Depuis quatre semaines, industriels-transformateurs, producteurs et distributeurs se renvoient la balle et désignent trop facilement des boucs émissaires pour masquer les effets négatifs d’un manque de régulation du marché du lait. Tous les acteurs conviennent qu’il y a urgence à prendre des dispositions à caractère structurel, et principalement au niveau européen.
Mais la situation de crise économique et désormais sociale, exige qu’un dispositif d’urgence soit mis en place et qu’il bénéficie directement aux producteurs, afin de leur assurer des revenus supplémentaires en attendant la remontée des cours prévue pour cet été.
Voilà plusieurs semaines que les adhérents E.Leclerc travaillent à des propositions et écoutent les revendications du monde agricole. Nous sommes aujourd’hui en mesure de faire des propositions concrètes, d’application immédiate et qui présentent l’avantage d’être juridiquement sécurisées (pas de risque d’entente).
C’est ce dispositif que je viens de proposer au Médiateur des relations commerciales agricoles.
Identification des revendications
Les producteurs de lait réclament une hausse de 2 à 3 centimes par litre de lait.
Si l’on tient compte des volumes totaux de lait collectés sur le territoire national (24 milliards de litres collectés par an, soit 6 milliards par trimestre), il s’agirait donc de mobiliser une somme de 180 millions d’euros afin de soutenir les revenus des producteurs laitiers dans les trois prochains mois.
Modalités d’abondement du fonds d’urgence
Ce fonds pourrait être abondé équitablement entre industriels et distributeurs, de la manière suivante :
Pour 51 % de la production, le lait est destiné à l’export et à l’industrie (poudre de lait, beurre industriel, lactosérum, caséine). Ces productions industrielles échappent totalement aux enseignes commerciales françaises. Aussi, il appartiendrait aux industriels d’établir la clé de répartition entre eux pour contribuer à ce financement.
La grande distribution et l’ensemble des circuits de distribution concernés par la vente de produits de grande consommation écoulant environ 49 % des volumes de lait collectés en France (fromage, beurre, lait de consommation, yaourts, desserts, crème), sa part dans l’enveloppe globale serait donc évaluée à 89 millions.
Afin d’apaiser le débat et pour éviter que ne soit relancé un « match » où chacun essaie de repasser la balle à l’autre, les centres E.Leclerc proposent que le financement basé sur ces 49% soit intégralement assumé par les distributeurs, sans cofinancement réclamé aux industriels, en contrepartie de leur engagement à assumer le soutien aux producteurs pour la partie export/industrie dont ils ont seuls la maîtrise.
La clé de la contribution de chacun des distributeurs pourrait par exemple reposer sur la part de marché que chaque enseigne représente sur ce secteur.
Sécurité juridique et rapidité de mise en œuvre
Nous avons étudié au préalable les propositions formulées par d’autres enseignes de la distribution. Malgré la qualité de leur intention, elles ont l’inconvénient d’être énoncées hors du cadre légal français et pourraient même, par leur incidence comme par leur nature, être interprétées comme une entente prohibée par la loi.
La solution proposée par la FCD a été critiquée par la FNPL au motif que le périmètre de la revalorisation était trop faible : « on n’est pas là pour faire l’aumône ». Elle ne porte en effet que sur les laits de consommation (10% du marché).
La solution proposée par Système U vise à faire apparaître en pied de chaque facture un sur-prix momentané correspondant à la part de lait incorporée dans chaque produit transformé. Pourquoi pas, mais cela paraît techniquement complexe à réaliser. Les calculs se fondant sur les seules déclarations des transformateurs, tout cela risque d’être source de contestations. De plus, comment garantir que cette hausse ne bénéficiera pas à un approvisionnement étranger ? Cette proposition suppose également une reprise des négociations bilatérales avec tous les fournisseurs. Enfin, parce que répétée à l’identique avec tous les fournisseurs et par tous les distributeurs, elle présente aussi le risque d’être requalifiée par l’Autorité de la Concurrence comme constitutive d’une action concertée.
La solution proposée par E.Leclerc permet ainsi d’éviter les écueils d’un risque d’entente et assure également que l’argent mobilisé ira directement dans la poche des producteurs de lait, dans un délai rapide et sans que l’on prenne le risque de se perdre dans des calculs trop complexes.
Les centres E.Leclerc sont prêts à verser leur part
Les Centres E.Leclerc (deuxième part de marché sur ce secteur) ont d’ores et déjà pris leurs dispositions pour provisionner la majeure partie de leur quote-part (environ 14 millions d’euros, estimation qu'il faudra affiner avec le médiateur), qui représente déjà plus des deux tiers de l’enveloppe proposée par les pouvoirs publics lors du Congrès de la FNPL le 21 mars ! Ils sont prêts à la verser sans délai dans un fonds d’urgence qui serait créé.
Il est à noter que la proposition des centres E.Lecerc se fonde sur un calcul basé sur la totalité des volumes de lait collectés en France (et pas seulement sur le lait de consommation). Elle laisse par ailleurs chaque enseigne, et chaque commerçant, libre de répercuter ou non ces hausses au consommateur et n’altère pas le libre jeu de la concurrence.
Les adhérents du Mouvement Leclerc restent bien entendu ouverts à l’analyse de toute autre proposition qui répondrait :
- à l’urgence de la situation,
- aux critères de légalité,
- et à l’implication égale de tous les intervenants de la filière.
Nous attendons désormais de connaître la réaction des pouvoirs publics et des autres intervenants de la filière laitière à nos propositions.
65 Commentaires
Voilà une devise de roi de France:diviser pour mieux reignier...
A qui la faute? Mais aussi à qui l'intérêt?
Cherchez l'erreur et vous aurez un début de réponse.
La distribution n'est pas responsable des problèmes des producteurs de lait, mal organisés entre eux, mal représentés, et donc incapables de prendre du recul pour affronter les enjeux internationaux de leur metier.
La distribution est seule prête à faire un effort de solidarité, quand l'Etat achète la paix sociale et l'électorat paysan à coup de mesures politiques éphémères, quand les industriels silencieux stockent la poudre de lait et avalent plus de 10% de marge et les cooperatives se planquent derrière les profits des céréaliers.
Tout ce petit monde est bien aise que de pauvres vandales manipulés viennent casser les magasins. Une vindicte qui les arrange tous et qui reste évidemment impunie des pouvoirs publics.
En attendant on diffuse l'idée ridicule que l'augmentation du prix de vente des produits laitiers profiterait aux producteurs...
Tous les ans c'est la meme chose. Les producteurs ont le nez dans le guidon, et personne n'a le courage de reformer la filière, surtout pas ses représentants.
En arrière plan le spectre de la PAC, la course aux subventions, les lobbies, l'export et les elections...
''L'aumône ou la casse'' dites vous, un raisonnement d'aveugle!
Excellente analyse de Bob.
Osez publier ce commentaire!
j'ai quand meme dit merci a mel
En Allemagne, le prix du lait payé aux producteurs est déjà bien plus haut. Plus de 350 €/1000 l alors qu'en France, il sera autour de 300 pour avril.
Tout le monde sait qu'en juillet le prix payé aux producteurs va monter en flèche alors qu'il n'y a toujours pas d'accord en vue avec les GMS. Alors en juillet la hausse du prix ne dérange pas les industriels mais en avril ça ne va pas.
Le système de la production laitière est complétement pourri. Les producteurs sont pieds et poings liés. Ils ne fixent pas le prix de leur lait. Grâce aux contrats instaurés par Bruno Le Maire, ils sont liés pendant cinq ans avec leur laiterie sans aucune garantie sur le prix. Avant les contrats, c'était déjà quasiment impossible de changer de laiterie à cause des accords tacites entre elles pour ne pas se piquer de producteurs, maintenant c'est cuit.
Franchement je ne conseillerais à aucun jeune de s'installer en production laitière sauf s'il arrive à commercialiser sa production lui-même en transformant.
Aujourd'hui les producteurs de lait disparaissent les uns après les autres. Et ceux qui arrêtent sont ceux qui sont capables de produire. Les producteurs qui ont très peu d'investissements peuvent continuer jusqu'à la retraite. Mais si on leur demande de produire plus, ils ne pourront pas le faire.
Je suis vraiment mais alors vraiment écoeurée de ce qui se passe dans le lait. On a même entendu un grand ponte de l'INRA dire que si les producteurs n'étaient pas capables de produire à 300 €/1000 l, c'était qu'ils n'étaient pas bons.
Eh oui !
Je cite : « S'ils (les distributeurs) prennent conscience de la nécessité d'augmenter les prix sortie usine, alors il y aura peut-être une évolution du prix du lait à la production ». Ce type de déclaration me renforce dans l'idée que le fonds (et le versement direct qui l'accompagne) que nous avons proposé est la seule solution permettant d'assurer les producteurs en crise de toucher immédiatement et sans "perte en ligne" le soutien que nous avons imaginé. MEL
En 2011, au canada, le chiffre d'affaires de l'industrie laitière toutes catégories confondues pour un litre de lait est de 1.277 € pour un prix payé au producteur de 0.551 € soit un rapport de 2,31.
En France, en 2010, le CA de l'industrie laitière est de 1.05 € par litre alors que le prix moyen du litre payé au producteur est de 0.32 € soit un rapport de 3,28.
Si on applique à un litre de lait français le rapport du Canada, le prix d'un litre de lait payé au producteur devrait être de 0.45 € soit 450 €/1000 l au lieu des 320 €.
Deux solutions :
- soit les industriels français sont très mauvais;
- soit ils gagnent beaucoup plus qu'ils ne veulent bien le dire.
Vous ne voyez donc pas qu'on fait tout en France pour que les producteurs de lait disparaissent afin que les exploitations laitières qui restent appartiennent à des fonds d'investissement ou autres (Sofiprotéol par exemple)!!!
Ne vous plaignez pas si un jour on retrouve un scandale comme Spanghero dans le lait. Avec tout le trafic qui se fait autour de cette denrée, ça pourrait arriver.
Partout en Europe le prix du lait est supérieur à celui de la France. Plus de 350 €/1000 l en Allemagne, autour de 400 au Danemark et en Italie.
En France 285 € /1000 l EN AVRIL !!!!!!
c'est incroyable que l'on chipote pour quelques centimes sur les produits laitiers quand le plein d'essence augmente de plusieurs euros et que personne ne dit rien
la nourriture a un prix et celui ci devrait theoriquement remunerer celui qui la produit
on n'a plus le droit d'avoir faim diqait coluche ok
on fait croire aux gens qu"il faut que la nourriture soit la moins chere possible , faut garder des sous pour payer le loyer qui lui augmente tout le temps et l'energie la tv et l'audio et ....alors on "oublie" de penser au paysans qui lui n'a qu'a creuver
a quand le lait chinois a la melamine dans vos assiettes
Monsieur, je suis une habitante de Lozère, joli département rural du massif central. C'est un petit pays où les gens se demandent pourquoi vous êtes absent....
Je comprends très bien qu'une grande surface doit être viable et doit faire du chiffre, mais nous nous sentons oubliés.
Une rumeur avait courut mentionnant qu'un de vos magasins allait ouvrir dans le quartier du causse d'auge à Mende (48000) tout le monde se réjouissait sauf qu'évidemment c'était totalement faux. Nous avons besoin d'une sérieuse concurrence face à HYPER U qui fait ses prix... bien évidement. Dîtes moi que vous avez au moins une fois étudié le projet. Nous sommes 73000 habitants à vous demander de venir. Bien à vous et Cordialement Mme EMIDIO Elise