ÉCONOMIE Développement durable

Directive européenne OGM : La traçabilité en défaut

Vous ne savez probablement pas quelle est la différence entre le maïs Bt10 et le maïs Bt11. Moi non plus d’ailleurs. Tout ce que je puis vous dire c’est qu’il s’agit, dans un cas comme dans l’autre, de maïs génétiquement modifié intervenant notamment dans la fabrication de la bière (sous forme de gluten). C’est l’Américain Syngenta qui exporte ces produits. La commercialisation de l’un (le Bt11) était jusqu’ici autorisée en Europe, mais pas le Bt10. Seulement voilà, impossible techniquement de les différencier. Les tests de « dépistage » du Bt10 ne sont pas encore fiables. Au point que 1 000 tonnes de ce maïs auraient été importées en Europe, sans que nul ne s’en aperçoive. Prise de court, la Commission a intelligemment décidé l’embargo sur les deux espèces, en attendant d’y voir plus clair. Et surtout, en espérant que les Etats-Unis mettent en place une certification « sans Bt10 ». Cette affaire a été relativement bien relayée dans la presse. Elle est la démonstration que la politique de traçabilité mise en place par la Commission Européenne ne suffit pas. Je m’intéresse à cette affaire parce qu’en tant que distributeur, nous sommes sans cesse interpellés par des ONG écologistes, la plupart anti-OGM, mais toutes en tout cas unanimes pour revendiquer une information consommateur fiable. Je trouve cette demande légitime. Mais n’étant pas scientifique, et ne disposant pas nous-mêmes d’informations de la part de l’administration ou des industriels, ça devient un vrai casse-tête. On peut retirer du marché un produit signalé comme « susceptible de contenir des OGM ». On ne peut évidemment pas retirer des produits dont on ne sait pas s’ils contiennent des OGM. Je viens d’en discuter avec des fonctionnaires du ministère de l’agriculture, ainsi qu’avec un conseiller scientifique très actif à Bruxelles. Ensemble, nous avons convenu que cette affaire révélait les limites de la réglementation européenne et remettait en cause le principe d’une segmentation des marchés. Ce dossier du maïs révèle en effet : 1) Manifestement, il y a eu contamination croisée ou mélange des maïs. Ce qui signifie que les exigences européennes de traçabilité n’ont d’efficacité que si les pays exportateurs l’exigent de leurs fabricants. « Elémentaire, mon cher Watson ». 2) La Commission ne dispose manifestement pas des outils de contrôle nécessaires pour faire appliquer la réglementation qu’elle édicte. Pire, des produits sont mis sur le marché alors que le fabricant est incapable lui-même de proposer les tests de repérage. Ce genre d’affaire va forcément se répéter, au gré des mises en marché de milliers d’espèces nouvelles. Ne faut-il pas lier les garanties d’innocuité et les garanties de traçabilité dans le cahier des charges avant toute commercialisation ? 3) La France vient d’inscrire, dans sa Constitution, l’obligation de respecter le principe de précaution. Ce n’est pas le cas aux Etats-Unis. Comment les états, s’ils sont un jour accusés par des consommateurs invoquant ce principe, pourront-ils se retourner contre les fabricants ? Et sur quelle base juridique ? Voilà donc, chers amis, un épi de questions dont je vous prie de croire que les réponses ne sont pas amidonnées.

3 Commentaires

Je relève une erreur dès la 5ème ligne : C’est l’Américain Syngenta qui exporte ces produits...
Le siège de Syngenta est situé à Bâle en Suisse. Voir : http://www.syngenta.fr/
Mais il est effectivement plus populiste et raccoleur de dénigrer les méchants américains.
Re- à Bistroman (26/08/2005)
Ce n’est pas parce qu’une entreprise est située en Suisse qu’elle est suisse. A ma connaissance, et après une rapide investigation sur son actionnariat, il me semble bien que cette société est américaine.
Bonjour,
Malheureusement le problème de la tracabilité, surtout en ce qui concerne les OGM, est pratiquement impossible. J'ai lu par ailleurs un article où un journaliste demandait à un agriculteur (producteur de mais) si celui-ci était bien sur de la qualité de ses graines de mais....surprenant mais vrai, il a répondu: "pas à 100%". En effet, il semblerait que personne ne sache exactement si une graine a été croisée avec un OGM ou non. Ces croisements se faisaient bien avant que naisse cette directive, le problème existe et subsistera encore et il m'est difficile de penser que l'on réussira à mettre une étiquette "NO OGM" en étant certain que le produit final le soit.
Toutefois, la tracabilité et les informations figurant sur les étiquettes restent fondamentales pour le consommateur. Là, je vous parle en tant que consommatrice bien entendu et la grande distribution dans ce domaine a fait d'énormes progrès, notamment sur les allergènes et les produits sans glutène (grace à la tracabilité de ces produits). En effet, je vis depuis plusieurs années en Italie et je vais faire mes courses à Conad car les produits sont catalogués de façon très précise (depuis environ 2 ans) et cela me donne l'assurance d'acheter un produit sur de façon plus rapide (je n'ai pas besoin de lire toutes les étiquettes). Permettez moi tout de meme une considération, la France est le leader de la grande distribution et vous Monsieur Leclerc l'un de ses fondateurs, comment se fait-il qu'en France l'étiquettage et l'identification en rayon de ces produits ne soit pas aussi simple qu'en Italie ou en Espagne? Avons-nous en France moins d'allergies et d'intollérance que dans les autres pays?

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