Beaucoup de déplacements en vol long courrier, l’occasion de voir des films. Le cinéma d’anticipation et la science-fiction font un retour remarqué. Pas toujours de bonnes choses, mais souvent des interrogations utiles sur le devenir de notre société.
« District 9 »
Un vaisseau s’immobilise au-dessus de Johannesburg. Des milliers de réfugiés intergalactiques sont parqués dans des bidonvilles. Misère, pollution, déchéance humaine, querelles de gangs… Le gouvernement envoie militaires et sociétés privées (les Red Ants) fermer le Town Ship. Pensez à un camp de réfugiés en Palestine ou au Darfour, plus près de nous Sangatte, et multipliez par dix les populations concernées.
La métaphore est évidente et filmée comme un documentaire par Neill Blomkamp dont c’est le premier long métrage. La critique a salué la prestation. Le film a fait l’objet d’un soutien technique et financier de Peter Jackson (producteur du Seigneur des Anneaux). Cela explique la qualité des effets spéciaux, des machineries.
Mais à trop en faire, on passe à côté du message. Peter Jackson s’en défend (Figaro du 16/09/09 : « On n’a pas cherché à faire un film politique, mais à retranscrire une atmosphère ». Ce que confirme NB : « Ces contrastes entre zone sécurisée et bidonville…laissent présager en quoi ressemblera la planète dans un siècle…effrayant pour le citoyen »).
Eh bien, justement, en transformant les envahisseurs en Aliens et en insistant sur leur aspect crustacé mange-tout repoussant (les Sud-africains les appellent « les crevettes »), les auteurs privent le spectateur d’une réelle empathie. A trop caricaturer les « immigrés », le réflexe sécuritaire l’emporte. Et en poussant l’uchronie à l’extrême, Neill Blomkamp finit par casser le ressort qui faisait l’intérêt de la métaphore : la révolte contre le traitement fait aux minorités, la nécessaire culpabilité.
« The Box »
Tirée d’une courte nouvelle de Richard Matheson et déjà portée à l’écran dans la série « Twilight Zone », l’histoire est celle de la déchéance de notre humanité.
Vous connaissez certainement le livret de ce soap opera : Eve, la garce, présente la pomme à l’homme qui en croque, entraînant le renvoi du paradis et la chute sur Terre. Ici, la faute, c’est d’appuyer sur le bouton rouge d’une boîte à gagner des millions sauf qu’en même temps, on dézingue quelqu’un sur la planète. Indolore au début, sauf que on ne peut plus revenir en arrière et demander pardon. Et on est toujours le dézingué d’un autre.
Bon, sur le scénario, rien que de très biblique même si tout cela est évidemment raconté à la sauce hollywoodienne. La première partie du film est bien construite. Oppressante, l’intrigue renvoie bien à nos turpitudes, à nos pulsions. La deuxième partie, qui traîne un peu en longueur, est plus prétentieuse. On nous sert un spectacle d’inspiration raëlienne (avec envahisseur, fenêtre intra-temporelle, téléportation dans un emballage aquatique). Bradbury et Van Vogt n’ont qu’à bien se tenir. Et au final, une tentative de rédemption mise en scène dans un pathos trop pesant.
« L’enfer c’est les autres », dit l’espèce de prêtre qui sert « le maître de la foudre ». D’accord. Mais pas sûr qu’il était important de citer Sartre en début et en fin du film. Bon, après tout, pourquoi pas. Mais l’intellectuel parisien aurait-il été d’accord avec la fin ?
Je ne suis pas sûr d’avoir tout compris ! En gros, on nous dit, le mari c’est le bon, même s’il est solidaire dans le meurtre. Pour lui comme pour toute la famille (c’est-à-dire notre civilisation), pas de rachat possible, sauf à tuer la femme (!!!) ou laisser souffrir l’enfant !!! Même le suicide ne sauvera personne du désastre. Reste que Sartre (période communiste) aurait, me semble t-il, proposé une autre solution : buter le scénariste (ou le prêtre qui est ici le même). C’est lui le premier obstacle au rachat de notre liberté.
« Clones »
C’est un bon film d’action. Je l’ai trouvé intéressant. D’abord, Jonathan Mostow a complètement réussi l’adaptation du roman graphique « The Surrogates » de Robert Venditti et Brett Weldele. Les acteurs (Bruce Willis, Rosemund Pike, Radha Mitchell, Boris Kodjoe sont excellents, dans la version clonée (chapeau les maquilleurs !) comme en costume de ville !).
Le sujet, c’est la vie par procuration. Dans un futur pas si lointain, un Bill Gates de la robotique a inventé des clones beaux, intelligents, pilotés à distance par chaque citoyen, douillettement (sic) protégés chez eux, de tous les risques (accident de la route, agression, dépit amoureux …). Caricature ? Évidemment ! Mais sacrément prémonitoire.
Il y avait déjà « Le jour du seigneur », la messe en direct comme si vous y étiez, mais les fesses posées sur votre canapé. Il y a aussi le match du samedi soir où tous les sportifs de la terre jouent la partie en projection, pop-corn et Ricard à la main. Les tournois de tennis et les courses de F1 à la Wii. Et le voisinage, la drague, et la correspondance avec les milliers d’amis virtuels sur la toile (Facebook) plutôt que sur la place du village ! Demain est déjà là.
« Clones » prolonge les interrogations ouvertes par « Minority Report ». Le film donne du crédit à ce salopard de Philippe K. Dick (l’auteur de Paycheck), ce génial écrivain qui a tout anticipé. « Clones », c’est de la grosse production américaine qu’on ne verra pas en salle d’art et essais. Mais « La vie par procuration », c’est un vrai sujet de société.
2 Commentaires
Concernant District 9, je n'ai pas trouvé que l'origine alien de l'autre nuisait à la force de la démonstration. Je trouve même que ça remue pas mal de voir le brave ahuri détruire les oeufs avec une telle bonne conscience.
RC
Concernant District 9, je n'ai pas trouvé que l'origine alien de l'autre nuisait à la force de la démonstration. Je trouve même que ça remue pas mal de voir le brave ahuri détruire les oeufs avec une telle bonne conscience.
RC