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Cinéma français : L’exception culturelle au service des monopoles ?

Festival de Cannes ! Chaque année me vaut son lot d’invitations : cocktails, projections, rencontres et petits fours. Je n’y suis allé qu’une fois. Le piège : pour tout un monde qui gravite dans cet univers fascinant du cinéma, un « épicier en gros » reste d’abord un annonceur, le parrain potentiel d’une émission TV, le sponsor d’un éventuel festival, un diffuseur sur le marché de la vidéo et des CD… Moi, ce que j’aime, c’est me blottir discrètement dans le velours des salles, m’imprégner des drames sur l’écran. Et après les projections, observer la comédie des héros, capter les rires, les excès, les humeurs, et applaudir, comme un gosse, aux mises en scène délirantes (bravo Star Wars !). Tant pis. Encore une fois, il me faudra me contenter de feuilleter les magazines. Mais hier, j’étais comme en coulisse. Deux des adhérents de notre enseigne veulent construire des petits complexes de cinéma sur leur parking. (Demande de leur municipalité pour doper l’attractivité d’une banlieue devenue désert culturel depuis que toutes les aides vont à l’animation des centres-villes). Cette idée ne fait pas que des « joyeux ». Les trois quarts des salles appartiennent à des réseaux constitués qui défendent leur bifteck comme savent le faire…les marchands. Ce sont eux qui ont exigé du législateur qu’on soumette désormais la création de salles à des critères délivrés par des Commissions d’Urbanisme. Parmi ceux-ci, l’engagement d’une programmation qui favorise les films français ! Pas de problème, évidemment, pour tenir cet engagement, mais l’occasion, pour mes adhérents à Cannes, de découvrir aussi les intérêts cachés derrière ce noble concept « d’exception culturelle » à la française. (Je vous raconterai la suite de leurs aventures, ça m’a l’air assez picaresque…). Dans tout ceci, la question-clé reste : qu’est-ce qu’un film français ? On se rappelle les désagréments de « Un long dimanche de fiançailles » privé du système d’aide national au cinéma. Les principaux producteurs et diffuseurs hexagonaux avaient, par leur action juridique, contesté au film de Jean-Pierre Jeunet le droit d’être éligible pour obtenir un soutien financier de l’Etat (subvention, avance sur recettes, obligation de diffusion par les chaînes de télévision, apport des Sofica, crédit d’impôt, etc…). Pour Pathé, UGC et MK2, l’œuvre était américaine, bien que produite par une filiale française de l’Américain Warner. Les plaignants n’avaient pas prévu l’effet boomerang : le gouvernement n’a pu qu’être convaincu de la nécessité d’une réforme. Du coup, UGC et Pathé montent sur leurs grands chevaux et Marin Karmitz, « l’indépendant », donne de la voix pour exiger le statu quo. Sur le fond, leurs arguments ne manquent pas de pertinence. « Je préfère que la France participe à la création d’un « Airbus du cinéma » en ayant une action volontariste au niveau européen plutôt que de se vendre à Boeing ». En finançant des œuvres à caractère français, mais produites à l’étranger, « le risque est de permettre aux Américains de détruire de l’intérieur un système qu’ils ne cessent de combattre de l’extérieur ». (Guy Verrecchia, Président d’UGC – Le Figaro du 26/04/05). Sur cet objectif, on ne peut que suivre. Mais la plaidoirie cache une bonne dose d’hypocrisie : 1) Les fonds de soutien sont accessibles selon deux critères. La nationalité du producteur et celle de l’exploitant et du distributeur. A ce titre, « Un long dimanche de fiançailles » dont personne ne conteste qu’il est emblématique de la « culture française », n’a pas été éligible : le producteur est extra-européen. Mais le film d’Oliver Stone, « Alexandre », dont on ne voit pas en quoi il fait référence à nos « valeurs » artistiques, a été soutenu financièrement parce que co-produit et diffusé par Pathé ! ! ! Les critères culturels ont vraiment bon dos dans cette affaire ! 2) Question suivante : qu’est-ce qui a empêché le film de Jean-Pierre Jeunet d’obtenir une aide au titre du deuxième critère : la nationalité des exploitants et des diffuseurs. Eh bien, tout simplement, parce que les exploitants font la loi. Pathé, Gaumont, UGC ou MK2 gèrent tranquillement le monopole de leur sélection. L’un d’eux promotionnait « Alexandre ». Pas Jeunet… donc voilà. Décidément, ici comme ailleurs, on retrouve les mêmes débats sous-jacents, les mêmes querelles, les mêmes défenses d’intérêts…fût-ce sous le noble habillage de la défense de la culture. Tiens, c’est promis, juré, l’année prochaine, j’irai à Cannes parler de concurrence, de liberté d’accès aux salles de cinéma et de la défense des films français.

6 Commentaires

La défense de la diversité, je pense que ce doit être davantage la promotion de films confidentiels, à petit budget, qui, sans aides, n'auraient pas accès aux grandes salles, plutôt que la participation au financement de blockbusters, même s'ils sont français.
En d'autres termes, je préfère mille fois un système de quotas qui réserverait un quart des salles de multiplexes à des films d'arts et d'essai, qu'un système qui ne décide qu'en fonction de la nationalité de tel ou tel acteur.
Pour voir les films, encore faut-il qu'ils soient distribués.
michel grace a ton blog je commence a savoir me servir de mon ordi beaucoup de travail mais merci je n'ai toujours pas trouve l'ami qui discute avec toi sur le site et qui fait ref a orleans bon we mon cours d'initiation est termine je vaisprendre l'apero amities
JPG dit le buldozer
Je me permets de faire remarquer également, que aujourd'hui les films ne se financent plus sur l'interet qu'éprouve le financeur pour le scénario, mais sur la banquabilité des acteurs qui vont y participer!
Banquabilité, de l'anglais bankable qui peut être traduit par combien le film va rapporter si tel ou tel comédien joue dans le film.
Je ne crois pas que les mécènes lorsqu'ils jouent leurs billes, le font en pensant rejouer leurs gains pour produire des films à succès "confidentiels"...
d'ou le fait qu'il faut absolument soutenir, et donc frequenter les cinémas d'art et d'essai.
heureusement il en reste encore et des tres bons
Re marine (13/06/05)
C’est mon cas. Tiens, pas plus tard que ce week-end, je suis allé au studio Racine, 6 rue de l’Ecole de Médecine à Paris, voir le très controversé « Cauchemar de Darwin ». Cette salle fait partie du groupe Europa Cinéma (et reçoit à ce titre des aides européennes) et propose une excellente programmation « art et essai ».
je note l'adresse, ça tombe bien je vais habiter a paris, et je vois ou c'est la rue ou il y a aussi le musée d'art moderne en ce moment, la salle est bien sympa... (au 15 de la meme rue)

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