SOCIÉTÉ
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Chirac, la Constitution Européenne, le référendum…et le peuple
Hier soir, comme beaucoup de Français sans doute, j’étais devant mon poste de TV. Tout de suite, un certain malaise. L’émission était manifestement mal préparée. Dès le départ, on sentait que le courant ne passerait pas entre le Président et les jeunes qui ont été sélectionnés. Mis à part Fogiel, les médiateurs n’ont pas apporté de valeur ajoutée. Jusqu’à notre PPDA national qui, à la limite du bâillement, n’eut pratiquement pas à intervenir. Pour qui s’intéresse à l’avenir de l’Europe, cette émission fut vraiment frustrante.
En vrac, quelques réflexions rapidement jetées sur le papier :
1) Une jeune femme interpelle Chirac sur le risque d’une dérive plébiscitaire : risque d’un vote sanction et rejet de la politique gouvernementale ! Elle ose (bravo) rappeler, avec l’efficacité de toute sa candeur, la responsabilité du Président dans l’échec éventuel de cette consultation.
Car le référendum, c’est son choix. Raison de politique intérieure ? Sincère volonté d’associer le peuple à l’histoire de l’Europe ? Qu’importe la motivation, c’est lui qui a voulu cette initiative écartée par les Italiens et les Allemands.
Et c’est encore lui qui a choisi ce type d’émission TV : seul, face aux jeunes, face au peuple, en évitant un débat avec des journalistes, des experts ou des opposants. Hier soir, le Président s’est enfermé dans son propre piège. Pouvait-il vraiment être lui-même convaincu de la pertinence de la voie référendaire quand il incitait les jeunes (et à travers eux les Français) à lire les 850 pages du traité afin d’entraîner leur adhésion. Ca ne faisait pas sérieux. Et le maintien de cette position devant un parterre qui avouait sa totale ignorance des choses institutionnelles…avait quelque chose de pathétique.
2) La pièce était d’autant plus dramatique que, manifestement, le Président n’avait pas suffisamment préparé son intervention. A l’aise, mais redondant quand il insistait sur quelques généralités du type « l’union fait la force », son propos était complètement en décalage avec les questions concrètes des jeunes. Mis à part le sujet sur l’agriculture où il a répondu avec précision, conviction et expertise, il n’a pas su répondre de manière suffisamment tangible sur le plan juridique comme sur le plan économique.
3) Quel est le message que, finalement, l’on retient ? Une espèce de leitmotiv : « Je ne vous comprends pas », « Vous ne comprenez pas !». Quel aveu, quel dommage ! Assurément, il avait raison de répondre à certaines questions : « Ca ne concerne pas la Constitution, ce n’est pas le sujet ». Oui, mais voilà, en l’état de l’information des Français, et vu les arguments développés par les partisans du « non », ces questions-là se sont installées dans le débat. Elles nourrissent l’angoisse de nombreux Français. Avant de dégager en touche ou d’exprimer son irritation, l’héritier du gaullisme aurait dû dire : « Je vous comprends. J’assume une partie des non-réponses dans le cadre de la politique intérieure. Nous vivons une période difficile de notre histoire économique. J’en suis conscient, je fais pression sur le gouvernement…etc… Et nous allons utiliser les avancées de la Constitution pour enrichir le projet européen, comme je l’ai fait avec un certain succès pour les agriculteurs ou la directive B… ». A défaut de convaincre ses opposants, il aurait rassemblé les Français qui l’aiment au combat, quand il est punchy et conquérant. Hier, il était sur la défensive.
4) Mais comment faire aimer l’Europe après l’avoir tant décriée ? Le Président s’est pris là encore dans le piège que se sont fabriqués la plupart des hommes politiques français. Si nos concitoyens sont aussi ignares sur nos institutions comme sur l’histoire de l’Europe, et s’ils tiennent l’U.E. responsable de leurs malheurs, c’est bien parce que tous les gouvernements successifs n’ont eu d’autre antienne que de fustiger les « technocrates de la Commission » : lois sur la pêche, la chasse, délocalisations, bas salaires… La faute à Bruxelles ! A force d’avoir cumulé les images négatives d’une Europe-contrainte, il est pratiquement impossible, le temps d’une campagne référendaire, et encore plus, d’une émission télévisée, de remonter la pente.
5) Alors, il reste au Président cet exercice franchement démagogique : il fustige l’Europe libérale, à l’anglo-saxonne, pourtant à l’origine des records d’exportations et de l’accroissement du niveau de vie des Français. Il revêt finalement un habit de gauche en invoquant un projet humaniste et la défense d’un modèle social dont il refuse de dire qu’il n’est plus exemplaire.
Hier soir, le camp du « non » devait se frotter les mains. Dommage que la télévision ne nous ait pas retransmis le happening du Zénith qui rassemblait Marie-George Buffet, José Bové et Olivier Besancenot. On y parlait coupure d’EDF chez Bolkestein, on invitait les postiers à faire de même, on rappelait aux paysans que dans l’histoire, c’est la France qui donnait le signal des jacqueries. Cinq petites minutes de ces élucubrations au JT, ça aurait permis, juste après la prestation manquée du Président, de remettre le curseur à sa place. Dommage !
7 Commentaires
On avait vraiment l'impression d'une confrontation entre deux univers qui ne se rejoignaient jamais.
Attendons les sondages. Mais le "non" aura je pense progresser après cette émission.
Voilà qui remet les craintes formulées par les tenants du "non" avant l'émission à leur juste place. Non, M. Fabius ces jeunes n'étaient pas des faire-valoir et on était loin d'une opération de propagande !
On voit là l’intérêt et les limites de l’exercice
Les limites :
a) La pédagogie n’est pas une des vertus premières de Chirac.
Cela pose plus généralement la question suivante : pourquoi les gens au pouvoir (toutes classes confondues) ont-ils tant de mal à communiquer c’est à dire à exposer 1-quel est le problème 2- quelles sont les solutions 3- quelle est celle que je choisis et pourquoi
(mel avez-vous un avis la dessus ?)
Souvenons-nous des conférences de presse de de Gaulle ou des exposés de Giscard
Tiens ! En parlant de Giscard pourquoi ne monte-il pas plus au créneau. Il est quand même un des mieux placé pour parler de la constitution.
b) Le niveau des questions n’est pas adapté au sujet.
L’intérêt
a) Il démontre s’il en était besoin que les votants, en l’espèce les jeunes, vont se positionner sur la constitution plus par rapport à leurs préoccupations (emploi, délocalisation, et même tri sélectif des déchets !!!…) que par rapport à une appréciation du texte, de son contenu et de ses conséquences
b) Il démontre que l’Europe paraît très abstraite pour beaucoup et qu’ils ne voient pas ce que ça leur apporte en pratique dans leur vie quotidienne.
Les gens en ont assez des grands mots et des blabla. Ils en besoin de concret.
L’exercice était louable. Il était l’occasion de rappeler à des gamins de 20 ans le chemin parcouru depuis les années 50 et d’expliquer les objectifs, les raisons et les avantages de ce nouveau compromis. De faire œuvre de pédagogie.
Je ne suis pas sûr qu’il a convaincu cette jeune génération de votants.
Qui a dit que la démocratie est le pire des systèmes mais c’est le moins mauvais ?
Un CHIRAC, veillissant, ce qui n'est pas extrêmement grave en soi.
Une majorité de jeunes, pas très ouverts, c'est à dire sans réel arguments pour défendre leur vision de la société libre, souveraine et juste qu'ils devraient aspirer à bâtir.
Seront-ils facilement manipulés par d'habiles gourous, j'espère que non.
C'est extrêmement préoccupant.
beaucoup de jeunes à coté de leurs pompes...
et enfin un président qui s'etonne des craintes de la jeunesse...comme s'il découvrait les problèmes auquels sont confrontés les jeunes de son pays.
Aucune clarté n'émane de cette constitution...
QUE LES JEUNES DE CE PAYS ETAIENT INQUIETS POUR LEUR AVENIR...
BEAUCOUP TROP SUR DE LUI IL N'A PAS REUSSI
A CONVAINCRE L'AUDITOIRE QUI QUANT A LUI SEMBLAIT DEJA A COTE DE SES POMPES
CELA RISQUE D'ABOUTIR A UN VOTE SANCTION
L'improbable attelage Emmanueli, Fabius, Besancenot, Buffet, Villiers et Le Pen a réussi son coup d'éclat (rêvent-ils du coup d'état ?).
En misant (sur)et attisant les doutes et les peurs, les sentiments d'injustice, de trahison et d'humiliation, on est sûr de gagner. Pour servir quel dessein ?
Ceux qui ont fait basculer dans le camp du non sont Fabius et Emmanueli. L'opportuniste et l'idéologue. Autre improbable attelage qui ne devrait pas passer l'été.
Il nous faudra cinq à dix ans pour mesurer le temps perdu, le chemin à l'envers que la France a fait en Europe et a fait faire à l'Europe. Si l'on a perdu quelques points de croissance, il n'y a pas péril en la demeure; si l'on a interdit à l'Europe de jouer dans le concert du monde, les conséquences me font frémir.
Le responsabilité de l'homme politique est de résoudre les peurs et les souffrances de ses concitoyens, pas de s'en servir pour son propre dessein.
L'un va vers la civilasation, l'autre vers la barbarie...
Ok avec votre conclusion
J’ajouterais:
Ce qu’on attend d‘un dirigeant politique (ou autre) c’est qu’il ait une vision et du courage.
Je garde la naïveté de croire que les gens sont prêts à accepter sacrifices et efforts si on leur dit la vérité, s’ils savent et comprennent où on les emmène et où ils vont.
Quelle est la vision de la majorité au pouvoir ?
Quelle est la vision des oppositions ?
Quel projet porte le non ?
Nous sommes devant une crise grave.
Elle l’est d’autant plus que nous sommes devant un vide politique total.
C’est donc un non pour rien !
Une fois de plus nos élites de tous bords vont écouter, analyser et réfléchir au message des français. Il en sortira quoi ? Encore du blabla.
Pas de vision, pas d’idée, pas de volonté, pas d’ambition, pas de courage…
Que de la petite cuisine de petits chefs !!!
Je vais peut-être commencer à croire que nous sommes en déclin.
La gueule de bois avec du mauvais vin et des convives peu intéressants c’est ce qu’il y a de pire.