Relations producteurs/distributeurs

AGRICULTEURS : DES RELATIONS COMPLEXES

L’IMMOBILISME DU SYNDICALISME AGRICOLE
Dans les années 60 à 80, l’objectif des leaders syndicaux était la modernisation de l’agriculture avec un discours moderniste, organisationnel et porteur des valeurs de solidarité avec un modèle : celui de l’entrepreneur agricole.

Depuis 1990, l’on constate :
- une incapacité des leaders syndicaux à rester en prise avec la demande sociale,
- une montée des organisations de consommateurs : mauvaise réaction des leaders du monde agricole
Et, il a fallu attendre l’été 2003 pour que ministres et syndicalistes confirment l’irrévocabilité de la réforme de la PAC, entérinée dans les documents de la Commission Européenne depuis 1989 : soit 4 ans de perdus !
> évolution des discours et attitudes vers des formes purement protestataires : comme le furent celles accompagnant la disparition du petit commerce.
> décalage entre l’extraordinaire développement d’initiatives actuellement en cours dans le monde agricole et l’incapacité du syndicalisme national à les valoriser
> stratégie défensive et corporatiste de la FNSEA pour élargir les offres de sa base syndicale avec le thème fédérateur du revenu mais très controversé au sein de l’opinion (subventions…) et l’absence d’engagement sur la protection de l’environnement ou sur la gestion des crises sanitaires.

UN RÉEL MALAISE PAYSAN

Beaucoup de frustration et d’incompréhension :
Les paysans ont besoin d’une identité et d’une reconnaissance de leur rôle social.
Les consommateurs ont la nostalgie d’un monde rural idéalisé.
Mais les exigences en matière de prix, de qualité et de diversité des produits impliquent une forte industrialisation des modes de production, y compris dans le secteur de l’agriculture biologique.

De sombres perspectives :

- La refonte de la PAC (Politique Agricole Commune) va avoir un effet tellurique : avec d’une part la réduction des subventions (représentant 50 % du revenu des éleveurs) sans augmentation possible des prix;
- Sans compter : l’élargissement de l’Europe, l’arrivée de produits à bas prix en provenance de l’Europe de l’Est et la libéralisation des marchés internationaux.

LE CONTENU DES POLÉMIQUES

- Les agriculteurs protestent contre la pression des grandes centrales d’achats sur les cours
Réponse : l’achat direct par la distribution ne représente pas 40% du marché agricole, quid des industriels ? Par ailleurs, les distributeurs sont-ils responsables de la dérégulation des prix agricoles ? Est-ce de leur responsabilité si le prix du blé se négocie désormais à Chicago, si le prix du lait dépend désormais des cours de la poudre de lait vendue au marché Chinois, si l’agriculture allemande est moins chère que l’agriculture française en utilisant des méthodes parfois peu loyales ?

- Les agriculteurs accusent les distributeurs de prendre des marges trop élevées, notamment sur les produits frais.
Réponse : la distribution française a les marges les plus faibles au monde : le profit net d’un Leclerc, d’un Système U ou d’un Intermarché n’excède pas 3 à 4% du chiffre d’affaires avant impôt, quid des industriels tels Danone ou Nestlé qui affichent des résultats de 11 à 12 % ? Le rapport Chalmin (2012) est venu apporter un peu de vérité dans les fantasmes qui courent sur les profits des distributeurs. On attend le même effort de transparence du côté des industriels. Mais cela ne semble pas être une exigence des représentants du monde agricole qui en arrivent (comme en 2013) à mener campagne commune aux bras des plus grands lobbies de l’industrie agroalimentaire internationale !

- On accuse la distribution de capter l’essentiel des gains de productivité réalisés depuis les années 60.
Réponse : l’agriculture crée de moins en moins de valeur ajoutée comme en témoigne le cas de la viande. De leurs côtés, les distributeurs ont investi et continuent de le faire pour innover et fidéliser.

- Les agriculteurs accusent la distribution d’avoir augmenté ses profits « sur leur dos »
Réponse : je garantis, chiffres à l’appui, que l’augmentation de la valeur ajoutée dans un centre E.Leclerc, sur 10 ans, n’est que la conséquence d’une transformation accrue du produit. En parallèle, les centres E.Leclerc ont su aider certains agriculteurs volontaires à mieux valoriser leur production, seule condition possible pour faire accepter des prix de vente plus chers aux consommateurs. Avec notre offre « Alliances locales », nous mettons ainsi en relation quotidiennement près de 10.000 producteurs locaux avec les clients de nos magasins. Viandes, primeurs, confitures, miels et autres produits locaux sont ainsi valorisés.

PROPOSITIONS POUR LE MONDE AGRICOLE

Si je suis très critique à l’égard du syndicalisme paysan aujourd’hui, c’est que j’ai franchement l’impression qu’il se fourvoie, et qu’il entretient trop d’illusions. Je pense qu’il faut aider l’agriculteur à passer le cap en se réappropriant une part de la valeur ajoutée :
- en étant plus impliqués dans le processus de transformation des produits, à l’instar des puissantes coopératives dans le secteur du maïs, du blé ou de la production laitière;
- en créant des marques ou des labels de qualité, permettant d’éviter la banalisation des produits, à l’instar des producteurs qui ont lancé Poulet de Loué, Fermier des Landes ou Prince de Bretagne.

Ils doivent s’inspirer de ce qui s’est passé dans le vin ! Dans les années soixante et soixante-dix, le revenu de beaucoup de viticulteurs dépendait « du cours du vin ». L’obsession, c’était les vins d’importation, notamment d’Afrique du Nord. Plusieurs supermarchés (dont le centre E.  Leclerc de Carcassonne) avaient été endommagés, les chais portuaires de Jean-Baptiste Doumeng, l’ancien milliardaire rouge, mis à mal.

Depuis, la profession s’est prise en mains. Elle a arraché les mauvaises vignes, réduit les rendements, travaillé sur la segmentation de l’offre. On ne vend pratiquement plus de vin dans des bouteilles consignées « 3 étoiles ». Les consommateurs achètent des vins de terroir, de pays, de château. Les grands crus cohabitent avec les petits domaines sur les rayons des grandes surfaces, dans les foires aux vins ou chez les cavistes ! A ce jour, c’est le producteur qui façonne le « discours du vin ». Il est le propriétaire de la marque. Il a su retenir pour lui la valeur ajoutée ! C’est le modèle à suivre.

 

RAPPORTS AVEC L’INDUSTRIE

DES RELATIONS COMPLEXES DEPUIS TOUJOURS

De réels antagonismes :
Dans les rapports  avec les producteurs, j’ai toujours combattu :
- les ententes,
- les comportements ayant des effets néfastes sur les consommateurs,
- le manque de qualité,
- le manque de traçabilité, etc.

A mon sens, les vraies priorités sont :
- les consommateurs et le pouvoir d’achat,
- les partenariats pour accompagner les producteurs gênés (impréparation, crises,… etc.) dans la réalisation de cet objectif prioritaire.

DES PRIORITÉS DIFFÉRENTES

Avec les grands industriels, nous avons des priorités différentes. Lors des négociations commerciales avec eux, nous ne lâchons rien. Notre objectif est clair : contenir l’inflation qu’ils tentent de nous faire passer chaque année (et d’imposer au consommateur) parce qu’elle est plus exigée par les promesses de rendements faites à leurs actionnaires qu’à l’évolution réelle de leurs coûts de production.

Il nous a fallu du temps pour convaincre nos interlocuteurs politiques des méfaits de lois qu’ils avaient votées par le passé (je pense notamment à la loi Galland, à peine amendée par un autre ministre – Dutreil – quelques années plus tard). En 2008 – enfin ! – nous avons eu le droit de négocier les tarifs de vente des fournisseurs. Rendez-vous compte que jusqu’à cette date, nous n’avions aucun droit pour le faire ! Le consommateur a ainsi pu bénéficier directement, par la réduction de prix, de ces nouvelles règles de négociations entre professionnels.

Cinq ans plus tard, les grands industriels sont repartis à l’assaut de cette loi qui les empêche de faire le profit qu’ils estiment nécessaire. Cette fois, ils ont su se cacher derrière quelques PME réellement en difficulté, pour essayer d’amadouer le politique. Larme de crocodile, ils attendent que soit dressé le couvert pour se précipiter sur les plats. Et les petits attendront les miettes.

 

RAPPORTS AVEC LES PME

Je suis persuadé que le développement de l’activité des PME et le dynamisme de leurs marques et de leurs produits est l’un des enjeux majeurs de la distribution. J’en suis d’autant plus persuadé que  le Mouvement E.Leclerc est lui-même un regroupement de PME de la distribution. Cet engagement personnel s’est déjà concrétisé par la création de nombreux accords qui lient localement et régionalement les centres E.Leclerc aux PME françaises.

Notre Mouvement s’est ainsi engagé dans un plan PME permettant aux petites entreprises de bénéficier d’une sorte de « discrimination positive » dans les négociations commerciales (acceptation plus facile des hausses de tarifs liées aux matières premières, amélioration des délais de paiement, conclusion des contrats le plus tôt possible afin de leur donnée une visibilité sur toute l’année, etc.). Par ailleurs, en structurant notre offre, nous devenons ainsi des clients importants d’entreprises moyennes : c’est ainsi que nos produits labélisés « Nos régions ont du talent » sont produits par environ 200 PME à travers la France.

PLUS QU’UNE CONVICTION : UN ENGAGEMENT SOLIDAIRE

Le 1er octobre 2003, le Mouvement E.Leclerc et la Fédération des Entreprises et Entrepreneurs de France (FEEF) ont signé un accord de partenariat. L’ambition de cet accord : mettre en oeuvre les bonnes pratiques permettant aux PME de développer leur chiffre d’affaires, tout en préservant leur autonomie, leur  savoir-faire et leur indépendance de gestion. Nous affirmons ainsi notre volonté de continuer à développer et à améliorer les relations avec les PME. Notre engagement vise notamment à favoriser un système concurrentiel équitable pour les PME leur permettant de rester compétitives face aux grandes sociétés multinationales, à donner l’opportunité à des entreprises locales de se développer et à soutenir l’émergence de nouveaux acteurs.

UN PARTENARIAT CONCRET, DES ENGAGEMENTS FORTS SUR LE LONG TERME

Les grands axes sur lesquels nous nous engageons couvrent les domaines-clés de la collaboration commerciale :
- la politique d’achat et de référencement,
- la communication sur le lieu de vente et
- l’information économique des entreprises partenaires.

De leur côté, les PME adhérentes de la FEEF s’engagent à fournir une information régulière et transparente au Mouvement E.Leclerc concernant l’évolution de leur chiffre d’affaires, le développement de leurs nouveaux produits, la structure de leur actionnariat et de leur capital social.