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Nitrates en Bretagne : Nettoyage des algues vertes… Avant le lavage des cerveaux ?

L’une des théories à la mode concernant l’avenir du capitalisme, c’est « la création de valeur par destruction de valeur ». Ce qui se passe en Bretagne avec l’épandage excessif des lisiers et le retraitement des algues vertes, semble donner raison à nos gourous ! Jugez-en. Cela se passe dans la baie de Saint Michel en Grève. Conséquence de la concentration des élevages porcins et, (jusqu’à une période récente de l’épandage sauvage et disproportionné des lisiers), le nitrate a fini par polluer la nappe phréatique, mais aussi les cours d’eau et le bord de mer, s’invitant dans les élevages de coquilles Saint-Jacques et sur les plages, sous forme d’algues vertes qui prolifèrent depuis plus de 10 ans. A marée basse, les plages de Plestin les Grèves sont littéralement recouvertes d’un tapis vert, très odoriférant en cas d’élévation de température. (Ne souriez pas, il a fait très chaud en Bretagne ces 15 derniers jours !). Une centaine de communes sont concernées. Elles tentent de ramasser les quelques 70 000 m3 d’algues qu’il leur faut épandre (répandre !) à l’intérieur des terres, dans des trappes constituées par des carrières, des anciennes décharges ...etc. Les agriculteurs ont longtemps été imperméables à la pression des écologistes qui dénonçaient, un peu trop systématiquement il est vrai, l’activité des éleveurs, sans même leur proposer d’alternative. Le syndicalisme agricole s’était enfermé dans une ligne indéfendable du style « le nitrate n’a jamais tué personne ! ». Les mentalités ont évolué. La profession s’est engagée dans un énorme programme d’investissement (stations d’épuration, de décantage, revalorisation (tiens ! tiens !) de cette « matière première » en différents types de compost. Mais le mal a été fait. Et paradoxe, salement, c’est sous une couleur verte qu’il s’affirme. Des élus, ont eu l’idée que la pollution, ça peut aussi rapporter gros. En tout cas, « qu’on peut faire avec ». Ils ont lancé un programme expérimental de lavage et de retraitement des algues vertes, programme réalisé par une société privée qui s’obstine à vouloir traiter les « ulvans », sorte de sucres dont ces algues sont porteuses, capables de modifier les argiles qui rentrent la composition de l’aliment du bétail. Les nano particules de cet argile « améliorent l’action des enzymes » et peuvent « remplacer les antibiotiques facteurs de croissance, interdits depuis janvier 2006 » (Pierre-Yves Tanguy, société Olmix, organisme traitant). Je vous entends. Vous frémissez et faites la fine bouche. Moi aussi. Les plus réalistes (les plus cyniques ?) retiendront que selon le centre d’étude et de valorisation des algues qui pilote cette initiative, outre l’alimentation animale, les propriétés de ces nano particules intéressent l’industrie pour les applications possibles à la matière plastique, à l’emballage alimentaire, et même dans l’automobile (Ouest France du 29/07/06). Les défenseurs de l’environnement commencent maintenant à ruer dans les brancards. Et on les comprend ! On peut effectivement argumenter, en parlant de l’intérêt d’une telle expérimentation. Dans l’absolu, si n’était le contexte, pourquoi pas ? Mais alors que le gouvernement a refusé d’appliquer aux agriculteurs le principe « pollueurs/payeurs » qu’il exige de tout industriel, cette expérimentation s’apparente ici à une provocation. Le programme a été lancé sans qu’aucun discours ne soit venu étayer et crédibiliser une politique de lutte contre la pollution à la source. Difficile d’y voir une intention maligne. Mais les associations écologistes ont quelques bonnes raisons de s’interroger : le CNRS pointe le nez sur ce dossier, financé sur fonds publics. Et fort de la qualité du test (10 à 12 tonnes traitées par jour) le PDG d’Olmix interpelle désormais régions et départements en rappelant que le marché potentiel est immense et que « nos besoins en algues seront énormes ». « Polluez sans gêne, nous traitons la merde pour vous », voilà un modèle économique qui s’est déjà imposé dans toute l’activité du recyclage. Mais les défenseurs de l’environnement, dans cette partie de la Bretagne, contestent sa généralisation. Auraient-ils vraiment tort ?

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