Trump et les droits de douane : ce que je retiens du chaos provoqué par le président américain

C'est un mauvais film qui se joue aujourd'hui sur la scène internationale à l'initiative du président Trump et de ses gourous.

Inutile de chercher un grand dessein dans ce chaos : on est dans l'improvisation complète, dans l'hubris, dans l'arrogance et le déni. Même en relisant "L'Art du deal" dudit Trump, vous n'y trouverez pas de clef de lecture. Comme le dit le génial écrivain et diplomate Giuliano da Empoli dans "L'heure des prédateurs" (Gallimard) : "On est chez les César, les Borgia" !

Personnellement, je doute fort de la durabilité des tandems d'oligarques au pouvoir ! Les lions finissent par se bouffer entre eux... Mais en attendant, que de dégâts pour nos peuples... 🙁

Vu de mon double observatoire : celui des analystes de l'IRIS, l'institut stratégique qui m'a confié l'animation de son conseil d'administration, et celui de mon métier de distributeur... J'essaie de rester pragmatique, et d'en mesurer l'impact pour nous, citoyens français.

Je propose de retenir 7 points à ce stade :

1) Cette histoire ne concerne pas que les droits de douane. Tous les termes de la relation transatlantique sont en jeu : le maintien de l'OTAN, l'aide à l'Ukraine, les menaces sur l'Europe politique, et l'emprise américaine sur nos réseaux (et nos cerveaux🙀) via les GAFAM... Oui, tout ça c'est l'enjeu.

2) Il n'y a pas de ligne ni d'objectif stratégique : les explications chaque jour modifiées témoignent de l'absence de vision globale et d'un opportunisme total. C'est de l'économie casino !!!

3) Les premières victimes sont les Américains eux-mêmes. La hausse des droits de douane, c'est des impôts en plus, car ils seront répercutés dans les prix à la consommation.

L'idée que ce protectionnisme fasse revenir des usines aux États-Unis, ça peut marcher sur 5 ou 10 ans, mais aujourd'hui ce serait trop coûteux. Il n'y a pas les d'emplois compétents, il faut des permis de construire, les coûts de production ne sont plus concurrentiels... Et puis, c'est tellement brouillon, leur truc, que l'incertitude sur les marchés fait chuter les valeurs boursières dans lesquels les travailleurs ont investi à défaut de d'avoir une sécurité sociale ou un système de retraite. Oui, pour les Américains, c'est la cata.☝️

4) A plus long terme, le " Brutal Power" de Trump casse le mythe américain soutenu par le cinéma, les légendes entrepreneuriales, faites de courage et d'innovation. On voit émerger une méfiance à l'égard des USA, de ses valeurs, de son Soft Power, dont nous sommes pourtant si friands.

5) Pour les consommateurs européens, il y aura peut-être des effets d'aubaine sur les six prochains mois. Les produits chinois, coréens, vietnamiens, japonais, dans les secteurs du multimédia ou sur les produits de rentrée des classes (papeterie), petit ameublement, vont chercher à trouver des débouchés auprès de nos consommateurs. C'est tant mieux pour eux !

Mais à moyen terme, nos dirigeants vont devoir protéger nos entreprises de cet afflux qui va impacter l'emploi, les salaires, et donc le pouvoir d'achat des Français.

6) Enfin, qu'on aime ou pas le président Macron, il a raison de demander aux gouvernements et aux patrons européens de ne pas jouer solo. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas investir aux États-Unis ! Mais il faut le faire dans le tempo d'une négociation profitable aux intérêts français et européens. On doit faire Nation, on doit montrer une forme d'unité, de cohésion.

7) L'Europe en a sous le pied : à court terme, on peut répliquer en taxant les flux numériques et les flux financiers. Il nous faut aussi aller chercher d'autres alliances, d'autres accords, bilatéraux ou multilatéraux, vers l'Indo- Pacifique, ou même l'Afrique et l'Amérique Latine.

Et puis, en France même, on a de la ressource, avec un taux d'épargne de 19% mobilisable pour une politique industrielle offensive. On en reparle ici prochainement...