Mai 68, toujours...

Notre campagne continue d'agiter le microcosme. A gauche, ou plutôt dans ce qui fut l'extrême gauche, quelques partisans continuent de ruminer. Ils nous avaient d'abord, sur le net, fait procès de plagiat. Comme si chez Leclerc ou Australie (notre agence de publicité), nos collaborateurs cinquantenaires étaient finalement moins légitimes que ces jeunes anars pas encore sevrés de leur lecture récente de Bakounine ou Kropotkine. Ils ne savent pas, ces gamins-là, que les situationnistes de 68 eurent leur heure de gloire en détournant justement les romans-photos, les publicités, les bandes dessinées et les titres de presse, au profit de la rébellion. Pour nous, les créatifs de l'agence Australie ont donné corps à cette impertinence que nous fit mettre en scène, dans les années 80, feu Philippe Michel, fondateur de l'agence CLM-BBDO et co-signataire de plusieurs de nos célèbres campagnes. Là où ça devient cocasse, c'est quand le débat se réfugie au final sur la question des droits d'auteur. Je m'en suis déjà expliqué ici et justifié. Mais voilà qu'on intente un nouveau procès. Il vise les artistes, auteurs de ces affiches. Quoi ! Il y aurait donc des traîtres à la cause ? Question posée, le 12 mars, par le journal Marianne à Jacques Carelman, dessinateur de la plus connue des affiches de mai 68, celle du CRS. Que d'hésitations et de tergiversations pour obtenir cette réponse : « Je me suis dit qu'il fallait parler d'argent avec des gens qui font de l'argent et j'ai donc entrepris les démarches ». Allez, Monsieur Carelman, vous êtes un homme de convictions, un militant, un artiste. Ne vous laissez pas impressionner par ces comportements staliniens. Inutile aussi de faire croire que Leclerc aurait de toute façon « détourné le dessin » si vous n'aviez pas donné votre accord. Leclerc n'a rien négocié avec vous. C'est l'agence qui l'a fait. Inutile de nous faire passer pour de riches avares. Rappelons donc cette vérité à ceux qui nous interpellent : même Picasso peignit « Guernica » sur commande. D'Aragon à Cohn-Bendit, en passant par André Breton, Jean-Paul Sartre, Michel Foucault ou Pierre Bourdieu, je n'ai jamais connu d'auteurs, parmi les plus engagés, qui ne se soient privés de leurs droits d'auteur. Même Trotsky..., même les écrivains les plus contestataires de la propriété privée (Marx, Prudhon, Vallès), ont vécu (mal, j'en conviens) de leur plume. Alors, pourquoi cette gêne ?