Faciliter l’accès à la culture

LA DÉFENSE DU LIVRE

Ma volonté a toujours été de favoriser l’accès à la culture. Je milite pour une politique très extensive de la distribution des biens culturels. Contrairement à l’achat alimentaire qui est impulsé par la demande, la vente des biens culturels procède de l’économie de l’offre. Qui achètera le dernier livre de Jérôme Garcin ou d’Enki Bilal si personne ne sait que ces livres sont publiés ? Il faut des livres dans les supermarchés, dans les librairies, dans les rayons spécialisés ou sur les étals généralistes. Il faut multiplier les occasions de contact entre l’auteur et le public. Puisque la loi Lang garantit la même marge à tout le monde, il n’y a pas d’argument pour s’opposer à la diversité du réseau de librairies.

Il n’y a plus lieu de faire une fixation sur les grandes surfaces. Hachette possède de très belles librairies de fonds, mais joue son rôle aussi dans la diffusion du livre via les Relay,  installés jusque dans les aéroports et les plus petites gares. Les centres E. Leclerc réservent leur offre pointue aux Espaces culturels qui sont dédiés à la spécialisation du livre et proposent des ouvrages « grand public » dans leurs hypermarchés. Y a-t-il matière à scandale ? A chaque fois qu’on pourra présenter des livres dans des supermarchés, ce sera l’occasion de gagner un lecteur. Le marché va, de toute façon, se développer aussi sur Internet (ça commence doucement en France, ça marche de plus en plus aux Etats-Unis) et par l’adhésion à des clubs du livre. La rentrée littéraire de l’automne représente chaque année plusieurs centaines de livres, principalement des romans ! Compte tenu de la difficulté de proposer tous ces livres dans des surfaces forcément limitées, qui se plaindra de ce que nous cherchions à en élargir la diffusion. Ne soyons pas petits joueurs : vive la pluralité des réseaux ! Vive la librairie dans tous ses états… et sur tous les étals !

 

LA DÉFENSE DU DISQUE ET DE LA MUSIQUE

Le problème du CD c’est d’abord son prix. Il est trop cher. Aux USA, Universal a lancé une vague de premières promotions, mais il est 30 % trop cher en Europe. Certes, le DVD permet d’apporter des produits supplémentaires. Les ventes explosent. Mais là encore, les prix sont élevés. Ils ne sont plus compétitifs par rapport à un enregistrement numérique ou analogique, même effectué dans des conditions légales. J’ai toujours pris position pour une TVA réduite sur le disque. Habilement, la Fnac a quelque peu préempté ce thème en présentant ses opérations promotionnelles comme une anticipation de la baisse. Et c’est très bien ainsi. Les centres E.Leclerc, jusqu’à une époque récente, n’avaient pas acquis une vraie légitimité dans le secteur de la musique. C’est en train de changer. Dans les villes moyennes ou encore dans les banlieues, nous essayons d’être de bons relais pour les plus petits labels.

Dans notre monde si fragmenté et violent, la musique est le drapeau d’une nouvelle solidarité. Les festivals et les lieux de concert font salle comble. La fête de la musique mobilise. A l’échelle de l’audimat sur les écrans cathodiques, c’est encore la musique qui roule en tête. Désormais, la concurrence fait rage sur Internet. Comment rivaliser avec une chanson à 0,49 ou 0,99 € et avec un album dématérialisé à 9,99€ ? Faire semblant de ne pas voir l’évolution des modes de consommation mène dans le mur et toute la distribution doit se réorganiser, le triste exemple de Virgin l’a démontré.

 

LA PROMOTION DE LA BD

Ils sont des centaines, peut-être des milliers, frénétiques du crayon, fascinés par les bulles. Dans les fanzines, sur la Toile, dans les écoles de dessin, une poussée nouvelle de jeunes talents envahit d’un bourdonnement généreux et créatif l’univers de la bande dessinée. Dernier baroud d’une nouvelle génération d’artistes qui tend à se diluer dans l’univers multimédia ? Emergence d’une nouvelle génération d’artistes au talent prometteur ?

Comment tant de jeunes artistes peuvent-ils encore s’imaginer un avenir en s’accrochant à des planches privées de mouvement, à un type d’écriture si éloigné du rythme de nos écrans ? Tintin est au musée, Astérix est parqué. Les oeuvres de Peyo, Franquin ou Manara font salon chez Maître Tajan. La génération des Bilal ou Jodorowsky se passionne pour le numérique ou les jeux vidéo. Et même Druillet, notre grand calife planétaire se lance dans l’artisanat du meuble! Bref, la bande dessinée peut-elle encore procurer du plaisir à ses auteurs, et plus encore à ses lecteurs ?

Eh bien, justement, oui. C’est ça le paradoxe. Toutes ces « dérives » sont autant de témoignages de la richesse du neuvième art. Issue d’un univers trop exclusivement masculin et enfantin, la bande dessinée s’est enfin ouverte au monde. Elle constitue un moyen d’expression globale. Il n’y a plus de thèmes que la bande dessinée ne saurait aborder : histoire, réalisme social, fantaisie, aventure, humour et dérision, science-fiction…

Quel vaste territoire d’expression !

Les auteurs pullulent, les albums foisonnent et s’imposent sur les rayons des supermarchés et dans les meilleures librairies spécialisées. Elle fournit même le terreau nourricier d’une récente production cinématographique, de la publicité, de la peinture, du design…

NAISSANCE D’UNE PASSION

C’est lors de mes vacances d’été, sous cette jolie bruine bretonne, que j’ai rejoint la grande confrérie des passionnés de la bulle et du phylactère. J’avoue : je n’ai aucune mémoire des heures passées sur les bancs de l’école. Mais j’ai stocké pour mes futures périodes d’inaction et de cafard tous ces moments extraordinaires partagés avec Blek le Roc, Mandrake, Akim, Zembla ou Jungle Jim. En pension, chez les Bons Pères, j’ai passé des nuits entières à griller des Varta (les piles) sous les draps. Tandis que dans le poste à galène, Michel Lancelot et Patrice Blanc-Franquart mêlaient les voix de Mann Fredmann à celle de Lanza del Vasto, je lisais en images les vies édifiantes de Don Bosco, de Saint-Dominique Savio, du Curé d’Ars. J’étais le Prince Erik dessiné par Joubert, ou encore à la recherche du « Manitoba » perdu dans les glaces du Pôle Nord.

IL N’Y A PAS D’ÂGE POUR AIMER LA BD

J’ai lu les philosophes, les classiques, les libéraux et les libertins. J’ai fait mes Humanités, suivi un cursus d’études supérieures, assumé des responsabilités, et même causé dans le poste. Rien donc d’immature dans ce type d’éducation, mais là encore, tout simplement, une petite case de rêve supplémentaire, un surcroît d’instruction (mais oui !), d’enthousiasme et de motivation. J’ai préféré parcourir le monde avec Marc Franval, Tintin, Marc Dacier et Corto Maltese plutôt qu’avec mon prof de géographie.

UNE PASSION FAMILIALE

Dans la bibliothèque familiale, riche de centaines de volumes (eh ! Les épiciers aussi peuvent avoir de la culture !), les Pieds Nickelés et Bécassine avaient leur place. Tout comme l’édition complète de l’Assiette au beurre, et bien sûr les fabuleuses gravures de l’Illustration Française. Mais c’est pendant les vacances, à Brignogan, à l’Aber-Wrach ou à Concarneau que l’affaire prenait toute sa dimension. Il fallait tenir deux mois, entre coups de soleil et coups de froid. Deux mois dont un bon quart (une moitié ?) passionnément enfoui dans les pages de Tintin, de Record, de Coeurs Vaillants, et tous ces pockets alors vendus en kiosque. Même la lecture du très sérieux Ouest France apportait son lot de strips : Popeye, Bibi Fricotin et Lariflette. C’était vraiment le pied. Il fallait tout lire, tout dévorer, tout garder.