SOCIÉTÉ Concurrence

Prix, concurrence : Ententes autorisées, ententes interdites

A.S. : Ce grand week-end, j’irai raser les cailloux au large de l’île de Sein. Je n’emporte pas mon ordinateur. Je répondrai aux commentaires à partir de mardi prochain, 19 juillet. C’est aujourd’hui que se réunit la Commission paritaire (Sénat et Assemblée Nationale) pour peaufiner le projet de réforme du Code du Commerce (loi Galland). Pour patienter, je feuilletais, hier soir, le rapport annuel du Conseil de la Concurrence. Tous les secteurs économiques sont passés au crible : transports urbains, BTP, fournitures aux collectivités, produits d’entretien, etc… On a tellement l’habitude d’entendre pis que pendre des pratiques de la grande distribution dont la diabolisation devient un sport national qu’on est surpris de découvrir toute une faune de délinquants économiques : la Fédération de la Boulangerie de la Marne qui a organisé une hausse collective du prix de la baguette juste avant le passage à l’euro ; la société Lactalis (Roquefort Société) qui a cherché à pousser son concurrent (Papillon) hors des hypermarchés ; France Télécom et ses tarifs préférentiels ou discriminatoires, etc… Au total, le Conseil a épinglé 91 firmes en 2004. Principalement pour entente ! Une fois cette lecture édifiante achevée, je me suis senti oppressé par cette question éminemment métaphysique : pourquoi poursuit-on toutes ces entreprises en invoquant la nécessité de faire respecter les règles de concurrence, alors qu’à l’Assemblée Nationale, le gouvernement défend un projet de loi pour en limiter l’exercice. Pourquoi entretient-on des bataillons de milliers de fonctionnaires pour enquêter et établir l’existence d’ententes sur les prix alors que les députés s’obstinent à empêcher la concurrence sur le prix des grandes marques multinationales ? Je repose ma question différemment : quelle différence y-a-t-il entre une entente de commerçants qui veulent protéger leur marge en appliquant un même prix… et une loi qui produit les mêmes effets : prix minimum identique et marge garantie. On pourrait comprendre que l’Etat intervienne, par dérogation aux règles de concurrence, pour protéger une catégorie sociale menacée (petits agriculteurs, commerçants, etc…). Mais quand le dispositif protectionniste est étendu à tous les biens de grande consommation et que, par choix politique, on cherche à limiter les baisses de prix, pourquoi s’en prendre à ceux qui les organisent de leur côté ? Où est la logique ? Cherchez l’erreur !

9 Commentaires

One solution M.e.L. : Come to London...
Héritage du colbertisme, dont les résultats furent assez piètres pour une économie entièrement tournée vers la guerre et les conquêtes.
je ne connais pas le texte de la proposition/projet de loi. cependant, du point de vue logique :
il faut distinguer l'obligation d'application d'une loi existante, et le projet de la modifier.
il faut distinguer aussi les mesures prévues contre l'entente de certains, des dispositions visant à uniformiser les contraintes minimales de tous.
c'est bien ce que l'on appelle réglementer un marché.
voulez-vous dire qu'un distributeur n'a plus moyen de se démarquer des autres ?
Bonjour,
Tout d’abord, bravo et merci pour ce blog ; c’est dans le ton actuel et honorable de porter son avis sur la toile et surtout d’entendre celui d’autrui. C’est de plus porteur pour l’image notre enseigne.
Chaque jour nous travaillons à trouver et à proposer des produits mieux placés et correspondant aux besoins de nos clients. Néanmoins, dans les produits techniques (et informatique en particulier) les marges sont très minces, et les concurrents (sur Internet en particuliers) sont agressifs. Ne craignez-vous pas que l’écart ne se creuse trop sur les prix finaux (de référence identique) de cette famille de produits si les marges arrières devenaient déductibles du PV ?
L’exemple est flagrant dans le jeux vidéo, les produits sont à 90% en prix à la planche, la marge arrière n’est-elle pas une sécurité ? face à la vente électronique en particulier ou aux catalogues promotionnels se succédant ?
J’aimerai savoir en faite, si vous souhaitez abolir ce système de marge arrière sur des produits de type alimentaire (gros volume) ou l’étendre à l’ensemble des produits.
Merci, et bon WE en mer.
Cédric
amusez vous et lisez le rapport de la cour des comptes.
Une entreprise qui ne paye pas ses factures, qui fait des contrats de travail illégaux, qui annule ses commandes sans autres formes de procés.
Une entreprise de pirates et de voyoux sont nom :
l'état.
Si une boite du privé faisait le dixième des pratiques pointées par la CC, le dirigeant serait en taule.
seule consolation, dans deux ans c'est pas impossible que ça arrive(mais ça c'est une autre histoire).
lors de mon denier post je n'avais rien de particulier contre Leclerc. A l'instant je viens de recevoir les conditions d'achat. j'ai confirmer des prix pour certaines conditions, paiement 60 jours net, prévoyant une remise sur facture de 4% et c'est tout. Les conditions d'achat du Galec: 4% de remise sur facture, paiement à 90 j fin de mois le 10 (autant dire 120 jours) éventuellement 5% pour la centrale régionnale si celle-ci veut être livré dans son entrepot (mais je n'ai aucune influence la dessus c'est au bon vouloir des magasins et des centrales) en plus il faut payer 220 € pour le rayon!!! Une sorte de remise pour détention de gamme m'a t-on expliquer. La dernière conversation que j'ai eu avec quelqu'un de la DGCCRF m'avait appris que la détention de gamme faisait partie intégrante du métier de distributeur et qu'il ne pouvait en aucun cas demander de remise pour cela... A creuser.
Bref je n'ai rien contre le rapport de force commercial mais quand je précise que les prix transmis ne prenait pas en compte toutes ces remises, on m'explique qu'il serait très mal venu de transmettre de nouveau prix. Clairement on me dit nouveaux prix on arrête tout.... Alors leclerc rend certainement le pouvoir d'achat au francais mais à quel prix pour les fournisseurs. D'autre part, la démarche n'est absolument pas transparente lors du RV on n'a rien voulu me dire concernant les conditions d'achat. Et maintenant que je veux adapter mes prix on me dit que si je fait ca je vais dégager!!! Ah j'oubliais il faut que je livre au portugal pour le même prix aussi!!!
La moindre des choses serait de préciser par écrit au fournisseur les conditions avant que celui-ci ne confirme ses prix.
Re Cedr (19/07/05)
Il faut tirer cela au clair. Je ne connais pas votre dossier, ni la nature des produits concernés. Pouvez-vous m’envoyer rapidement un petit dossier, ou tout simplement le nom de votre société, les dates de rendez-vous et le nom de votre interlocuteur au GALEC. J’ai envie de m’en informer, et je ne comprends pas ce qu’on vous demande.
Re bruno (13/07/05)
L’Etat propose les lois, mais ne se les applique pas à lui-même.
Re cédric (13/07/05)
Non, cédric, je ne souhaite pas établir des marges arrière sur le non-alimentaire. Il faut que les commerçants quels qu’ils soient réapprennent à travailler sur des marges avant. La marge arrière contribue à surenchérir les produits et c’est cela qui éventuellement pénalise les circuits physiques de commercialisation par rapport à Internet.
Mais le problème que vous posez est plus vaste. C’est le surinvestissement concurrentiel sur les produits nouveaux ou de très forte notoriété. Pour lancer un produit innovant, le fournisseur doit inciter le distributeur à le détenir. Souvent ses marges sont excessives. A l’inverse, les distributeurs sont tentés de faire du prix d’appel avec ces produits et de casser les marges. Les généralistes s’y retrouvent, pas forcément les spécialistes qui ont une offre plus limitée. Mais dans cette surenchère, les distributeurs ne sont pas seuls en cause. Regardez comment dans le multimédia, les grandes marques sur-dramatisent la mise en marché de leurs nouveaux produits (Nokia, Samsung, Microsoft, Ipod), jusqu’au livre « Harry Potter » qu’il faudrait avoir acheté dans les dix jours. En poussant à la rapidité d’achat, les fournisseurs diminuent l’espérance de vie de leurs produits, et les distributeurs cassent les prix pour avoir un maximum de clients, quitte à pratiquer plus tard une « dérive » des ventes vers d’autres produits. Je n’ai pas une réponse toute faite pour qu’on sorte du système dont nous voyons bien ensemble les effets pervers.
Re noname (13/07/05)
Oui, noname, avec la Loi Galland, un distributeur n’a plus les moyens de se démarquer sur les grandes marques. Il peut acheter moins cher, augmenter ses marges, mais le prix public est le même dans toutes les enseignes. C’est ce système que nous avons combattu. La loi va être modifiée au 1er septembre, et nous pourrons commencer à refaire de la différenciation.
Quelques petits rappels factuels :

1) "Pourquoi entretient-on des bataillons de milliers de fonctionnaires pour enquêter et établir l’existence d’ententes sur les prix ?".

Les ententes sont suivies par la Direction Générale de la Concurrence, consommation et repression, comme ne l'ignore pas M. Leclerc.
Cette direction emploie en tout et pour tout 3721 fonctionnaires. Quand on enlève la direction générale et les nombreux agents qui se chargent de la repression des fraudes, ça fait moins de 1 500 personnes qui s'occupent de la concurrence et des ententes. Pas bien gros pour un bataillon ;-)
C'est vrai que pour certains, 2 fonctionnaires, ça fait déja deux bataillons de trop.

2) La concurrence.

De quelle concurrence parle-t-on ? Celle que tout le monde pare de toutes les vertus (baisse des prix, incitation aux meilleur service au consommateur, créativité économique) repose sur un corpus théorique (Classiques, néo-classiques et leurs descendants) dont on oublie trop les hypothèses de bases, nécessaires à la validité du raisonnement. J'en citerai deux :
1) L'information pure et parfaite
Tous les agents économiques ont a même information et savent tout sur les mouvements du marché.
2) L'atomicité du marché
Aucun agent n'est suffisamment gros pour influencer le marché par sa seule action.

Evidemment, ces hypothèses ne se vérifient pas dans notre économie moderne. Si le 1) était vérifié, pas de délit d'initié, pas d'affaire Enron. Quant au 2), la tendance lourde à la concentration des principaux secteurs de l'économie rend cette hypothèse surréaliste.

Donc, la pensée dominante se réfère à un mythe : la concurrence vertueuse dans une économie de marché autorégulatrice. Comme les hypothèses du modèles ne sont pas vérifiées, tout le monde bricole. Les fonctionnaires de la DGCCRF ou de la Commission européenne qui tentent de maintenir artificiellement en vie une concurrence qui ne peut plus exister dans les grands secteurs de l'économie. Les politiques qui pronent le libéralisme mais s'indignent quand des capitaux américains menacent de racheter un groupe français. Les industriels et entrepreneurs qui essaient de s'en sortir dans un jeu forcément biaisé et irrationnel où, contrairement à ce que professe la théorie, ce n'est pas l'innovation et la prise de risque qui sont les stratégies les plus rentables.

Aujourd'hui par rapport à la concurrence et à l'économie de marché, on distingue 4 sous-espèces d'homo-economicus :
* Les naïfs. On leurs a dit que la concurrence c'était bien et que le marché était la garantie de leur bonheur futur. Demain, ils auront un home-cinema plus performant. Ils y croient, il sont heureux.
* Les cyniques. Ils savent que la réalité est bien plus complexe que le dogme du marché concurrentiel. Mais ils sont du bon coté du manche et le système les avantage. Ils s'adaptent intelligemment en bons agents rationnels.
* Les malhonnètes. Ils savent que le modèle de marché et ses vertus relèvent du mythe mais s'en font les grands prêtres pour assoir leur pouvoir. Qu'importe la cohérence pourvu qu'on ait les voix !
* Les désabusés. Conscient du problème, ils essaient de trouver un compromis (un arbitrage, diraient certains) satisfaisant entre fidélité à certains principes surranés et qualité de vie.

La concurrence, c'est comme la démocratie : un processus dynamique qui peut produire lui même le ferment de sa destruction. La concurrence conduit à l'oligopole ou au monopole de grands groupes internationaux. La démocratie peut à tout moment basculer dans la dictature.

Re Gwael (28 juillet 2005)
Je ne voudrais évidemment pas donner l’impression de nourrir les diatribes antifonction publique. Personnellement, je trouve le rôle de la DGCCRF, éminent, nécessaire. Aucune démocratie ne saurait se priver d’une administration de contrôle des pratiques économiques.
J’insistais cependant sur une contradiction : d’un côté, on souhaite la concurrence entre acteurs économiques. On prohibe les monopoles, on sanctionne les pratiques anticoncurrentielles. Mais dans le même temps, en contradiction avec cette philosophie, le législateur vote des lois restrictives de concurrence. Je peux ainsi légalement ne pas prendre de marge sur des fruits, des légumes, ou de la viande. Mais je dois garder mes « marges arrières » sur les grandes marques. Cherchez l’erreur !
Je suis cependant d’accord avec vous. La concurrence est un processus dynamique. Il faut une autorité de régulation. L’important, pour les opérateurs économiques, c’est de pouvoir connaître la règle du jeu. Et que cette règle soit stable, et non soumise à la pression aléatoire de forces politiques qui finissent par instrumentaliser le droit.

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