CULTURE Fonds H.& E.Leclerc

Giacometti à Landerneau (3): quand Jean Genet racontait Giacometti

Devant le succès, et compte tenu des demandes de la part des écoles notamment, les équipes du Fonds des Capucins à Landerneau et Catherine Grenier pour la Fondation Annette et Alberto Giacometti essaient de voir si l’on peut jouer les prolongations. Normalement, la manifestation devait durer jusqu’au 25 octobre, mais peut-être allons-nous pouvoir exposer ces chefs d’œuvre une semaine supplémentaire.

Il y a quelques jours, à l’occasion du Festival Culturissimo des Espaces culturels E.Leclerc, les Landernéens ont eu le plaisir d’écouter au Family le célèbre texte de Jean Genet « L’atelier d’Alberto Giacometti » (Ed. L’Arbalète), lu par le comédien Dominique Pinon.

C’était un plaisir immense de l’entendre, comme l’est celui de se plonger dans la lecture de cet ouvrage bref, tout à la fois journal intime, relevé d’impressions, verbatim d’échanges furtifs ou plus approfondis, carnet de réflexions…

dominique-pinon

Publié aux éditions de l’Arbalète, le texte est illustré de 33 photos d’Ernest Scheidegger qui font magnifiquement écho aux mots choisis de Genet.

Jean Genet admire Alberto Giacometti

Il ne cherche nullement à le dissimuler. Il aura le privilège, pendant quatre ans (de 1954 à 1958) de poser pour l’artiste :

« Je suis assis, bien droit, immobile, rigide (que je bouge, il me ramènera vite à l’ordre, au silence et au repos) sur une très inconfortable chaise de cuisine. Lui - (me regardant avec un air émerveillé) : ‘’Comme vous êtes beau !’’. - Il donne deux ou trois coups de pinceaux à la toile sans, semble-t-il, cesser de me percer du regard. Il murmure encore comme pour lui-même : ‘’Comme vous êtes beau.’’ Puis il ajoute cette constatation qui l’émerveille encore plus : ‘’Comme tout le monde, hein ? Ni plus, ni moins’’. »

Au-delà de l’inconfort que l’on devine sans peine, c’est un poste d’observation privilégié pour Genet, qui peut partager une intimité spirituelle plus profonde et plus intense, rendue possible par ces interminables heures en face à face avec Giacometti.

livre genet giacometti« L’atelier d’Alberto Giacometti » n’est ni une description minutieuse du travail de l’artiste, ni une réflexion suivie sur l’art ou la création. C’est un peu tout cela à la fois. Narration morcelée, éclatée diront certains. Ecriture ciselée, précise et pure, en hommage au travail de son inspirateur penseront d’autres.

« C’est l’œuvre de Giacometti qui me rend notre univers encore plus insupportable, tant il semble que cet artiste ait su écarter ce qui gênait son regard pour découvrir ce qui restera de l’homme quand les faux-semblants seront enlevés ». On ressent à la lecture de ces mots l’exigence qui a dû s’imposer aussi à Genet dans son écriture exigeante.

L’irruption de bribes de dialogue au détour du récit renforce indéniablement cette impression  d’immersion et donne le sentiment au lecteur d’être partie prenante de ces confidences, une sorte de témoin privilégié des réflexions d’un artiste sur ce qui l’inspire, le transcende et l’effraie.

Dans l’atelier de Giacometti

Quel amusement de voir ce contraste photographique entre le chantier permanent de l’atelier et ce petit homme frêle, en complet veston, cravaté comme un dimanche et s’affairant devant quelques toiles ou polissant quelques plâtres !

C’est à partir de décembre 1926 que Giacometti s’installe dans cet atelier d’à peine 23 m², au 46 rue Hippolyte Maindron dans le quartier des artistes à Montparnasse. Dans cet espace modeste, tant par sa surface que par son manque de confort, Giacometti a produit la grande majorité de son œuvre.

Catherine Grenier, directrice de la Fondation Giacometti et Commissaire général de l’exposition de Landerneau insiste :

« On sait l’importance de l’atelier de Giacometti comme espace de travail mais aussi de représentation; cet espace réduit, au sol de terre battue qu’il refusera toujours de quitter, même au sommet de sa gloire ».

De fait, cet atelier est très vite devenu l’espace mythique de l’artiste au travail. Quand il n’y fait pas poser ses modèles, Giacometti y accueille volontiers les plus grands photographes de son temps.

Genet contribue à sa manière à nourrir le mythe. Assurément, ces deux-là connaissaient l’art de la communication et de sa mise en scène !

Dans le texte de Genet, l’atelier est le prétexte autant que le passage obligé qui aura permis à Genet d’approcher intimement Giacometti pour mieux saisir son œuvre et percevoir la complexité de son rapport au réel. Vous l'aurez compris, j'en recommande vivement la lecture.

Si je puis me permettre un dernier conseil : il y a plus de force encore à lire (ou relire) ce texte après avoir visité l’exposition.

Imperceptiblement, à la lecture des mots de Genet, vous y raccrocherez des bribes de votre visite et l’expérience n’en sera que plus riche.

4 Commentaires

Suite à l'exposition, une réflexion pourquoi exposé des objets inutiles?
Pourquoi pas me direz-vous? ;)
Un merci aux guides pour leurs explications.
Je l'ai ratée, je ne sais comment je me suis démerdé !
Vous avez encore 3 jours !!!!!!
[...] Merci également à Cécilia Braschi, Itzhak Goldberg, Damarice Amao et Isabelle Lartault pour leurs conférences et leurs performances. Ils auront su réunir plus de 350 curieux. Coup de cœur aussi pour le comédien Dominique Pinon. [...]

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