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Le marché des services : Faiblesses françaises

« Battling Jacques » a fait le « V » de la victoire. « Bad B » (sobriquet attribué à l'ancien commissaire au marché intérieur, Fritz Bolkestein - Pays-Bas) ira se rhabiller. A Bruxelles, notre Président a obtenu, hier, une révision de cette directive accusée de favoriser le dumping social en Europe. A l'UMP, on glousse : malgré une image très floue sur son engagement européen, le président a cloué le bec aux Mélanchon, Emmanuelli, Villiers, Dupont-Aignan, et autres saboteurs de son référendum. Sauf que... Le débat de fond sur le contenu de la directive mérite évidemment qu'on y revienne. Mais comment expliquer le tardif réveil français dans ce débat ? 1) La directive a été adoptée en janvier 2004, à l'unanimité des membres de la Commission dont faisaient partie les commissaires français, Pascal Lamy et Michel Barnier. Pas un souffle de contestation. 2) Par la suite, le projet a été soumis à l'étude des institutions nationales. A la DGCCRF il est vrai, certains articles ont été l'objet de critiques très vives. J'en sais quelque chose puisque les Centres E. Leclerc comptaient s'appuyer sur certaines dispositions pour acquérir une plus grande liberté en matière de publicité et de promotions. 3) Même dans ce contexte, et alors que dans chacun des pays membres, des syndicats ou des associations professionnelles avaient émis des réticences, le processus de décision prévoyait de toute façon que le texte puisse être amendé par les parlementaires européens et ratifié, plus tard, dans une forme définitive, par le Conseil des Ministres. Il n'y avait donc pas de quoi paniquer : rien à reprocher en particulier à Monsieur Barroso qui était parfaitement dans son rôle. Tout le monde peut donc convenir que l'agitation de ces dernières semaines tient essentiellement à des préoccupations de politique intérieure française. A force d'avoir rasé les murs quand il s'agissait de défendre l'idée européenne et de s'être servis des commissaires européens comme boucs émissaires à moult reprises (problèmes de la chasse, de la pêche, de l'environnement...), nos leaders politiques ont fini par sécréter un véritable euro-scepticisme dont la société française, déjà repliée sur elle-même, n'avait pas besoin. Deux paradoxes dans cette affaire. 1) Ce sont les partis de droite au pouvoir en Europe qui ont imposé une vision minimaliste de l'harmonisation des législations sociales. Voilà qui explique la coloration politique de cette directive, tout autant que le manque de visibilité sur ces thèmes dans le projet de Constitution. En remportant sa victoire à Bruxelles, Jacques Chirac a finalement conforté le parti socialiste français et la gauche européenne dont le projet voit sa consécration inscrite dans le plan de travail de la Commission. Curieuse victoire donc ! 2) Six autres chefs d'état ont soutenu l'appel français. Nous aurions donc des alliés ? Certes, mais leur soutien (ils ne s'en cachent pas) est d'abord motivé par l'urgence : il s'agit d'éviter qu'à partir d'un vote négatif, la France n'enclenche un processus de renégociation de la Constitution si difficilement acquise. Considération tactique donc. A quel coût ce ralliement ? Une perte de rang. Hier, fondatrice et leader, la France perd son statut dans cette gesticulation. Et quelle image pitoyable. Quand d'autres pays mobilisent leurs institutions et leurs lobby-men en phase d'élaboration des projets, nous dévoilons notre amateurisme. De ce constat-là, nous aurions pu nous passer. A suivre...

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