
© FEP - Jean Bibard
Dans le grand immeuble de verre qui sert de siège aux Centres E. Leclerc, Andreas a l’air complètement perdu. Il regarde le système de badges comme s’il représentait la quintessence d’un monde carcéral. Traversant couloirs et bureaux, on le sent amusé, curieux, mais inquiet, tel un personnage d’outre-monde ayant atterri sur une planète inconnue.
Ce n’est pas le monde du travail qui l’impressionne. Il revendique volontiers ses origines allemandes, cette culture de la rigueur qui a façonné son œuvre et son emploi du temps depuis qu’il est sorti de l’Académie des Beaux-Arts de Düsseldorf. C’est un stakhanoviste du dessin. Des vacances ? « Au bout d’une semaine, j’ai la nostalgie de mon atelier » Le cinéma, les sorties ? « Oui, de temps en temps, mais quelquefois, au moment où je m’apprête à sortir, je passe devant une planche inachevée, et je cède. C’est en dessinant que je me sens bien. »

Ce n’est pas non plus la ville, ses immeubles, son architecture qui le rebutent. Andreas n’a rien d’un rural. Après une première vie à Bruxelles, il s’est établi en Bretagne. Mais il n’a pas choisi d’habiter sur le front de mer, pas plus qu’en campagne. S’il envisage d’acquérir une petite maison d’un village proche de Ploërmel, il travaille aujourd’hui (et vit) à la lumière artificielle d’un appartement du centre de Rennes, discret, sans trop d’ouvertures sur l’extérieur.
Solitaire ? Assurément. L’auteur de « Arq » (1997), de « Rork » (Le Lombard, 1984) et de « Cromwell Stone » (Deligne, 1984) travaille seul, si possible. Mais il ne déteste pas la collaboration avec un scénariste.
A l’Institut Saint-Luc de Bruxelles, il a fréquenté des illustrateurs et dessinateurs tels Philippe Berthet, Antonio Cossu et Philippe Foerster. Il a gardé des liens d’amitié discrets, mais renouvelés, avec quelques artistes choisis (Schuiten). Malgré une revendication d’individualiste, il se dit heureux d’avoir trouvé par exemple au Lombard une équipe éditoriale qui lui a fait confiance en toute circonstance.
Si certaines de ses œuvres tirent à plus de 10 000 exemplaires, Andreas n’est pas très connu du grand public. Il ne s’en émeut pas et ne manifeste aucune fébrilité pour modifier cet état de faits. C’est très prudemment qu’il adhère à l’idée éventuelle d’une exposition rétrospective de ses planches.

Pourtant, cet homme est un maître. L’ancien élève d’Eddy Paape qui collabora un temps avec André-Paul Duchâteau pour le journal de Tintin (« Udolfo »,1980) ou François Rivière (« Révélations posthumes », Bédérama 1980), a multiplié des collaborations diverses et éparses. Mais son œuvre personnelle (dessins et scénarios) constitue un univers vraiment extraordinaire.
Etonnant de l’entendre avec des accents d’humilité : « Je ne suis pas un très bon dessinateur ». Il prétexte que les décors l’ennuient, ne sont pas si importants que cela. Mais chaque planche de « Cromwell Stone » est une merveille de composition.

A la différence de Schuiten, lui aussi influencé par l’architecture, les personnages d’Andreas se meuvent parfaitement au diapason des pliures, des déchirures et des mouvements du décor. Andreas a été très influencé par les comics américains et cette liberté revendiquée par des auteurs comme Neal Adams, Stuart Immonen, John Romita Jr., qui donnent la priorité à l’expression corporelle des personnages.
« Je reconnais que s’agissant de certains comics américains, des travaux de Schuiten ou des miens, les planches peuvent séduire et parler d’elles-mêmes par leur expression graphique. Mais je ne cherche pas cet objectif. Même si je me suis appesanti, notamment dans « Cromwell Stone II », sur certaines mises en page, je ne veux pas perdre de vue que l’histoire est plus importante que le dessin.»
Des histoires fantastiques, hors des préoccupations sociales et politiques du moment, mais génératrices d’utopie, d’émotion !
J’aurai l’occasion, dans le prochain tome de « Itinéraires dans l’Univers de la Bande Dessinée » (Flammarion, septembre/octobre 2008) de montrer les différentes facettes du talent d’Andreas. Mais pour l’heure, quittant mon bureau, il va regagner le centre de Paris, et probablement passer dans quelques librairies. J’en fais le pari : il n’a qu’une seule idée en tête, regagner Rennes, son atelier et se remettre à l’ouvrage.

© FEP - Jean Bibard
12 Commentaires
Il existe un domaine de santé où il vous serait facile de démontrer que votre enseigne peut distibuer moins cher ce type de produit.
Il s'agit des appareils auditifs pour corriger l'audition des malentendants dont les prix dépassent allègrement les 1000€ et peuvent atteindre plus de 2000€ alors que la technologie permet de fabriquer des appareils auditifs numériques de bonne qualité utilisant les même composants pour 100 à 200€ selon le niveau de technologie demandé ...
Si ce domaine retient votre attention, je reste à votre isposition trouver ensemble les moyens d'arriver aux objectifs que vous souhaitez
Salutations cordiales
Michel David
Audiologist Consultant
06 76 67 13 12
Il ne semble pas que le gouvernement soit disposé à le faire
N'y voyez vous pas une contradiction ?
http://www.defendezvotresante.com/
Bon sinon vous avez bien raison de faire une mise en lumière d'Andréas. Ce type est un excellent conteur en plus d'être un habile graphiste (et rapide de surcroit en moyenne 2 albums/ans).
Avez vous lors de votre entretien évoqué ses influences ? Il me semble que bernie Wrightson a longtemps été pour lui une source d'émulation. Enfin depuis l'élève a largement dépassé le maitre.
Andréas mérite bien plus de succès qu'il n'en a !
Le siège de Leclerc c'est tout autre chose et Andreas l'a très bien compris
A très bientôt et merci pour ce bon moment de rigolade
professeur des universités je prépare un colloque en octobre 2009 à Bobigny lieu de naissance d'Asterix. Ce colloque célébrera cette naissance, des communications de Pascal Ory, Didier Pasamonik... auront lieu/
J'aimerai une communication sur la passion collection et vous êtes l'homme idoine pour ce faire. Seriez vous intéressé ? cordialement
jc lescure
Faire de l'Art ou de la Bd me semble moins important que les passerelles qui peuvent les rapprocher.
Notre galerie a choisi d'exposer Winshluss (prix d'Angoulème 2008 avec Pinocchio) car il représente selon nous le type même de créateurs qui, du cinéma aux arts plastiques en passant par la bande dessinée proprement dite est brillant dans chacun des domaines qu'il touche. Si vous souhaitez visiter cette exposition n'hésitez pas à me contacter, je suis quoiqu'il advienne très sensible à votre engagement.
Bien à vous
Georges-Philippe Vallois