L'oreal
ÉCONOMIE Enjeux de la distribution

Jean-Paul Agon, L'Oréal et le discours de la valeur

Jean-Paul Agon était vendredi dans les « pages saumon » du Figaro, et j’ai été scotché par la lisibilité de sa stratégie de développement. On venait d’en parler, de manière dissipée, sous les lambris d’un Palais.

 

Je retiens de son entretien plusieurs points importants :

 

1) L’Oréal s’affiche désormais multicanal, sélectif mais présent sur tout vecteur, dans tout écrin, il se donne le moyen de jouer sur tout clavier. On s’éloigne des contentieux de la discrimination entre produits et enseignes?

2) C’est l’innovation et la R&D qui montent la valeur : « nous profitons de la premiumisation du marché, qui nous permet d'offrir des nouveaux produits à plus forte valeur ajoutée (plus chers) : 80 % de la croissance de notre chiffre d'affaires vient de la valeur et 20 % des unités vendues ». On est loin ici du discours  qui réclame à contre-courant du marché, des hausses « politiques » et qu’on a réduit  dans l’alimentaire à un conflit de pouvoir

 

3) C’est assurément plus facile à jouer dans le luxe (porteur à l’international), mais Agon croit résolument au potentiel aussi du marché grand public « à condition que les marques soient inspirantes et innovantes ». C’est la recette de la résilience d’un modèle, dans des rayons d’hyper pas assez travaillés : « Depuis vingt ans, la grande distribution a négligé le rayon hygiène-beauté, ce qui n'était pas le cas auparavant. Certains rayons alimentaires, comme le vin ou la charcuterie, sont plus attirants que ceux des cosmétiques ; cela en devient choquant ». 

 

J’insiste : c’est un message utile, nécessaire et amicalement formulé pour devoir être écouté par notre nouvelle équipe marketing. Il suffit de regarder les succès de Nuxe, de Kiko ou le relifting de Rocher. Il y a du boulot pour relooker les univers chez E.Leclerc, Carrefour et Casino (ce dernier tente le Drugstore quand nous repensons toute la beauté et la santé, médicaments inclus !).

 

Bref, Agon dit : Vendez des marques et pas que des produits !

 

4) Avec une telle ambition, les équipes championnes du marketing que sont celles de L’Oréal purgent la querelle de la « répartition de la valeur ». À son stade industriel, L’Oréal la crée et éloigne le prix de la justification par le seul coût des approvisionnements. Il crée de la curiosité, des expériences nouvelles , et donne envie... On sort ainsi de la dictature du cours de la matière et du compte d’exploitation. En tout cas, la marchandise vaut plus que son coût. Passant le relais, il nous invite à promouvoir à notre manière commerçante la valeur ainsi créée, en tenant compte des publics ! Certains industriels devraient méditer cette leçon dispensée par Jean-Paul Agon...

 

5) Je peux vous affirmer qu’en préparation des futures négos, E.Leclerc recherchera ce type de partenariat triplement gagnant (fournisseurs, nous et nos salariés, et consommateurs). On voit bien que c’est d’entreprise à entreprise, de marque valorisée à enseigne valorisante, qu’on va sortir du bourbier politico-syndicalo-parlementaire actuel (à suivre…et motivé ?)

3 Commentaires

Oui MEL il était grand temps de sortir de ce marécage vain. Le combat de la valeur ajoutée pour certains et pas pour d'autres est d'arrière-garde. Tilt ideas préfère inciter ses clients à raisonner ''valeur justifiée'' (ie. qui a du sens pour toutes les parties). Gageons que la nouvelle génération (les Richard Girardot, nouvellement nommé à l'ANIA ou Kokiusco Morizet au Medef...) sera porteuse de ce souffle réconciliateur.
Très très intéressante votre analyse MEL.
Notamment le point 4 qui formalise ce que certains industriels tentent et que beaucoup devrait faire et qui permettent de faire sortir les références vendues par la grande distribution de la "tyrannie du prix bas". Je crois bien qu'Emmanuel Faber est en train d'effectuer une démarche analogue de repositionnement des produits de Danone. LA question en sera plus uniquement "à combien vous me le faites", mais "je veux l'avoir"! C'est malin et salutaire. Une porte de sortie par le haut pour les crises sans fins des relations entre industrie et commerce...et plus vertueuse pour le consommateur.
Merci pour votre input
Le marketing, n'est pas mort : la preuve! Vive le marketing.
Un produit ET une histoire. CQFD
Bonne journée à tous et merci pour le partage.
Doc

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