ÉCONOMIE Echos de la distribution

Rapport Garot, rapport Chalmin, assignation Macron…

Accusés, levez-vous (1) : la presse

« Les Mousquetaires vont devoir mettre un genou à terre et s’incliner devant la justice de leur pays »…ainsi commençait l’article du Figaro Economie lundi dernier à propos de l’assignation d’Intermarché par Bercy. Quel ton martial ! Je ne savais pas qu’une assignation valait condamnation !

Tout aussi excessif, le ton de tragédien qu’adoptait Jean-Michel Apathie ce même lundi,  quand, invité sur RTL, il m’interrogeait sur la « mise à mort » de l’agroalimentaire français, reprenant à son compte et sans distanciation (avec emphase, même !) les propos de Jean-Philippe Girard (ANIA) publiés la veille dans le JDD.

Le feuilleton annuel joué (surjoué !) par les 3 acteurs : industries, Etat, distributeurs, finissait par lasser le public. Ce dernier y trouvera-t-il un nouvel intérêt avec l’entrée en scène des journalistes eux-mêmes ?

Accusés, levez-vous (2) : le politique

Cet angle accusateur était aussi celui qu’avait choisi le député Garot pour présenter son rapport sur le gaspillage alimentaire.

Il est sympa Garot. Perso, je l’aime bien et j’ai toujours apprécié les échanges avec lui. Et puis je ne vais pas lui reprocher un petit coup de menton, histoire de rappeler aux médias qu’il fut un bon ministre.

Mais tout de même ! Taper sur les seuls distributeurs, c’est gonflé. D’abord, parce que ce sont les ménages qui sont à l’origine de la plus grosse source de gaspillage, suivis par la restauration.

Surtout, les distributeurs français sont plutôt exemplaires. Il l’a oublié, c’est lui qui le disait quand en 2013 il lançait le plan national de lutte contre le gaspillage. Plan auquel E.Leclerc avait adhéré !

On pouvait donc attendre plus d’audace et le voir appeler en responsabilité la restauration collective (y compris dans le secteur public…) ou prendre le risque, courageux celui-là, d’interpeller les  électeurs Français dans leurs pratiques quotidiennes !

Et puis, tacler la distribution, c’est une manière de ne pas poser la question de la responsabilité de chacun – dont l’Etat – dans le financement des associations de solidarité. C’est bien de pouvoir compter sur les dons des produits en fin de course.

Il faut savoir dire alors que le corolaire de la lutte contre le gaspillage, c’est la diminution des dons de produits aux Banques alimentaires et autres Resto du Cœur.

Et il propose quoi, là, Monsieur le ministre ?

Accusés, levez-vous (3) : les corporations de l’Ania et l’Ilec

Toujours les jeux d’acteurs ! Vous me direz que les coups de colère, c’est aussi une manière de dire qu’on existe. Soit. Mais c’est aussi contre-productif.

Ce n’est probablement pas un hasard que cette mise en scène. Les interpellations de l’ANIA et de l’Ilec tombent en tous les cas à point nommé pour que l’article 10 ter de la loi Macron trouve preneur. Les Députés et Sénateurs qui auront reçu le même week-end le « cris d’alarme » des industriels, et pris connaissance de l’assignation d’Intermarché, seront tentés de voter sans sourciller un système d’amendes disproportionné. Qu’importe la rationalité, c’est l’émotion ici aussi qui prévaudra.

J’ai dit sur ce blog avoir récemment rencontré nombre de chefs de file  de l’industrie. Ce sont eux qui nous ont proposé de renouer un dialogue et d’ouvrir des chantiers constructifs. Franchement, leur outrance ne donne pas envie.

D’ailleurs, qu’essaient-ils de dire aux politiques nos amis de l’industrie, si ce n’est que de rétablir une forme de loi Galland : relèvement du seuil de revente à perte, déconnexion du prix d’achat et du prix de vente, hégémonie du vendeur sur le plan d’affaire du distributeur.

L’histoire repasse les plats, et l’idée des marges arrière font son retour.

Le rapport Chalmin, une fois encore contre les clichés

Philippe Chalmin va pouvoir respirer. Il y a un mois, il venait me tirer les oreilles parce qu’il lui manquait encore des chiffres pour boucler son rapport. Quelques coups de téléphone et le retard était rattrapé. Pas facile dans un groupe d’indépendants, même quand on s’appelle E.Leclerc de faire « remonter », les marges par rayon, dans une forme de reporting et de nomenclature qui n’existe pas chez nous, faute d’usage au plan national.

Au moins, c’est l’occasion pour les distributeurs de rappeler qu’avant que d’autres s’ingénient à retourner les chiffres contre eux, par principe et même sans les lire, c’est nous qui avons fourni… comme dit Creyssel (FCD), on attend la même contribution des industriels ! Vous connaissez, vous, les marges par catégorie de produits, de Danone, de Lactalis ou de Herta ? En tous les cas, pas moi !

Que dit ce rapport ?

D’abord, il insiste sur les drames qui se préparent dans l’agriculture. Une analyse que je partage, et à partir de laquelle je déclarais d’ailleurs que les centres E.Leclerc étaient prêts à discuter de solutions, sous l’égide des pouvoirs publics, avec l’implication et les contributions de tous les acteurs des filières.

Chalmin confirme la faiblesse des marges nettes du secteur de la distribution : 1,1% (moyenne). Ainsi, sur un caddie 50€, 55 centimes reviennent aux enseignes (contre 75 centimes en 2013 et 95 centimes en 2012).

Avec une baisse d’environ 0,7 % en moyenne en 2014, le gagnant de la maîtrise des prix est bien le consommateur. Récemment Les Echos chiffraient le gain total de pouvoir d’achat à 1 milliard d’euro pour les Français l’an dernier.

Danone, Fleury Michon, Nestlé, BEL, Unilever, Heineken, L’Oréal, Coca-Cola… toutes ces belles entreprises annoncent pendant ce temps, des croissances de ventes et de CA de 1 à 5% au 1er trimestre 2015 et se disent optimistes pour la tenue de leurs objectifs annuels. Soyons clairs : tant mieux pour elles.

Dans ce contexte, les propos et les écrits des dirigeants de l’ANIA et de l’ILEC frisent la provocation.

8 Commentaires

Bonsoir MEL, quel panier de crabes que ceux dont vous parlez!!
Les premiers (la presse) "banquetent", "petitfourise", "gloutonnent" avec les seconds (les politiques). Ils se reniflent, se ressemblent, se lient, s'éprennent, s'épousent parfois, se séparent aussi...
Les seconds parlent surtout avec les troisièmes (les corporations) parce que c'est plus facile, pratique et rassurant de parler avec des interlocuteurs qui peuvent recycler vos personnels le temps d'une déveine électorale.
Enfin, tous scrutent avec attention ce que va sortir le quatrième (Chalmin) afin de s'assurer de donner l'ampleur qu'il ne mérite pas à un rapport qui n'a d'autres intérêts que de les dédouaner de ne rien faire (pour les seconds et les troisièmes) ou de ne rien comprendre (pour les premiers) et de désigner dans un langage ampoulé d'universitaire peu encombré des contradictions de son discours, un ou plusieurs responsables de tous les malheurs du monde! Vous avez bien du courage de continuer à vous les farcir...
On parle du vote obligatoire! Cela n'aura de sens que si l'on oblige à écouter la radio ou regarder la télévision, et pour que la boucle soit bouclée, à se syndiquer!!!!
Et le consommateur dans tout cela? Ils s'en br...
Votre analyse, vos analyses comme si souvent dans ce blog que je suis régulièrement, sont si justes qu'elles donnent un peu le dégoût à propos de ce marigot consanguin.
A bientôt vous lire.
Bonjour,

Je réagis uniquement sur votre interview par Jean-Michel Aphatie sur RTL. Je viens de publier sur Mediapicking une analyse de cette interview: http://www.mediapicking.com/news/22-michel-edouard-leclerc-contre-entreprises-agroalimentaires-sur-rtl-meilleure-defense-c-est-attaque-mais-pourquoi-avoir-laisse-faire-son-show-mener-interview

En résumé, vous avez mené l'interview et démontré l'étendue de vos talents. Nul ne peut vous le reprocher. Je m'étonne, en revanche, du manque de préparation, de relance et de pertinence de Jean-Michel Aphatie.

Bien à vous,

Joël Amar.
Bonjour,
je tombe par hasard sur MEL, très interréssant mais un peu trop pointu..Vous auriez pu au moins dire qui sont ANIA et ILEC...dames de petite vertu? Je plaisante...j'ai été chercher sur le WEB.
A bientôt
Merci pour votre message. C'est vrai et vous avez tout à fait raison, ce ne sont pas des organisations connues de tous les lecteurs de ce blog. Même si je m'efforce de m'extraire du jargon professionnel quand j'écris sur ce blog, il y a parfois des loupés ! Je veillerai à réexpliquer brièvement qui est qui, lors de mes prochaines références ! La pédagogie est l'art de la répétition, n'est-ce pas ? ;-) MEL
Déjà MEL vous avez le réflexe de ne pas voir la distribution totalement éliminée des perspectives de décisions sur les marchés et aussi face à l'état français entre autres.
Mais il en va de même sur les pratiques de scoring et autres sur les produits rayons, services productivités et ensuite par évidence directions des hypers et secteurs puis des marques et je vous en prie Mr l'électeur " vous citez souvent Coluche et merci encore à lui pour les restos du cœurs, "je suis ni pour ni contre bien au contraire" avec cela la situation des paysans est encore difficile, mais pour les consommateurs savoir que le ministère sait combien de légumes ils achètent, vous comprenez quand il faut faire les choses tout se complique ! c'est simple.
Si vous parlez des français, votre marché principal et légitime, vous barrez électeurs, c'est bien aussi que les comportements consommateurs, donc électeurs sont aussi en fonction de l'abstention 50 % environ aux dernières élections même avec la nouvelle parité remarquable ! Intermarché n'est pas la souveraineté, ... etc., l'Europe fait de même et comme toujours qui va produire décider et appliquer les règles proposées et votées par tous, enfin la démocratie vaut ce qu'elle est , le citoyen si retrouve et ne convient pas autant de faire des impôts de 90 % des revenus à la sources, ni un montant exorbitant des charges indispensables sur l'activité qui ne prouvent pas par les résultats recherchés, croissance, baisse du chômage, précarité, réindustrialisassions des infrastructures dont les hypers et un pouvoir d'achat solvable fiable pour les consommateurs ! Il ne faut pas nier les avantages successif des actions des gouvernements qui ont aussi leur compétences reconnues, mais l'urgence va surement voir jour en gardant ces principes de contrôles aux rayons. Les nomenclatures utilisées en union soviétique, technique fiable mais trop incursives sans contrôles des institutions et fonctionnalités des applications n'est pas sain ! en fait la CEI a aussi très évoluer correctement grâce à ses dirigeants, vers la démocratie, mais c'est bien de l'évolution générale internationale qu'il ne faut pas dépendre, sans être protectionniste, il faut lutter contre le chaos perceptible dans la distribution comme production, c'est être aussi pro américain avec un rapport citoyen consommateur fort et un rôle essentiel du distributeur qui lui à la fonction des hypers et autres pour les citoyens-clients, pour le développement durable et ses techniques ! chacun doit participer avec ses responsabilités comme le consommateur à sa juste place et droit ! attention donc aussi de ne pas être vindicatif !
Bonne continuation et bon Week end du 1er mai !
Erik, comme vous dites, MEL à du courage, et tous les autres patrons de la gd aussi, vu ce qu'ils se prennent médiatiquement dans la tête depuis des années...des décennies même! Mais ces derniers temps les dénigrements médiatiques semblent avoir atteint un sommet...

C'est d'autant plus difficile lorsqu'on croit à son métier et qu'on le vit passionnément...perso j'ai rendu les armes!
Avec Michel Édouard Leclerc,il n'y a pas de paroles en l'air Chacun sait que c'est lui le moins cher....
Après les assignations NOVELLI en 2009, LEFEBVRE en 2011, voici les assignations MACRON !

Et comme tous les ans au printemps, l'ILEC, l'ANIA et autres acteurs de la "cause multinationale" reprennent, la main sur le cœur (c'est là qu'est le portefeuille) leurs vieilles complaintes... Et aussi incroyable que cela paraisse, ces recettes resservies sans cesse continuent à fonctionner auprès d'une certaine catégorie de médias, d'une partie de la population et, surtout, de nos politiques au pouvoir...

Ah la puissance des lobbies... Existe-t-il encore un journalisme courageux capable de relever le défi et d'étudier, avec sérieux, la rentabilité de ces plaignantes multinationales et leurs relations parfois équivoques avec le pouvoir ? Ils s'apercevront sans doute qu'en dépit de la crise, ces grands groupes connaissent des progressions et rentabilités records...

A commencer par NESTLE, puisqu'il semblait craindre pour sa survie : Résultat d'exploitation à 14.5% en 2014 avec une progression de "de 30 points de base à taux de change constants" (Cf rapport financier NESTLE 2014 disponible en ligne). Perspective 2015 ? "nous visons une croissance organique autour de 5% avec une amélioration des marges, du bénéfice récurrent par action à taux de change constants et de la rentabilité du capital"... Que les actionnaires se rassurent, donc : Avec un bénéfice net par action en hausse de 44,6%, le Groupe NESTLE est l'un des plus rentable du monde. Les données sont publiques s'agissant d'un Groupe côté en Bourse : Alors au boulot les journalistes !

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