibilité d’identification assez déroutante pour n’importe quel lecteur.

Finalement, au-delà de la tragédie algérienne, L’art de perdre est aussi l’histoire d’une vie de famille, avec ses censures, ses non-dits, ses sous-entendus. Les interrogations de Naïma sont celles de beaucoup d’enfants, descendants d’immigrés ou pas, dès lors qu’ils commencent à s’interroger sur leurs racines familiales.

Vous l’aurez compris, c’est un très beau Prix Landerneau des lecteurs !

Je tiens une nouvelle fois à remercier toutes les personnes qui se sont impliquées dans ce projet depuis plusieurs mois. D’abord, les libraires volontaires de nos Espaces culturels, ainsi que les équipes du Galec (siège d’E.Leclerc). Ils ont su nous concocter une belle sélection parmi plusieurs centaines de livres et repérer très en amont les ouvrages marquants de cette rentrée littéraire. Cela n’est possible que parce que nous avons des collaborateurs passionnés, en plus d’être d’excellents professionnels. Un immense merci à eux.

Un grand merci aussi aux 200 jurés qui se sont plongés dans une lecture attentive des quatre romans en compétition. Je sais que la tâche ne fut pas simple pour eux et que lire plus de 1000 pages en moins de trois semaines n’est pas chose aisée quand on a par ailleurs beaucoup d’autres choses à faire. Mais que ce soit sur la plateforme ou lors de la réunion finale, ils ont été des jurés exceptionnels, bosseurs, attentifs et très humains. Bravo à vous tous pour votre participation.

6 Commentaires

Vous rendez très bien compte de ce moment qui semble avoir été propice à de belles émotions partagées! Et à la finale, vous nous donnez très envie de lire les 4 finalistes!
Parisien, j'ai la chance d'être plus à proximité ce dimanche d'une Fnac ouverte plutôt qu'un de vos centres culturels! Aussi s'il ne pleut pas trop, j'irai faire des emplettes...
Merci pour ce partage.
Luc
Et bravo Alice Zeniter, jeune et très talentueuse, qui écrit déjà depuis si longtemps! Très impressionnante écrivaine ; je crois que votre jury indépendant des coteries et des arrangements entre éditeurs a vu juste! Bravo à tout le mode.
Bonsoir Michel,

Je partage tout à fait ton point de vue, nos lecteurs se sont vraiment attelés avec beaucoup d'ardeur et de passion à la lecture des quatre livres en un temps record. Bravo à eux. Cette initiative de faire de ce prix Landerneau un prix des lecteurs est excellente ! Pour avoir assisté à la soirée de remise du prix jeudi, j'ai pu discuter avec certains d'entre eux et les questionner sur leurs ressentis. Ils ont adoré cette expérience.

Les lecteurs ont été ravis d'avoir eu voie au chapitre, si je puis dire, dans la décision de remettre un prix littéraire. Ils ont pris leur rôle très au sérieux et ont aimé avoir débattu, défendu, être parfois contredit mais surtout être écouté au final.

Ils ont aussi particulièrement apprécié te rencontrer, te découvrir autrement que via un écran TV et échanger avec toi. Ils ont aimé la convivialité qui régnait lors de la journée de délibération en ta présence. Pour conclure je dirais que notre prix Landerneau des lecteurs a non seulement fait des heureux mais fait parler en bien de notre enseigne dans les chaumières. Et le bruit dépasse largement les frontières de Landerneau ! Et félicitations à Alice Zeniter...
Bonsoir,

Je viens de lire avec plaisir votre commentaire sur cet événement passionnant que fut le Prix Landerneau des lecteurs 2017. J'ai eu là chance de faire partie des 200 lecteurs et le privilège de venir à Paris retrouver le petit groupe d'heureux élus avec Christophe Ono-dit-Biot et vous même.
Je tiens à vous remercier ainsi que toute votre équipe pour l'accueil chaleureux et la convivialité partagée , tout a été fait pour nous gâter et nous mettre à l'aise. L'effort attendu de nous avec la lecture de 4 romans en peu de temps et en travaillant ainsi que les quelques soucis de connexion sur la plate-forme ont été largement récompensés.
Cerise sur le gâteau, c'est un de mes romans préférés qui a été récompensé à travers son auteur, la jeune et talentueuse Alice Zeniter ! Elle est également très agréable dans la rencontre sans aucun chichi.
Ce que je regrette un peu, la difficulté d'être tous autour d'elle au petit-déjeuner, il aurait fallu demander une autre disposition des tables pour que chacun participe à l'échange.
Nous avons également bénéficier de la visite d'une très belle exposition au centre Georges Pompidou, les couleurs de David Hockney était surprenantes.
Je suis prête à retenter cette expérience avec d'autres romans et d'autre échanges, j'y ai pris goût !
J'ai aussi beaucoup apprécié de rencontrer Miguel Bonnefoy, il est aussi chaleureux que talentueux.
Monsieur Leclerc, je me permet d'oser une demande plus personnelle dont j'ai parlé jeudi soir avec vôtre associé.
Seriez-vous d'accord pour défendre la candidature d'un jeune homme de 27 ans, autiste asperger, passionné de rangement et classement, non diplômé mais perfectionniste dans ses domaines de compétence, à un poste à temps partiel de travailleur handicapé dans l'espace culturel de votre centre Leclerc de Carpentras qu'il connaît bien ?
Voilà, excusez mon audace, c'est celui d'une maman qui se bat depuis des années pour son fils.
Avec encore toute ma reconnaissance pour les beaux moments vécus grâce à vous et à votre équipe.
Cordialement

Françoise Angot-Fourey ZtXS4
Bonjour monsieur Leclerc,
L'initiative de créer les prix Landerneau,est,en soi extraordinaire.Integrer des lecteurs pour le choix des lauréats est une seconde étape qui,à mon avis,apporte une touche plus "humaine,plus sincère peut être,plus naïve,plus spontanée",comme nous avons pu le constater lors des débats enthousiastes de jeudi.
J'ai eu le grand bonheur de pouvoir donner mon avis,en toute sincérité, dans une ambiance sympathique,respectueuse et studieuse.Vous et monsieur Ono dit Biot avez parfaitement su libérer les paroles,mettre tout le monde à l'aise,créer une atmosphère de festivités dans un groupe qui,il faut le dire,n'en croyait pas ses yeux.Quelle émotion.
Un grand merci aussi à madame Zeniter,madame Olmi ,messieurs Guez et Bonnefoy qui nous ont consacré beaucoup de temps,en toute simplicité.
Un grand merci aussi à toutes les personnes qui nous ont accompagnés tout au long de cette merveilleuse journée.
J'ai eu l'occasion de vous le dire,pour moi,ce fut Noël en Octobre!!!(J'enverrai toutefois ma lettre comme d'habitude,en decembre)
Nous avons été des privilégiés ,le prix Landerneau 2017 à été attribué, vive le prix Landerneau 2018!
Cette expérience sera marquante pour moi ,inoubliable.
Merci de nous avoir offert ce magnifique cadeau et je souhaite au jury 2018 de connaitre le même bonheur que nous cette annee,ce dont je ne doute pas un instant.

Recevez l'expression de toute ma gratitude,vous et monsieur Ono dit Biot.J'etais un lecteur,je suis un lecteur définitivement heureux.Avec mon meilleur souvenir.
JFLEMOINEaHf
Bonjour,

Remplacez s'il vous plaît les étals de confiserie devant les caisses à hauteur d'enfant et mettez-y des livres.
Chiche...

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