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Europe, référendum : raisons de dire OUI

Je voterai « oui », le 29 mai. Un « oui » sans arrogance, sans mépris pour ceux qui doutent sincèrement, mais un « oui » suffisamment raisonné pour être militant. J'ai toujours été contre le principe de ce référendum. Comment ne pas comprendre qu'en exigeant une réponse simple à une question aussi complexe, les Français refuseraient de se faire piéger par une interrogation aussi manichéenne. Au jeu du « stop ou encore », il est plus tentant d'empocher une mise (que l'on connaît) que de tenter un pari aussi incertain. Le Général de Gaulle a trébuché de la sorte. Comme hier avec la réforme du Sénat, les enjeux institutionnels paraissent décalés par rapport aux frustrations de la vie quotidienne. On dit aux Français qu'un vote sanction serait hors sujet, mais n'est-ce pas une manière pour nos concitoyens de rappeler aux dirigeants qu'ils ne sont pas leurs sujets. 1) Sur le fond, l'avis des Français sur la Constitution européenne est mitigé. Dans mon groupe, comme dans mon entourage immédiat, les débats sont animés et les jeux ne sont pas faits. Peu nombreux sont les lecteurs de ce texte confus, mêlant principes et règlement intérieur. On trouvera donc dans le camp du « non » les nostalgiques d'une souveraineté révolue, les opposants au tandem Raffarin-Chirac, les adversaires d'une Europe trop fédérale. Ceux-là se sont déjà exprimés lors de la querelle de Maastricht. On connaît leurs arguments. Leur vote sera négatif. Mais il y a aussi des passionnés d'Europe qui expriment leur inquiétude face à ce qu'ils considèrent comme une fuite en avant : un élargissement trop rapide de l'U.E., sans noyau dur garant des valeurs et d'un projet collectif enthousiasmant. Ils n'ont pas tort. Il faut les écouter. Car quoi qu'en disent les militants du « oui », il y a dans cette Constitution une forme d'engagement sur l'avenir qui tient de la foi. Si on rappelait leurs promesses aux partisans du « oui » à Maastricht, ils seraient nombreux à se planquer sous la table. Cette inquiétude justifie-t-elle le « non » ? Non ! Voter « non » n'aurait d'intérêt (thèse Fabius-Mélanchon) que s'il existait une possibilité de renégociation. Mais avec qui, dans quelles conditions et pour quels avantages ? Sincèrement, je ne vois pas comment on pourrait obtenir mieux. 2) Ce texte constitutionnel constitue, malgré tout, une avancée. Il renforce le caractère démocratique des institutions en donnant plus de pouvoir au Parlement pour contrôler la Commission. Il introduit une ambition. Pour la première fois dans l'histoire de l'Europe, un acte solidaire est donc commis par 25 pays alliés de cultures différentes. Forcément, c'est un compromis. Chaque peuple y a laissé quelque espérance. Celle des Polonais et des Italiens, par exemple, qui voulaient une référence spécifique aux origines chrétiennes de l'Europe. Les Français ont fait partie de ceux qui s'y sont opposés. C'est l'un des leurs (VGE) qui a tenu la plume. Dire « non » aujourd'hui, ce serait donner l'impression de « jouer perso » après avoir exigé de « jouer collectif ». 3) D'un point de vue purement tactique, je ne vois pas ce qu'il y a à gagner. A supposer qu'il y ait électrochoc puis tentative de renégociation, il y a fort à parier que Polonais, Espagnols, Italiens, Portugais, Irlandais et Anglais appuieraient des solutions encore plus libérales. Est-ce ce que veulent les partisans du « non » ? Et quels seraient alors nos arguments : la France est de plus en plus isolée du fait de ses contre-performances économiques (avec 10 % de chômeurs et les déficits publics, elle n'est vraiment plus un modèle sur le plan social). Cette situation ne nous autorise pas à faire le coq ! Sur les questions européennes, je n'ai évidemment aucune autre légitimité que celle d'un témoignage : toutes les avancées en droit de la consommation, comme en droit de la concurrence, nous les devons à Bruxelles. C'est déjà une raison de dire « oui ». Et s'il s'agit de participer à de futures négociations, je sais, par expérience, que celui qui déroge au contrat perd forcément la meilleure place. Dire « oui », même à une Constitution imparfaite, c'est être assuré de rester dans l'histoire, c'est assumer le leadership qu'on attend des pionniers, c'est garantir notre audience et notre part de voix dans le futur concert européen.

54 Commentaires

Nous voici dans la dernière ligne droite.
L'occasion pour moi de faire le point sur ce que l'on perdrait en cas de rejet du traité. Pour voter en connaissance de cause.
Pas moins de 13 avancées, à mon avis, seraient alors remises en cause :
1) La majorité qualifiée ne serait pas assouplie (55% des Etats membres et 65% de la population dans le traité contre 72% du total des voix pour Nice). Plus difficile donc de prendre des décisions.
2) Le vote à la majorité qualifiée ne serait pas étendu, en particulier au domaine de la coopération judiciaire et policière, et à certaines décisions en matière de politique étrangère et de sécurité commune.
3) Les clauses-passerelles qui permettent de passer de l'unanimité à la majorité qualifiée ne seraient pas introduites. Avec Nice, il faudrait une ratification à l'unanimité des Etats membres.
4) La charte des droits fondamentaux ne serait plus contraignante pour les actes communautaires.
5) Le Parlement européen ne verrait pas ses prérogatives renforcées en matière de co-décision, notamment dans le domaine budgétaire.
6) les réunions du Conseil ne seraient pas publiques. Une occasion ratée pour ceux qui exigent justement davanatge de transparence dans le processus décisionnel.
7) les parlements nationaux ne seraient pas impliqués dans le contrôle de la subsidiarité.
8) Pas de ministre européen des affaires étrangères. Pas plus de service européen d'action extérieure, l'embryon pourtant d'une diplomatie européenne.
9) Pas de coopération structurée en matière de défense. Pas davantage d'Agence européenne de l'armement.
10) Pas de fusion des 3 anciens piliers en un seul : voilà qui est contraire à l'objectif de simplification pourtant réclamé par les tenants du "non".
11) La clarification des compétences entre ce qui relève de l'Union et des Etats membres ne serait pas opérée.
12) Pas de personnalité juridique pour l'Union et donc pas de possibilité de signer les traités, c'est-à-dire de devenir un acteur de la vie internationale.
13) Pas de Président permanent du Conseil européen. Maintien d'un système de rotation dont tout le monde reconnaît la faiblesse.
Voilà : treize points à avoir en tête au moment de déposer le petit papier dans l'urne.
Bon vote !
Re Sébastien (16 mai 2005)
Bravo ! J’adhère. Dans un « libre-opinion » ce lundi, j’ai rajouté cet argument tactique : nous avions critiqué les insuffisances de Nice, voulu ce nouveau Traité ; nous avons tenu la plume (Giscard), nous avons imposé les sujets « environnement et social », pas voulu des « réformes chrétiennes », etc… Dire « non » aujourd’hui, c’est se renier, c’est se discréditer aux yeux de ceux dont on a forcé la main. Celui qui dit « non », se couche et perd son tour. C’est mon 14ème point dans votre liste. Bon courage.
Dernière ligne droite, effectivement...
Juste un mot en réponse à Sebastien dont j'apprécie souvent les contributions.
La liste des avancées qu'il cite est indéniable, et les ayant bien en tête, il me semble que l'on peut néanmoins voter Non, de façon légitime.
Compte tenu des modalités de révision extrèmement compliquées -et pour être franc, pratiquement impossibles à mettre en oeuvre cf. art. IV-443 / 444 et 445 du traité- la question ne me semble pas tant être "Est-ce mieux que le passé ?" (la réponse serait indéniablement Oui, cf. sébastien) que "Est-ce bon pour le futur ?" (là, la réponse serait de mon point de vue Non).
Car si ce texte peut difficilement être changé (pour les 30 prochaines années disait Giscard...?), alors que dire des ses approximations démocratiques (à lire sur le sujet le texte d'Etienne Chouard disponible sur le net, parfois excessif mais souvent intéressant)et des ses orientations de politiques économiques ?
Si ce traité réputé constitutionnel ne se contente pas "d'organiser le politique" mais "fait aussi de la politque" (selon moi pendant 310 article sur 453... et plutot de façon libérale), alors il n'est pas souhaitable !
Si ce traité n'établit de façon claire la séparation des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires, et des contre-pouvoirs démocratiques assortis, alors il est même dangereux !
Il serait difficile de développer ici ces thèmes pourtant extrèmement étayés (et surement discutables d'ailleurs), mais posons-nous la question démocratique 'simpliste' suivante :
Si une majorité de gauche venait à être élue au parlement européen (reflétant les votes des électeurs européens à l'instant t, c'est les règles de la démocratie), pourrait-elle infléchir les politiques économiques de l'Union dans le sens voulu par son électorat SANS CHANGER LA CONSTITUTION ?
Peut être la réponse que chacun apporte à cette question devrait être la même que celle qu'il portera dans l'urne...
Salutations d'un européen réellement convaincu
Re Georgette (5 mai 2005)
Merci pour vos encouragements, Georgette. Avec mon père, j’ai co-signé lundi dernier un libre-opinion dans Le Figaro, reprenant quelques arguments déjà développés sur ce site. Je suis heureux que nos échanges aient contribué à vous éclairer.
Je trouve d’ailleurs très intéressant que beaucoup de bloggeurs sur ce site se sont mutuellement écoutés et ont pu conforter leur position. Sur son blog, Sébastien a fait une très bonne synthèse de tous ces débats. A bientôt.

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