Tribune JDD
ÉCONOMIE Consommation

Un ministère de la consommation s'impose !

Voilà près de trente ans que notre économie n'avait pas été confrontée à de tels niveaux d'inflation. Il n'aura fallu que quelques mois pour gommer les gains de pouvoir d'achat acquis par les consommateurs ces cinq dernières années.

Les causes sont nombreuses : Covid, surchauffe économique mondiale, désorganisation des flux logistiques, aléas climatiques, conflit en Ukraine… Personne ne les nie.

Plus sournoisement, il existe d'autres facteurs sur lesquels on fait trop rapidement l'impasse : spéculation internationale massive sur les marchés de matières premières, anticipation exagérée des répercussions de certains événements...

Le récit fabriqué depuis plusieurs semaines vise à convaincre l'opinion que rien n'est évitable, et qu'il va falloir payer, vite et cher. C'est aller un peu vite !

Le piège inflationniste est tout autant économique que politique. Le discours actuel crée un consensus mou visant à éviter de discuter du bien-fondé de ces hausses.

Dans les coulisses de l'inflation, il y a des enjeux colossaux, et dans ce match qui voit s'affronter les corporations, certains acteurs sont excellemment bien représentés au plan politique.

Les agriculteurs ont "leur" ministre, tout comme les industriels. Les distributeurs en sont dépourvus, mais ils ont appris à se défendre par eux-mêmes.

Les consommateurs, eux, n'ont plus de représentant au gouvernement. Depuis Benoit Hamon (2014), il n'y a pas eu de grande loi consumériste. Et depuis 2017, il n'y a plus de ministre du Commerce.

Les corporations ont gagné ; elles ont fait sortir le consommateur du champ politique, et s'arrogent même le droit de parler en son nom, en racontant qu'il serait prêt à payer ses courses plus cher.

Après avoir occupé le centre des débats de l'élection présidentielle, le pouvoir d'achat n'est pas près de quitter la scène politique... Et parce qu'en politique les symboles comptent aussi, il pourrait être heureux de nommer un ministre de la Consommation.

Cela serait un signal fort pour nos concitoyens les plus inquiets, et cela permettrait de mieux faire entendre dans les arcanes du pouvoir la voix des Français qui font leurs courses.

Les grandes avancées en matière de consommation sont par ailleurs souvent synonymes de progrès social majeur : libéralisation des tests de grossesse, encadrement du crédit pour limiter le surendettement, droit à l'information du consommateur, extension de la responsabilité du fabricant du fait de produits défectueux, protection des données personnelles…

Les sujets de transformation sociétale ne manqueront pas durant le prochain quinquennat. La construction d'une économie décarbonée va induire des mutations profondes pour le logement, le transport, l'habillement, l'ameublement ou l'énergie. La digitalisation de nos vies (télétravail, e-commerce, restauration…) s'accentuera encore. Et il faudra bien maintenir une amicale pression sur les lobbies qui veulent déjà remettre en cause le projet européen "Farm to Fork" et ses ambitions pour une alimentation plus durable.

Tous ces chantiers nécessiteront qu'on fasse entendre la voix du consommateur.

Assigner à un ministre de la Consommation une ambitieuse feuille de route économique, sociale et environnementale capable de mobiliser les énergies, serait un acte fédérateur et positif, indispensable dans cette période d'incertitude et de crispation sociale.

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