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Fondation Pinault : Les mauvais fruits de 'l'exception culturelle'

Quelles que soient les véritables motivations de François Pinault, l’abandon du projet d’établissement de sa fondation dans l’île Seguin est vécu, par notre Administration, comme un véritable camouflet. Il sanctionne le mépris que manifeste trop souvent le secteur public à l’égard des initiatives culturelles privées dont il n’a pas le contrôle. Personne ne conteste l’importance des collections rassemblées par François Pinault et son épouse. 2 500 pièces ! 30 années durant, le propriétaire de Christie’s, de Gucci et de la Fnac a amassé des « Mondrian », des « Rebeyrolle », des « de Kooning », beaucoup d’œuvres pop art (Andy Warhol et Rauschenberg), et probablement le meilleur (installations, toiles gigantesques, sculptures) de la production de la dernière génération de peintres contemporains. Il n’est que d’écouter Jean-Jacques Aillagon, l’ancien directeur de Beaubourg et Ministre de la Culture, tout entier à son enthousiasme pour décrire ces peintures dont il fut, quelques mois, l’intendant auprès du bouillonnant patron breton. Personne non plus ne peut faire passer cette rebuffade comme un caprice de milliardaire. François Pinault est un type sérieux. Il est proche du Chef de l’Etat. Les ministres de la culture successifs ont su le solliciter quand, lors d’une vente, il fallait mettre la main à la poche pour qu’un musée national (Versailles, par exemple) puisse acquérir une œuvre d’art en route pour l’exportation. Vu l’intérêt du projet, donc, on aurait imaginé un minimum de mobilisation. On aurait pu se rappeler la lutte d’influence entre Madrid, Barcelone et quelques autres villes européennes pour pouvoir accueillir la célèbre collection Thyssen-Bornemisza. Ou la bataille merveilleusement menée par Bilbao pour que la ville basque puisse abriter une part des collections du prestigieux Guggenheim… Et bien, non. Il s’agissait d’une affaire « bassement privée ». L’Etat n’avait pas à dérouler le tapis rouge… On connaît le résultat. Cette affaire illustre, encore une fois, deux tares spécifiquement françaises : 1) D’abord, cette idéologie qui conduit nos administrations, sous des régimes de droite comme de gauche, à considérer le dossier de la culture comme un territoire quasi exclusif des interventions de l’Etat. Pour être reconnue, l’initiative culturelle doit être publique, scènes nationales et théâtres publics plutôt que théâtres privés (la piteuse querelle des Molière), musées nationaux plutôt que collections privées, châteaux ou demeures particulières. Des fondations, des ministres, des artistes ont permis de faire évoluer le droit et d’obtenir la reconnaissance tardive du mécénat privé (loi Aillagon). Mais si elles préservent le futur, ces dispositions ne changeront rien au fait que Londres a doublé la politesse au marché de l’art français et que les grandes fondations ont élu domicile en Suisse, en Italie ou en Espagne. 2) Et puis, cette affaire permet de rétablir cette cruelle vérité : on a rameuté tous les artistes français pour défendre l’exception culturelle européenne, on a mobilisé tout ce que la francophonie compte d’auteurs et de réalisateurs pour essayer de contrer l’invasion de la musique et des films américains. Mais dans la manifestation de notre suffisance, on a oublié qu’à l’intérieur même de l’Europe, d’autres nations, d’autres administrations revendiquent leur rôle culturel et nous le contestent. La France perd une prestigieuse collection. L’Italie, si souvent raillée pour son dilettantisme, remporte la mise. A la veille de ce funeste référendum, voilà une leçon qui rappellera aux Français que l’idéologie d’un service public culturel national n’offre qu’un piètre rempart quand d’autres pays savent se rendre plus attractifs.

13 Commentaires

Fondation Pinault
Quels sont les dessous de l’histoire de l’abandon de sa fondation sur l’île Seguin ?
D’un coté on peut comprendre l’impatience de Monsieur F.P.devant les lourdeurs et les lenteurs administratives et autres empêcheurs de tourner en rond.
On mesure là l’écart qu’il peut y avoir entre le temps « administratif » et le temps « privé ».
D’un autre coté cela sent le prétexte et appelle 3 remarques :
Tout d’abord, le dossier des terrains des anciennes usines Renault représente un projet de très grande envergure comme il n’y en a pas eu depuis des années en île de France. Je ne suis pas urbaniste, mais on peut imaginer que cela demande du temps en études, projets, concours, réactions, traitement de terrains industriels etc...
Certes 5 ans c’est bien long !
Le principal au bout du compte c’est qu’on n’en arrive pas à un « non-lieu » architectural comme certaines constructions de ces trente dernières années.
Ensuite, comme Sébastien je pense que Monsieur F.P.avait sûrement toutes les connexions nécessaires et utiles pour faire avancer son dossier.
Enfin et surtout cet homme d’affaire avisé n’est-il pas quelque peu ingrat car tout de même de combien d’aides, subventions, exonérations… n’a t’il pas bénéficié dans la filière bois, dans la reprise de la Scoa… sans parler de l’affaire Executive Life.
Si cela n’enlève rien à son talent, cela l’a probablement aider à constituer sa fortune.
On ne peut que regretter sa décision et comme vous encourager à une reflexion sur la France étriquée, initiative culturelle privée et publique. Il n'empêche qu'elle laisse un sentiment très mitigé sur le bonhomme
Etonnant comme les partisans du OUI au melting Pot européen d'un côté considèrent Venise et l'Italie comme des étrangers extérieurs au cercle sacré d'un autre .. C'est assez illogique sauf pour un partisans du NON, non ? ;-)
Re Babylone (13 mai 2005)
D’accord avec vos réserves : au fond, personne ne connaît vraiment les motivations de François Pinault. Constatons simplement qu’il a un formidable service de relations de presse puisque son argumentaire a été repris dans tous les médias, sans trop de critiques. Pour autant, ça ne change rien à cette impression d’une administration peu pressée « à faire affaire ». A Boulogne, au sein même de la majorité municipale, des clivages ont exacerbé le dossier et privé Jean-Pierre Fourcade de tous ses moyens d’action. Au niveau national, c’est pareil. Quand un grand musée veut acquérir une collection, par acquisition ou dation, je connais des fonctionnaires qui se précipitent, dans l’enthousiasme et la fébrilité. Constatons donc, dans ce dossier, qu’il n’y a pas eu de réelle mobilisation. Peu importe d’ailleurs la personnalité de François Pinault, la question était :
a) Cette collection était-elle d’intérêt national ?
b) Si oui, pourquoi ne pas avoir mis le paquet.
Il serait intéressant de connaître l’opinion de Renaud Donnedieu de Vabres, qui, à part l’expression de ses regrets, n’a pas vraiment contredit les affirmations du patron breton.
Re Pierre (13 mai 2005)
Allons, allons, Monsieur Pierre. Les partisans du « oui » ne sont pas naïfs au point de vouloir se priver de bonnes soupes, et d’en faire cadeau aux pays voisins. Et ce n’est pas parce que l’on souhaite habiter et embellir une maison commune qu’on va se priver, chacun dans sa chambre, d’avoir ses propres livres et ses tableaux préférés aux murs.
Mel globalement d’accord avec vous sur cette affaire.
A la lecture de différents articles sur ce sujet on reste très perplexe, pour le moins, sur la façon dont les autorités compétentes conduisent la réhabilitation des terrains de Renault.
Il semble que depuis 92, date de la production de la dernière voiture sur l’île Seguin, seul le projet M. Pinault avait pris forme et il ne manquait pas d’allure.
Pour le reste, plus de 12 ans après, rien ne semble défini !!!
Pourvu que cela ne se termine pas comme le Front de Seine qui est un sommet d’horreurs architecturales et d’erreurs urbanistiques (ce que j’appelais « non-lieu »).
Ps. : Correction : c’est la Cfao et non la Scoa que FP avait rachetée.
Question ouverte?
Est ce que cette affaire ne serait pas un liée à celle ci:
François Pinault a racheté la compagnie Executive Life, rebaptisée Aurora, et la détient toujours. Il aurait connu l'existence du montage. Ce milliardaire proche de Chirac pourrait être condamné à une très lourde amende.
Réponse à william (14/03/06)
Franchement, je ne le pense pas. François Pinault est un homme qui commence à être un peu âgé. Il a vraiment envie de pouvoir construire son musée de son vivant. C’est, me semble-t-il, plutôt légitime.
je suis artiste peintre sénègalais voudrai entré en contacte avec la fondation que faire .
Je cherchais un lien sur le site de la fondation Pinault, aprés avoir visité cellui de JL Lagardère afin de me renseigner sur les bourses du talent (malheureusement pour moi ayant plus de 30ans), puis ne le trouvant pas et pour cause, il n'existe pas (il y a seulement que le nom de réservé), je suis arrivé ici.
Et de fil en aiguille sur d'autres news online concernant le sujet qui m'ont fourni un aperçu complet, je trouve qu'à défaut d'un emplacement réel, le site internet de la-dite fondation se devrait d'exister depuis fort longtemps, si toutefois l'appellation de "fondation" avait elle aussi une réelle volonté d'exister de la part de son créateur...
Je cite (le figaro) :
>
A défaut d'une véritable fondation, toute autre structure de mécénat ou d'aide à la création et bien visible de tous serait la bienvenue.
La citation qui n'est pas apparue :
...De fait, François Pinault n'a jamais créé de fondation. L'ancien ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon avait secrètement imaginé un autre montage juridique, afin que le chef d'entreprise ne s'embarrasse pas de la tutelle de représentants de l'état, et qu'il ne soit également pas obligé, comme dans toute fondation, de rendre inaliénable un tiers de ses oeuvres. François Pinault voulait pouvoir à tout moment disposer de ses biens culturels, les échanger ou les vendre à sa guise...
Merci pour votre très beau site internet. M.pinault, vous pouvez regarder mon site et vous pouvez me contacter; j'aurais besoin d'un coup de pouce pour me faire connaitre ds le milieu de l'art qui est très difficile en france. Merci encore. Laurent STOCCO
khmer art :
www.nhean-khmerart.com
Bonjour Mel,
Les musées ne sont ils pas obsolètes?
Un bon site internet peut présenter les oeuvres en créant une atmosphère et ça coute moins cher que les tonnes de bétons nécessaires pour construire des logements.

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