Michel-Edouard Leclerc sur BFMTV
ÉCONOMIE Pouvoir d'achat

Politiques, banquiers, entrepreneurs : et si l'inflation arrangeait beaucoup de monde en France ?

J'étais ce matin l'invité d'Apolline de Malherbe sur BFMTV et RMC.

1) Sur l'inflation, je remarque que beaucoup trop de décideurs (politiques, financiers, entrepreneurs) s'accommodent de la hausse des prix.

Les banquiers, mais peut-être aussi les commerçants ne sont pas mécontents, au fond, que la rémunération de l'épargne "perde de l'intérêt" et soit finalement dépensée.

Sur les carburants, l'inflation permet mécaniquement des recettes de TVA pour l'Etat.

Enfin, pour parler des entreprises, l'inflation entretient l'illusion de l'accroissement du chiffre d'affaires : quand vous allez voir le banquier, vous lui dites "Je vais faire 6% ou 7% d'augmentation", il vous accorde plus volontiers... son écoute.

Des grands banquiers, des économistes commencent à dire tout haut que ça coûte moins cher aux finances publiques de laisser les entreprises augmenter leur prix et leurs marges, quitte à en compenser l'effet par un peu de chèques ciblés sur les clients impactés .

Mais, au final, le consommateur est le dindon de la farce : pour lui, l'inflation est un impôt. Un impôt qui n'est pas discuté au Parlement, un impôt inégalitaire, un impôt qui touche particulièrement les plus démunis.

2) On veut réduire le débat sur l'inflation à une querelle corporatiste opposant commerçants et industriels. Certes ils doivent renégocier. Mais il y a peut-être aussi un enjeu politique.

Observez avec moi : d'un côté il y a Bruno Le Maire et Olivia Grégoire qui demandent des répercussions de la baisse des marchés de matières premières. Mais en face, au Parlement, ça ne réagit pas franchement. La proposition ne rencontre pas plus d'écho au MEDEF et à la CGPME.

TOUS les décideurs publics et privés, si révoltés dès qu'on parle de prélèvement fiscaux ou de taxes, ne devraient ils pas être en mode "combat" contre cet impôt qu'est l'inflation ?

3) J'insiste : la vraie question c'est pourquoi la hausse des prix alimentaires en France est à 2 points d'inflation au dessus de la zone euro. Les Italiens, les Portugais, les Espagnols et les Néerlandais sont mieux lotis : pourquoi ?

Pour mes collègues de Leclerc et aussi nos confrères de la distribution, les lois françaises ont été détournées de leur objet. Elles devaient (et doivent) aider les agriculteurs, mais elles profitent surtout aux entreprises multinationales.

Est-ce que vous trouvez ça normal qu'on oblige les distributeurs à prendre 10% de marge sur les produits de grandes marques, sur le Coca-Cola, les barres chocolatées ou le café alors que l'inflation est à 17% ? Et alors qu'on ne produit pas ces denrées en France ? C'est du délire !

Est-ce que vous trouvez ça normal qu'on va nous limiter les promotions sur les produits d'entretien, de santé ou de beauté ? Au profit de qui ?

Le président de l'Autorité de la Concurrence avait mis en garde : sous prétexte d'aider les filières agricoles françaises, on a créé des comportements collectifs d'entreprises qui diminuent la concurrence et empêchent d'offrir des prix plus bas. Croyez-moi : le ver est dans le fruit. Il va falloir revisiter tout cela...

0 Commentaires

Laisser un commentaire

Cette adresse n'apparaîtra pas à la publication