Isabelle Adjani Harcèlement
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Isabelle Adjani : la transparence est un choix, la vie privée un droit

Vie privée, vie publique !

Sur ce sujet d’actualité (du débat général sur la protection des données personnelles aux appels à dénonciation publique), je signale une  interessante interview d’Isabelle Adjani dans Grazia en kiosques cette semaine (je ne néglige aucun média ?). 

Résolument militante face à toutes les violences faites aux femmes, et aux victimes de rapports de puissance, Isabelle Adjani questionne le recours aux hashtags et à la médiatisation comme substituts d’une véritable action en justice !

Qu’on ne se méprenne pas : elle acquiesce à ce mouvement salutaire pour les victimes. "Prenez garde les prédateurs : pour vous c’est le clap de fin !". Pour elle, ce qui est avant tout en cause, c’est l’impunité dont ont joui ces violeurs y compris face à la gente de la Justice.

Mais l’actrice, que j’admire beaucoup, appelle à raisonner par delà ce contexte particulier. Soucieuse de la préservation des libertés, elle invite à réfléchir sur ce culte de la transparence qui peut aller jusqu’à nourrir des tribunaux populaires !

"La question de la transparence interroge les rapports entre l’intimité et l’espace public : seule la justice devrait pouvoir convoquer l’intime sur la place publique, lorsque ce qui est commis dans la sphère privée viole la loi. Si la transparence devient un droit absolu d’ingérence, d’intrusion et d’inquisition dans la vie privée, au nom de la vérité, un droit que pourrait s’arroger n’importe qui au nom de la justice, nous sommes foutus ! La transparence, ce n’est pas le droit des autres, c’est un cadre dans lequel nous pouvons inscrire certains actes et certaines paroles, et sur lequel repose la confiance et l’honnêteté. Mais la transparence reste un choix, une question morale, et je ne vois pas au nom de quoi elle devrait régir tout l’espace social et privée. Elle ne peut pas remplacer la loi, c’est du puritanisme et trop souvent de l’hypocrisie (...). Méfions-nous (...) de la transparence, elle reste une apparence : sur une vitre, il y a toujours des reflets".

On ne saurait suspecter Isabelle Adjani d’émettre ainsi une position anti-féministe. Au contraire, en analysant l’impact du culte de la transparence dans tous ces contextes, Isabelle Adjani pose vraiment la question de la liberté de chacun, ce qu’on appelait autrefois, la protection de la vie privée. Et du coup, je repensais aux cours de mon jeune vieux professeur de philo, Michel Serres, qui, dans le même registre, rappelait à ses élèves que la transparence n'est pas une vertu en soi : contrairement aux belles et profondes rivières, seuls sont transparents les petits cours d’eau insipides et sans contenus organiques. ?

1 Commentaires

Débat clé par les temps qui courent car la question de la transparence n'est pas celui de la violence -intolérable, faite aux femmes.
A fortiori lorsqu'il s'agit de personnages publiques qui pour partie "vivent" d'une transparence qu'ils ont d'abord très souvent convoquée eux-même avant de vouloir en cadrer l'intensité dés lors qu'elle devient intrusive ou est vécue comme telle.
Vous relayez là de nouveau de très intéressantes questions cher Mel.

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