SOCIÉTÉ Politique

Michel Rocard s'en est allé...

J'ai connu Michel Rocard dans les années 1960, et pour être plus précis, comme j'étais jeune adolescent, c'est auprès de mes parents et de l'expérience Leclerc naissante qu'il s'était investi. 

Apôtre des coopératives, il avait été à cette époque aux côtés de mon père sur les tracteurs des producteurs bretons venus vendre des artichauts aux Parisiens. C'était l'apprentissage du circuit court et les amis de Michel Rocard, dont Serge Mallet et Henry Hermand, s'intéressaient aux formes associatives et cherchaient des référents concrets aux idées d'un PSU naissant.

Nous nous sommes revus sporadiquement, lors de débats et d'inaugurations, dont celle du Leclerc de Conflans-Saint-Honorine dont il fut le maire. Et jusqu'au point de signer, l’année dernière, une tribune commune dans Le Monde pour défendre les spécificités des coopératives lors du débat sur la loi Macron.

Sa pensée positive a nourri mon action, et à 18 ans, j’ai adhéré au PSU lorsque j’étais en fac à Brest. J’ai ensuite assisté à ses cours à l’université Paris-Dauphine et à nombre de ses conférences. 

C'était un homme curieux de tout, érudit qui était très ouvert sur l'international. Il s'inspirait d'un hypothétique modèle yougoslave, mais aussi du suédois Olof Palme, de l'autrichien Bruno Kreisky et bien-sûr de l'allemand Willy Brandt. 

Il nous poussait à nous ouvrir sur l'extérieur et à ne pas nous complaire dans l'aisance des idées reçues sur le capitalisme, la solidarité, la redistribution ou la notion de progrès. 

Sa pensée était solide, parfois difficilement compréhensible, mais il avait une ligne politique dont il ne se détournait jamais, ce qui est une qualité bien rare aujourd'hui, où le « pragmatisme » sert parfois d'excuse au manque de vision et d'appréhension de la complexité.

La disparition de Michel Rocard vient clore un chapitre de l'histoire de la gauche française. Mitterrand a eu sa peau. Hollande doit bien le regretter aujourd'hui, qui se retrouve avec des troupes incapables d'assumer ce dépassement idéologique.

Sa récente interview au journal Le Point la semaine dernière a permis de remettre quelques pendules à l'heure sur ses fondamentaux idéologiques et sur les prétentions de ceux qui se proclament ses héritiers.

Peu d'hommes politiques laissent leur nom à une pensée politique qui leur survit. Le rocardisme, restera comme une forme de sociale-démocratie scandinave, avec de profonds marqueurs de gauche très français sur l'accès à la culture, le temps libre et l'émancipation de l'Homme. 

Michel Rocard a sorti le socialisme de l’ornière idéologique, afin de le réconcilier avec l’économie de marché. Il a inspiré la CFDT, a lancé le RMI, les quotas laitiers que l’on regrette aujourd’hui d’avoir enterrés trop vite…Il a donné un sens politique à l’Europe. 

Cet homme est resté jusqu’au bout fidèle à son engagement citoyen sans se fourvoyer avec les médias ni se compromettre par opportunisme politique.

4 Commentaires

Un bien bel hommage monsieur Leclerc, sensible et sensé, auquel je m'associe.
Paul
Bonjour MEL,
Vous avez eu bien de la chance de pouvoir approcher un homme de cette envergure. Il doit vous manquer.
Mais il va manquer encore davantage à sa famille politique, que ce soit le tyranneau de village ou le chanteur de variétés qui s'en réclament la larme à l'oeil...
Merci MEL pour ces souvenirs partagés. Michel Rocard, le petit Michel comme l'appelait ma grand-tante qui était amie avec sa mère, fut un protestant politique de la fin du XXème siècle. Lourde charge à une époque qui n'est plus guère à la rigueur morale dans l'engagement dans le travail ET dans l'humanisme dans une société déchirée ...
Et puis un grand breton, morbihanais certes mais voileux devant l'éternel!
Bravo pour ce texte.
Pourqoui ne pas l'envoyer à Michel Destot qui fait un "recueil"de témognage de gens ayant une expérience de Michel Rocard.Il pubie ces témoignages sur le site de IAG (Inventer à Gauche).

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