TASCOM : encore une hausse de fiscalité, on est chez les fous !
Malgré l’avis défavorable de leurs collègues de la Commission des Finances (!!!) dont la rapporteure générale Valérie Rabault, les députés ont décidé hier soir d'une hausse de 50% (rien que ça !) de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) pour les magasins de plus de 2 500 m².
Une taxe dont tout le monde sait que ce sont les consommateurs qui en feront les frais...
Si vous relisez ou écoutez le contenu des débats, vous ne pouvez qu’être convaincu(e). On nage en pleine hypocrisie, il n’y a pas un argument qui tienne la route.
Pire, tout ça sonne comme une déclaration de mépris à l’égard de tous les professionnels de la distribution. C’est une vraie « rupture de confiance » comme le dit la Fédération du Commerce associé (FCA) présidée par Eric Plat.
Qu’on en juge : revisitation des pseudo-argumentaires !
Une hausse pour protéger le petit commerce ?
On en est encore là ? Je n’arrive pas à croire que le Secrétaire d’Etat au budget puisse encore, 40 ans après la Loi Royer, invoquer l’aide au petit commerce. On se gausse car le FISAC n’en verra pas une miette ! Cette « surtaxe » sera directement reversée à l’Etat sans aucune contrepartie pour le petit commerce.
Les commerçants, qui serrent aujourd’hui leur compte d’exploitation pour passer la crise, sont ponctionnés pour financer le trou de l’Etat.
Il y a une vingtaine d’années, les distributeurs devaient payer ronds-points et feux rouges pour obtenir une autorisation d’ouverture. Maintenant, ceux qui ont réussi à ouvrir leur magasin doivent raquer pour sauver les mauvais gestionnaires ?
Une hausse pour lutter contre l’artificialisation des terres ?
On se pince. Le comble, c’est que la députée qui a défendu l’amendement de hausse de la TASCOM pour ce motif semblait y croire sincèrement…
Les distributeurs, qu’on le sache, payent déjà une taxe foncière, une taxe sur les enseignes, sur les parkings, et doivent assumer le coût du démantèlement des friches. What else ?
Une hausse pour taxer les monopoles de la distribution ?
Là on est dans Usual Suspect. Tout le monde sait que pour créer une grande surface, la loi oblige les distributeurs à obtenir une autorisation administrative. C’est une contrainte de coût, de temps, de complexité juridique, sans compter le caractère aléatoire de la sélection.
Il est pour le moins gonflé qu’on vienne maintenant reprocher aux distributeurs ayant passé l’obstacle, de bénéficier d’un « monopole » ou d’une situation favorable qui devrait être taxée. On marche sur la tête ! Si Madame Bechtel est convaincue que la législation sur l’urbanisme commercial crée des monopoles, elle a les moyens de la changer ou de la supprimer.
Mais encore faut-il ne pas être contradictoire : invoquer la concurrence les jours pairs, et dénoncer la « guerre des prix » les jours impairs !
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Face cachée et effets pervers
Ne nous racontons pas d’histoire. Tout cela est fait pour retirer aux commerçants le bénéfice du CICE. Point barre.
Si on fait le calcul, c’est même limpide ! Hausse de la TASCOM (200 millions) + hausse de cotisations pour les distributeurs (cf. la loi de finances sur la Sécu le mois dernier, +180 millions) + ce qui se prépare avec la loi sur l’environnement (sacs plastiques, transport de marchandises…) : on arrive à un effet zéro du CICE pour le commerce dès 2015.
Rien d’étonnant. Malgré les dénégations, gouvernement et parlementaires cherchent depuis l’origine à annuler les effets du CICE. On en vient même à se demander pourquoi ils l’ont voté !
D’autant que nos chers élus reviennent sur leurs décisions pour de mauvaises raisons.
TASCOM contre CICE : supprimer un effet d’aubaine pour la distribution ?
Il y a chez beaucoup de députés, une sorte de frustration d’avoir fait bénéficier la distribution des allègements de charges apportés par le CICE, essentiellement parce qu’elle n’est pas un secteur exposé à la concurrence internationale.
Disons les choses nettement. Ou bien le CICE est fait pour améliorer la compétitivité à l’export, et alors ils ont raison et il ne faut l’appliquer qu’aux secteurs concernés.
Ou bien on considère que vu le taux de chômage, toute création d’emploi doit être soutenue, et alors au nom de quoi justifierait-on une discrimination à l’égard des entreprises du commerce ? A les entendre, un emploi dans la distribution ne vaut pas un emploi dans l’industrie, un emploi du marché intérieur ne vaut pas un emploi à l’export !!!
Si c’est vraiment l’absence de concurrence internationale sur un territoire donné qui justifie la suppression du CICE, alors Mesdames et Messieurs les députés, soyez logiques et supprimez le CICE pour La Poste (300 millions), la SNCF (120 millions) ou EDF (70 millions) ?
Et pendant qu’on y est, supprimez aussi celui de Total avec la distribution de carburants en France (20 millions de CICE), de Veolia (30 millions de CICE) et Suez Environnement pour leur activité de distribution d’eau sur le territoire français. Idem pour les entreprises de médias et tous les services qui ne sont pas exposés à la concurrence internationale dans leur activité en France.
On le voit bien, en appliquant avec objectivité l’ensemble des arguments utilisés hier soir pour justifier les mesures prises à l’encontre la distribution, il faudrait priver du CICE une majorité des entreprises françaises.
Les effets pervers d’une vision dépassée du commerce
Une chose m’a frappé en écoutant les débats parlementaires d’hier soir. Nos députés n’avaient à l’esprit que le match hypermarchés contre petits-commerces-de-centre-ville. Ils se focalisaient sur le commerce alimentaire.
Première erreur : la TASCOM ne concerne pas que les hypermarchés, quand bien même ils ont fixé la limite à 2500 m². Tous les secteurs du commerce sont concernés : la culture et le multimédia (FNAC, Furet du Nord, Boulanger, Darty…), comme le textile (Printemps, Galeries Lafayette, H&M, Zara…) ou l’ameublement (Ikea, Alinea, Conforama…), etc.
Deuxième erreur : l’augmentation de la TASCOM est un magistral cadeau à l’économie internet.
Tous ces élus qui dénoncent le monopole et la gymnastique fiscale des majors de l’Internet, tous ces élus qui craignent les effets déstabilisateurs d’Amazon, Google, etc. sur leur commerce physique local, ne se rendent même pas compte qu’ils créent une formidable discrimination de charges.
En vérité, cette énième taxe démontre le peu de considération (et de connaissance !) qu’ont les élus pour le commerce.
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Il y a 15 jours, François Hollande décrétait une pause fiscale, et le gouvernement présentait dans la foulée, son projet de charte de stabilité juridique et fiscale pour les entreprises.
On était prêts à les croire. Juré, craché, le tandem Valls-Macron se posait en garant de cette promesse.
Et bien c’est loupé.
Hier soir, quelques députés, soutenus par le Secrétaire d’Etat au budget, ont fait mentir le gouvernement. Il lui reste à agir au Sénat pour se racheter du manquement à la parole donnée.
9 Commentaires
Je cite votre livre "Du bruit dans le Landerneau" dans lequel vous évoquez une intervention de Rony Brauman, cofondateur de Médecins sans frontières, dans une convention qui réunissait mille six cents cadres du mouvement E.Leclerc en 2003 : "Il n’est pas question, dit-il, de faire endosser aux entreprises la responsabilité des manquements des États, des institutions ou des consommateurs indélicats."!!!!
L'avis de Rony Brauman n'a pas pris une ride, en revanche et à la lumière des débats sur la Tascom, on peut désormais préciser qu'en matière d'indélicatesse, le politique dépasse maintenant très très très largement les consommateurs...
Ces gens là et leurs comportements sont la honte d'un pays.
Il n'y a plus de mots!
PM
Alors OUI nous sommes chez les fous, certains fous tuent leurs parents ... en oubliant que ce sont eux qui les font vivre, c'est peut-être de cette sorte de fous auxquels l'on a à faire hélas!
N'est-ce pas un moyen pour récupérer de l'impôt perdu après la fermeture des commerces de proximité?
L'élection du Chef d'Etat au suffrage universel n'est-il pas une erreur ? De quels critères valables l'électeur dispose-t'il pour faire son choix ? Une procédure à base de "Grands Électeurs" ne serait-elle pas plus pertinente pour "dénicher" le BON-VRAI-"PATRON", compétent, efficient, respecté et suivi ???