
En pénétrant dans la sublime salle de La Pagode, j’appréhendais le visionnage de ce premier film de Tom Ford. Une RP excessive, très centrée sur le réalisateur, trop flatté dans les rubriques « mode » au risque de l’être aussi pour la critique cinématographique. Et, franchement, je n’étais pas partant pour une énième histoire d’homo, désespérément militante, comme si le happening de la Gay Pride n’avait pas définitivement acquis son allure d’évènement institutionnel.
Eh bien, je dois dire que j’ai aimé ce film. Malgré des pesanteurs, des excès ! J’ai été touché au cœur par une émotion que je n’attendais pas.
Des longueurs ? Assurément. Comme ces regards d’hommes, beaux, mais finalement aussi vides que des photos de mode. Oui, le temps est bien long quand Narcisse se complaît dans son miroir.
Tout comme est excessive cette photo esthétisante, ce parti pris d’un cadrage systématiquement léché, sans aspérité aucune.
Mais Tom Ford multiplie les clins d’œil. Référence à Wong Kar-wai, à Beinex (Diva), au cinéma des années 80, jusque dans le choix d’une lumière qui donne à la pellicule cette impression de papier glacé : « J’ai toujours envie d’embellir la réalité, surtout pas de l’appauvrir » (Paris Match, 18/02/10).
On adhère assez vite à ce parti pris. Colin Firth (génialissime) incarne cette « recherche de la perfection ». Maison d’architecte, voiture ancienne, dressing et salle de bain surdimensionnés, toute cette réalité qui semble donner du sens au monde de la mode et des arts, toute cette réalité…devient agression quand survient l’accident mortel.
Oh, jusqu’au dernier moment, cette « tyrannie du beau » aura raison du chagrin de Narcisse. Jusque dans cette mise en scène méticuleuse et ordonnée d’un suicide qui ne saurait laisser de tache sur l’oreiller !
C’est la douleur qui conduit Colin Firth à prendre de la distance avec son monde. Son caractère l’y poussait déjà. George (Firth) manie facilement l’ironie. Mais face à deux jeunes éphèbes, immigré ou étudiant, il finit par se trouver « pitoyable ».
On retrouve, ici, l’une des obsessions de Tom Ford : « Pour beaucoup, la sexualité est ce qu’on fait dans un lit, pas pour moi. George cherche un sens à donner à sa vie après la mort de son compagnon. Le sexe aurait détruit sa quête » (Paris Match, 18/02/10).
Deux scènes illustrent particulièrement ce parti pris : celle, platonique, mais douillette et touchante, où les amants, un soir, échangent entre eux leurs impressions (une musique, une lecture), et celle où George vient se réfugier dans les bras de Charley (Julian Moore), sa « première » femme.
Dans une mise en scène qui exclut toute référence explicite à l’érotisme, Tom Ford, pour le coup, transgresse les modes et les codes, pour parler d’amour, « d’un vrai amour », d’une manière très pudique, parfois cocasse, toujours très digne.
J’ai été finalement bouleversé par cette très belle histoire qui donne à réfléchir sur la place de l’artifice et le sens de la vie.
2 Commentaires
Et si certaines sont militantes ,c'est par ce qu'il y a eu rejet , moquerie d'une séxualité differente et discrimination, alors face à ça il a été utile de militer pour exister .
Il ya des militantismes toujours utiles
Ravi que tu aies aimé cette histoire d'amour .
Richard
Et si certaines sont militantes ,c'est par ce qu'il y a eu rejet , moquerie d'une séxualité differente et discrimination, alors face à ça il a été utile de militer pour exister .
Il ya des militantismes toujours utiles
Ravi que tu aies aimé cette histoire d'amour .
Richard