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Subventions, crédits d’impôts, baisses de charges : pour quelle contrepartie ?
Vu l’état des finances publiques, la question cruciale pourrait être celle-ci : jusqu’à quel point l’Etat doit-il accorder des aides financières sans pouvoir exiger, en retour, le respect d’engagements (maintien d’un investissement sur le sol national) ou des contreparties (augmentation du nombre d’emplois). Par deux fois, ces quinze derniers jours, la question a été posée. Il s’agissait bien sûr de répondre à des problèmes spécifiques. Mais je me disais qu’au fond, ce sont les illustrations d’un problème plus général qui mériteraient d’être plus amplement débattues.
1) Ce fut d’abord la « sortie » de Gérard Larcher, Ministre du Travail, à l’égard des restaurateurs.
G. Larcher n’est pas un homme à tenir sa langue dans sa poche. Recevant les analyses de la Commission Nationale de la Négociation Collective, il a poussé sa gueulante. Dans 74 branches (employant plus de 8 millions de salariés), les négociations salariales auraient évolué correctement : « De premiers résultats significatifs ont été obtenus, même s’ils ne sont pas suffisants ». Diagnostic qui n’est pas corroboré pour la branche des hôtels, cafés, restaurants.
Tous ces professionnels « ont bénéficié, d’une manière ou d’une autre, d’un soutien exceptionnel de l’Etat pour conforter leur politique d’emploi ces derniers mois. Il n’est pas acceptable que ces efforts soient préemptés sans contrepartie pour les salariés ». Malgré la charge, les restaurateurs sont restés de marbre. Ils maintiennent. Ils augmenteront salaires et emplois quand ils auront obtenu la réduction de la TVA.
Voilà donc l’Etat piégé. En attendant les décisions de Bruxelles, il a accordé des facilités financières (ravages du clientélisme avant le référendum !). Voilà –un comble- les restaurateurs exonérés de toute obligation et en position de force. Les syndicats sont légitimement choqués.
2) Autre illustration de ce débat, lancée cette fois-ci par Nicolas Sarkozy. On connaît son analyse sur la crise du modèle social français. Il souhaite « faire le tri entre ce qui est un acquis social et ce qui n’est que le produit d’une habitude, d’une lâcheté, d’un oubli ». Et propose, dans la foulée, que les minima sociaux ne soient accordés qu’en « contrepartie d’une activité ». Il fait référence évidemment au modèle danois ou au système anglais de dégressivité des aides après qu’un chômeur ait refusé les premières propositions d’emploi.
Ces deux exemples abordent la question de l’utilisation des fonds publics sous des aspects différents. Personnellement, je ferais une distinction entre le traitement social du chômage et la subvention à une catégorie professionnelle (restaurants, commerçants, agriculteurs, etc…).
- Dans le premier cas, l’aide publique est l’aboutissement d’un système de répartition ou de transfert social, pour lequel nous avons cotisé ou payé l’impôt. Elle est la conséquence d’un contrat avec la nation. Les exigences réclamées par l’Etat aux bénéficiaires découlent avant tout d’une obligation de probité (contre les profiteurs du système) et d’efficacité.
- Dans le deuxième cas, il y a affectation particulière du budget de l’Etat. Certes, via le débat parlementaire, la nation est supposée avoir approuvé les dépenses. Mais de même que l’Etat se soumet à l’obligation de contrôle, ne conviendrait-il pas que les professionnels justifient, eux aussi, du bon usage de la subvention.
Alors que plus personne ne conteste la nécessité de réorganiser les finances publiques, il est étonnant que cette question n’ait pas suscité plus d’intérêt. Partagez-vous cet avis ?
7 Commentaires
vaste sujet encore proposé par MEL.
une distinction entre la solidarité et le systeme des subventions est à apporter.
la solidarité, envers les chomeurs, les handicapés, les personnes agées, les familles...bref, les individus, est instituée par la notion même de nation.
nous faisons partie d'une même famille et nul ne devrait s'offusquer de la solidarité entre ses membres.
bien évidemment, l'état (donc nous tous) doit éviter que tels ou tels abus et abuseurs puissent en profiter plus que de raison.
dans cet esprit de partage responsable, d'assurance mutuelle contre les vicissitudes de la vie, il faut des garde fous suffisamment efficaces pour sauvegarder ce systeme.
le probleme des subventions est totalement différent.
qu'un état décide de supporter la charge de services publics, il s'agit de son rôle premier.
lorsque l'état utilise des fonds publics pour aider un projet privé, cela pose le problème du devoir de la collectivité envers ses entrepreneurs.
l'entreprise emporte avec elle une notion de risque qui exonère l'état d'une quelconque obligation.
connait on un patron qui reverse une part des bénéfices au titre de l'aide éventuellement reçue 10 ans avant ?
pour autant, certains secteurs doivent etre aidés : l'agriculture au titre de l aménagement de l espace rural, la culture, comme secteur évidemment non marchand...
l'ensemble des entreprises agissant sur des marchés (industrie, commerce, services) ne devraient pas bénéficier dde l'aide publique au nom d'un hypocrite chantage à l'emploi. Soit l'entreprise est viable, et son profit lui suffit, soit elle ne l'est pas et doit disparaitre. Devions nous aider la construction des grands bateaux à voile pour éviter le chômage dans les anciens chantiers navals ? Devions nous subventionner les mines de charbon pour éviter la mise sur le carreau des mineurs de lorraine et du nord ?
dans mon département, le conseil régional a décidé une aide de près de 1 million d'euros pour la rénovation d'un chateau privé (et qui le restera) et sa transformation en hotel de luxe Relais et Chateaux...quelques 20 emplois sont prévus ! quelle honte !
L'état doit dans certain cas venir à la rescousse d'entreprise en difficulté. C'est primordial pour permettre la transition en douceur d'une économie.
On le sait, une usine importante qui ferme dans un bassin d'emploi provoque par onde de choc la fermeture de nombreuses autres activités. Que ce soit des commerces qui disparaissent ou des sous-traitants qui perdent leur clients.
Dans une optique de politique d'aménagement du territoire, il reste important de subventionner des entreprises en difficultés. La question est jusqu'à quel point et combien de temps ? Cette question est aussi valable pour l'agriculture et le secteur culturel.
En ce qui concerne les restaurateurs, c'est hélas un exemple flagrant de subventions mal alloués.
Le problème vient hélas de la mauvaise habitude du président de la république de faire des promesses sans étudier leurs conséquences. A ce rythme, on tombe vite dans du clientélisme et c'est le lot de la France depuis plus de 20 ans maintenant.
En ce qui concerne l'assurance chômage. je suis chômeur et bien que répondant à plus de 20 annonces par mois, j'attends encore de pouvoir refuser un emploi...L'ANPE ne m'a jamais rien proposé alors, les déclarations de Sarko sur le sujet me laisse rêveur.
Ce matin un " je ne sais qui du medef" disait qu'il allait falloir que les français se remettent sérieusement au travail et 500mille emplois n'étaient pas pourvus. D'abord c'est etonnant comme tous ces chiffres tombent toujours juste...comme " à la louche" (grosse louche).Ne serait-ce pas ces emplois que justement il à évité a ses propres enfants ( et plus) ces emplois que vous avez vous même présentez a vos propres enfants comme une menace :" Tu finiras a rammasser les ordures" "A balayer!"
On parle bcp des pme en ce moment. Et surtout de la restauration, comment ce fait-il qu'il y ait un smig plus bas pour la restauration? Reponse :" Il y a des heures creuses avec moins de clients" Alors comme ça dans cette branche on travail a flux tendu entre la caisse et le bulletin de salaire? Mais cependant il y a plus d'heures de travail ...Allez comprendre...
J'ai plus qu'un doute sur les motivations de ce petit monde.Dans les pme en cas de difficulté c'est le dernier entré qui degage...et tout le monde baisse les yeux a l'heure de la dernière poignée de main. Le niveau de vie de Mr et Mme lui il ne bouge pas...Normal hein? mais enfin tout le monde ne peut et ne veut pas avoir une entreprise. Et tout le monde a besoin de l'autre...mais là la machine est bloquée. Salaire minimum pour tous et précarité ça peut pas le faire...vraiment pas. Aprés on retourne vers la definition de l'esclavage. A savoir echanger son temps de vie et sa force contre le minimum vital. Ca veut dire un abri et de la nouriture...et ce n'est même plus garanti quand il faut 700€ pour un logement de 20m2...et surtout pas l'espoir du mieux...et ainsi de suite...j'arrete ...je m'épuise...
Contrairement à ce qui se dit, la restauration fait des efforts en contrepartie des aides allouées par l'Etat (39 h, 4 heures sup. à 15 %..., réduction CHR).
En effet, la convention collective de la restauration impose depuis 2004 : le passage au minimum de 39 heures au SMIG horaire(alors que le temps d'équivalence était de 43 h), la suppression du SMIG hôtelier, une prévoyance obligatoire et depuis juin 2005 une demi-journée de congé supplémentaire par mois (soit 6 jours par an) et 2 jours fériés chômés pour les salariés ayant 3 ans d'activité.
Par ailleurs, l'Etat demande (de plus en plus fermement) que la restauration (à l'échéance 2006/2007) respecte enfin la loi Evin ainsi que les règles de sécurité incendie et l'environnement (eaux usées...). Pour ces mises aux normes, il est nécessaire que les établissements puissent bénéficier de trésorerie potentiellement récupérable sur la baisse de TVA.
Avec la baisse de la TVA, on obtiendra donc dans l'ordre :
- une mise aux normes des établissements CHR
- une baisse des prix
- une revalorisation des salaires
Arrêtons de taper sur une profession qui fait (tout de même) des efforts et rappelons, qu'encore à ce jour, les CHR sont la seule branche professionnelle disposant d'articles spécifiques dans le Code Civil (responsabilité) car à l'époque de sa rédaction, on pensait que ces métiers gagnaient de l'argent sur des besoins primaires (manger, dormir) et que c'était "honteux" !!
A part çà, sachez que je viens personnellement (depuis fin mars) d'ouvrir un restaurant de 26 places avec un salarié, que sans les aides de l'Etat j'aurais fermé au bout de 2 mois et que je n'ai encore gagné aucun euro...
De plus, j'ai essayé de monter un projet de café/librairie de bandes dessinées en 2004 et que ni l'Etat (à travers tous les aides existantes), ni les banques (malgré un apport initial) n'ont voulu m'aider...
Tout cela pour dire qu'il est plus que difficile de monter sa propre entreprise (ou commerce) et qu'un minimum d'aide (comme la baisse de la TVA) serait largement bienvenue...
Cordialement
Denis
Denis, je fais partie de ceux qui ont milité pour la baisse de la TVA dans la restauration. Je trouve stupide que l’on paye moins cher un sandwich ou un plat préparé à emporter (ce qui ne crée pas d’emploi de services) et que l’on facture plus cher une prestation de services qui crée de l’emploi.
Mon propos n’est donc pas de m’opposer à la revendication des restaurateurs, mais à exiger d’eux une contrepartie qui, formellement, les engage.
Il y a une quinzaine d’années, les salaires les plus bas et les conditions de travail les plus pénibles se trouvaient dans le commerce. Aujourd’hui, c’est dans le secteur de la restauration. Je ne dis pas cela pour jeter l’opprobre, mais parce qu’il faut faire de bons diagnostics si l’on veut progresser. La signature d’un accord de branche sur ces points me paraîtrait un bon deal en contrepartie de la baisse de la TVA.
Pour le reste, d’accord avec vous. Créer un restaurant est tout aussi difficile que de créer une PME industrielle. On rejoint là la préoccupation de tous les chefs d’entreprise : diminuer les coûts d’installation, les charges, etc…
Bienvenue au club !
Je suis d’accord avec a2lbd contre la vision darwinienne qui opèrerait une sélection naturelle dans les entreprises. Certains secteurs doivent être aidés (notamment ceux qui, comme l’agriculture, participent d’un objectif social complémentaire (aménagement du territoire). Au risque de choquer, j’inviterais même parfois l’Etat à « mettre le paquet » pour attirer des grosses entreprises internationales à s’implanter dans notre pays. Pourquoi pas. Simplement, il me semble qu’il faut préciser les critères d’allocation (éviter les copinages, type château privé qu’évoque Pierre). Et encore une fois, insister sur la formalisation de contreparties.
Merci.