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Pouvoir d'achat : La querelle des chiffres

Les indicateurs de pouvoir d'achat (1990-2004)


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C'était dans « Libération » du 11 mars 2005. Yvon Jacob, du comité exécutif du MEDEF, répondait aux questions de Grégoire Biseau : « Si on en croit l'INSEE, il n'y a pas eu de recul du pouvoir d'achat. Il n'y a aucun doute sur le fait qu'il a continué à progresser... Il n'a pas baissé. ». On peut comprendre la prudence du MEDEF face à la déferlante des revendications concernant les augmentations de salaires. Pour autant, peut-on nier les évidences.

L'année dernière, j'avais lancé une polémique en contestant l'interprétation des chiffres de l'INSEE. J'avais essayé de trouver l'explication de l'écart entre les indices officiels (à la hausse) et les hausses ressenties par les consommateurs. Avec l'aide du BIPE, bureau d'études de grande renommée, nous avions démontré que l'indicateur de l'INSEE ne prenait pas suffisamment en compte la situation réelle des ménages. Une famille détermine son pouvoir d'achat réel en commençant par mettre de côté l'argent nécessaire au paiement des dépenses incompressibles (impôts, loyer, transport, assurances, remboursement d'emprunts). En tenant compte de l'évolution de ces postes, le BIPE confirmait la baisse du pouvoir d'achat effectif des consommateurs français en 2003 et 2004.

Il semble que la leçon d'objectivité n'ait pas été retenue. L'INSEE a certes revu ses propres estimations à la baisse et réactualisé son indicateur du niveau de vie. Mais le MEDEF, lui, continue de nier l'impact de la stagnation ou de la baisse du pouvoir d'achat depuis la fin 2002. Personne n'a intérêt à souffler sur les braises. Beaucoup de PME ou d'entreprises exportatrices ne sont pas à même de supporter des augmentations importantes de salaires. Et puis, il y a les entreprises qui ont embauché dans le cadre des 35 heures. Comment leur reprocher aujourd'hui d'avoir choisi l'emploi plutôt que les augmentations de salaires ? Pas de réponse simplificatrice.

Notre combat prend ici tout son sens. La baisse des prix des grandes marques n'est pas susceptible d'affecter l'emploi en France. Les marges existent dans la grande industrie comme dans la distribution. En baissant de 5 % les 10 000 articles les plus consommés (50 % du panier moyen), on peut redonner du pouvoir d'achat et booster la consommation. Même si ça ne se substitue pas à une augmentation de revenus, qui peut encore être contre la baisse du prix de l'Ariel, du Coca Cola ou des lames Gillette ?




title_decryptage
img_info_14Contre l'obésité,
 
l'étiquette minceur



Obésité ? 3 millions d'enfants européens sont concernés. Le fléau guette près de 14 millions d'autres enfants atteints de surpoids. Inutile de faire la fine bouche : les crèmes glacées, les sauces au ketchup, les pop corn ont scellé le sort de nos chères têtes blondes. Le modèle américain de la « mal bouffe », l'épouvantail Mac Do ? Peut-être, mais pas seulement. N'en déplaise à notre José Bové national, nos propres confiseurs, nos esthètes de la graisse d'oie et du cassoulet ont aussi leur part de responsabilité. Tous coupables, tous, producteurs d'outre-monde, multinationales de la barre chocolatée ou cuisiniers savants de nos Périgord, vous vous retranchez derrière les vertus du goût, vous prônez le régime basses calories, vous parlez de cuisine allégée, mais, tous, vous omettez de signaler les excès de sel ou les trop-pleins de sucre. Alors, à quoi bon virer la graisse si c'est pour nous pénétrer de glucose. A quoi bon plaider pour la chasse aux pneus si les étiquettes mentent par omission ou entretiennent la confusion.

Au niveau européen, il a été créé une commission : l'IOTF (International Obesity Task Force). On dirait un nom issu des « think tanks » conservateurs qui entourent George Bush. Son Président, Markos Kyprianou, se veut alarmiste. On attendait donc des directives contraignantes. Non, il préconise « l'auto-régulation » : « Je suis sûr que les industriels trouveront les solutions qui ne rendront pas nécessaire une nouvelle législation ». Pourquoi pas ! Les gouvernements, dont celui de la France, ne cessent de vitupérer contre l'immixtion des « technocrates » dans la législation sur les produits alimentaires. On peut aussi y voir une part de naïveté. Il suffit d'écouter les professionnels. Pour la Fédération du Commerce et de la Distribution, « ce n'est pas aux magasins de dire aux clients quoi manger ». Quant à Franck Riboud (Danone), il rappelle à qui veut l'entendre que « deux heures de sport supplémentaires à l'école offriraient la meilleure thérapie » (ce qui n'est pas totalement faux !).

Mais si personne ne se mobilise, pourquoi crier à l'urgence ! Mon groupe, encore une fois, fait œuvre de pionnier et lance une nouvelle campagne. Destinataires ?
Les consommateurs. Il faut changer les comportements. Trop de foyers négligent l'hygiène alimentaire. Avez-vous lu cette enquête sur les habitudes culinaires des étudiants de la région PACA : 40 % des jeunes se contentent de boire un soda sucré le matin au petit-déjeuner et ne s'offrent, pour dîner, qu'une conserve négligemment cuisinée. Graisses et sucre... toujours. Mais pour changer les habitudes, il importe que le consommateur soit bien informé. De ce point de vue, la responsabilité des industriels (et des distributeurs quand il s'agit de marques génériques) est lourde. La multiplication des allégations nutritionnelles entraîne une confusion des repères. Par exemple, certains emballages de céréales destinées aux enfants revendiquent leur apport en vitamines et en énergie. Mais le packaging dissimule la forte concentration en ...sucre et graisses, toujours.

Leclerc, chevalier blanc ? Pas du tout. L'exigence vaut pour nous aussi. En plus des informations légales indispensables, il nous faut revoir toute l'information sur les produits alimentaires à notre marque (Marque Repère). Les étiquettes mentionneront donc : la composition nutritionnelle par portion individuelle, la mesure des nutriments dits « du groupe 2 » (taux de sodium, de fibres, acides gras saturés), des idées d'association de produits pour un repas ou une journée équilibrée, et l'indication de l'équivalence nutritionnelle du produit, par comparaison avec des aliments de base (par exemple : un verre de lait). Gros travail en perspective.

A peine sortie dans les hebdomadaires, notre nouvelle campagne me vaut quelques demandes nerveuses d'explications. Je m'y attendais. Il y a deux ans, nous avions lancé une campagne de ce type pour demander l'harmonisation des étiquetages sur les crèmes solaires. Les industriels avaient quelque peu rouspété, mais les efforts ont été remarquables. Faisons le pari qu'après cette nouvelle mobilisation, de réels progrès soient enregistrés.

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