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« L’Ile » de Pavel Lungin : un film russe admirable

img_blog_ile_lungin_030208 Le film est diffusé à Paris dans très peu de salles. Il sortira sans doute bientôt en DVD. Je recommande à tous mes amis d’aller voir cette œuvre étrange et magnifique. Pavel Lungin (Lounguine, en français !) s’exprimait le 9 janvier dans Le Figaro : « Le cinéma aujourd’hui est très formaté. C’est un cinéma de consommation… On n’avait pas mesuré à quel point la spiritualité reste profonde en Russie et combien les gens suffoquent dans ce monde de supermarchés. » Touché ! PL, l’auteur de « Taxi Blues » (1990) et « Un nouveau Russe » (2002), livre une œuvre qui, de Bergman à Tarkovski ou Werner Herzog, nous interpelle sur l’essentiel : le sens de la vie, la condition humaine, le poids de la faute et la nécessité du rachat… L’île : un groupe de rochers reliés par des pontons pourris et moussus, dans un estuaire de la mer Blanche. Une communauté monastique orthodoxe y prie autour d’une église en bois, érigée comme un amer fragile que délaissent les cargos en partance vers le large. Sa lumière est intérieure. Elle est douce, dorée, discrète et n’illumine que les cœurs d’une dizaine de pénitents. Et pourtant, toute l’humanité est là, hors les fastes et les apparences, avec ses obsessions, ses angoisses, ses lots quotidiens de jalousies, de tracasseries, et aussi de fraternité. D’ailleurs la ville ne doit pas être si loin. Chaque jour ou presque, une barque accoste et dépose deux ou trois silhouettes emmitouflées, transies par le froid, hommes ou femmes de toutes conditions sociales, portant sur eux le tourment de leur corps…et de leur âme. Veuves de guerre, femmes enceintes d’un enfant non désiré, handicapés de toutes sortes et jusqu’à la folie, ils viennent consulter le Père Anatoli (admirable Piotr Mamonov), un moine thaumaturge, qu’on dirait échappé d’un roman de Dostoïevski. Tel Diogène devant son gourbi, il vit près d’une chaudière, sur son tas de charbon. Charitable mais irritable, il écoute, guérit parfois, retient ou lâche de saintes mais violentes colères. On le sent dévoré par une culpabilité indélébile. « Pourquoi Caïn a-t-il tué Abel ». A tous ceux qui lui demandent de s’expliquer sur son irascibilité comme son dénuement, il répond par cette interrogation. Anatoli a refusé, une fois pour toutes, de tourner le dos à la faute originelle. Il n'éructe pas contre sa déchéance, il ne défie pas le sort. Il porte sa croix avec remords et douleur. Chaque jour, le regard du starets se porte vers l’horizon, vers le lieu de son crime. La mer y est plate, immobile et chargée d'un silence comme ceux qui accompagnent les reproches les plus accablants. Plutôt que de fuir cette culpabilité, il y puise une force régénératrice, une force qui le transforme. Il devient humblement, malgré lui, l'instrument de Dieu devant les hommes. Il fait des miracles au risque lui même de frôler la folie. « Pourquoi m’a-t-il choisi, moi qui ai péché ? ». C’est un film dépouillé. A l’image du radeau dans « Aguirre, la colère de Dieu » de Werner Herzog, l’île est l’habitacle silencieux d’une humanité qui cherche à s’élever. Lungin prend son temps. Il faut, pour rentrer dans ce film, calmer notre frénésie urbaine, trouver l’espace et le temps de rechercher une paix intérieure, une disponibilité. Il ne s’agit pas d’y voir une ode à la religion, au mysticisme russe. Les questions soulevées sont justement intemporelles. Dès les premières images, il se dégage de ce film, sans action spécifique, une énergie toute spirituelle. C’est d’une vie dont on nous parle. Aucune aspérité, aucun artifice ne vient troubler la quête du moine Anatoli. Dès le commencement, il dit sa condition de mourant. La caisse en bois, à l’entrée de sa chaudière, est son linceul. Il ne vit que pour le rachat de sa faute. Il n’attend que le pardon. « L’homme est un animal qui a honte et c’est très gratifiant, contrairement à ce qu’on pense aujourd’hui. En refusant la honte, on réduit la vie. Parce qu’il y a dans le sentiment de honte et de péché une force immense de régénération. Le film transmet cela. » C’est vraiment une œuvre profonde. Un film dont la beauté des images vous élève (des palettes de bleus, de verts, tantôt lavés par la fonte des flocons de neige, tantôt plombés par le gris de la roche ou assombris par la nuit nordique). Et ce feu : un feu permanent dans la chaudière qui mobilise toute l’énergie d’Anatoli. Le feu comme la foi, qu’il faut nourrir par tous les temps, comme un forçat. Et toujours la flamme qui dévore (purifie) les confortables « bottes de l’évêque où siègent les plus gros péchés du monde ». Elle réchauffe, entretient la vie et rassemble les hommes. Elle meurt avec eux. Troublant, mystérieux sans tomber dans le mysticisme, tout simplement beau : ce film est admirable, vous dis-je.

20 Commentaires

« L’homme est un animal qui a honte et c’est très gratifiant, contrairement à ce qu’on pense aujourd’hui. En refusant la honte, on réduit la vie. Parce qu’il y a dans le sentiment de honte et de péché une force immense de régénération."
+ 1, j'aime bien cette analyse...
je n'arrive pas acomprendre le decallage entre le critique d'art et l'amateur éclairé d'art, cela me depasse d'etre assez souvent contre tes positions et de recevoir avec enthousiasme un commentaire de BD ou comme ici de cinéma. le personnage en l'occurence le tien laisse perplexe.
ceci dit seul les gens de pouvoir peuvent commettre des fautes dignes de honte, et tu ne peux pas reprocher aux plus humbles de se divertir en attendant la mort, car il s'agit bien la de patienter jusqu'a l'ultime instant, ainsi va la vie, de l'occupation des esprits tourmentés, heureux les simples en esprits
Moi ça m'a méchamment donné envie de voir ce film, et ça me rassure un peu de savoir qu'on peut être un chef d'entreprise reconnu ET aimer le Beau.
C'est quand même une autre posture que celle de certains, qui collectionnent mais sont souvent attirés par la lumière...
J'ai regardé "mon premier" Werner Herzog sur Arte il y a peu : sorti des ricanements à domicile, j'ai été subjugué par le temps du film... lent peut être, envoutant à coup sûr.
Et c'est parfois dans la lenteur que se cache des délices : merci d'enchaîner les posts, et d'intercaler ces respirations, qui n'étonnent que les râleurs et n'enchantent pas que vos troupes ;-)
bonjour
Je m'exprime ici car c'est difficile de se faire entendre en temps que client qui se sent injustement spolié.Achats le 20décembre 2007 de cadeaux dans le magasin leclerc d'épinay s/seine 93800 (j'ai obtenu 40 euros sur ma carte leclerc),aujourd'hui le magasin me dit que j'ai perdu 40 euros,car au 1 er janvier elle est remise a 0. Sauf que dans le reglement ecrit sur votre site, on peut repporter les gains obtenus en décembre , sur l'année suivante.Que faaire quand le magasin ne veut rien entendre???
merci de me répondre.
Francis
ouais, chapoteau ce type est assez delire, j'avoue qu'il y a un certain talent, et que la, forcement il faut reconnaitre qu'il n'y a rien a gagner, ni a prendre,comment peut on taper sur la vache qui rit, pour apres faire un article purement désinterressé, la, mystere, Jeanus Bifront dans toute sa splendeur pour finir avec sa conclusion.
((JE suis un citoyen du Monde))Diogène.Lors d'une confrontation entre deux systèmes de valeurs,le conquérand du monde Alexandre ,rencontre le philosophe qui,ayand rejeté les richesses matérielles,préfère vivre comme un chien.((Ote-toi de mon soleil.))lui répondit-il lorsqu'il lui demanda si lui le maitre du monde pouvait faire quelque chose pour lui.Aucun philosophe,sans doute,n'a exprimé avec autant d'éloquence son mépris des valeurs matérielles.Ce père Anatoli nous fait pensé a Diogène,et il nous interpelle sur le fait que des personnes loin des artiffices,ont une valeur et mérite d'etre mis en lumière ,elles aident ,sans profit,des gens seulement avec leurs convictions et leur approches humaines.Merci,Mr Leclerc de ce commentaire sur ce film que j'irai voir,je penses que si on est séduit par un film philosophique comme celui-çi on est forcément quelqu'un de très ouvert .
ps :commentaire sur le film juste avant je n'avait pas eu le temps de signer.merci encore Mr Lelerc pour ce commentaire.A bientot
Bonjour Monsieur LECLERC
Je tiens tout d'abord à vous dire que je vous apprécie en tant qu'humain ainsi que votre force de conviction.
Je souhaite pouvoir entrer en contact avec vous pour vous exprimer mon sentiment sur le comportement LECLERC vis à vis de vos concurents.
Je ne suis pas du tout certain que vous soyiez au courant de ce qui se trame derrière vous sur le terrain.... et qui salit la réputation LECLERC en France.
Ce que je vous dis là a été constaté partout dans le pays : donc des ordres ont été donnés.
Je vous explique. J'ai 52 ans et je suis releveur de prix pour une société espagnole qui fait des relevés uniquement sur papier et pour statistiques. Une mission dure entre deux et trois jours. Or depuis peu nous ne sommes plus les bienvenus dans les magasins concurents à cause de votre comportement déloyal pour ne pas dire hypocrite et malhônéte si les faits sont exacts.....
J'essaie péniblement de sortir du chômage depuis 3 ans et à actuellement je ne peux plus travailler à cause de votre enseigne. J'aurais besoin de vous joindre - si vous acceptez de me parler - pour vous expliquer ce qui se passe et qui cause beaucoup de tord à la grande distribution et aux petits pions que nous sommes j'en serais heureux. Vous aurez l'occasion d eme dire pourquoi vous ne jouez pas le jeu de l'information loyale avec toutes les autres marques de la grande distribution. D'un coté votre enseigne déclare vouloir faire bouger les choses et d'un autre elle paralyse le système au point que des gens comme moi ne peuvent plus travailler. C'est aberrant pour rester poli.
Sans grands espoirs d'une réponse de votre part je vous adresse néanmoins mes salutations courtoises.
Jean-Michel KASSABA de Tarbes 06.99.00.67.44
L’austérité du propos le dispute à la redondance du discours. Le réalisateur se gargarise de longs monologues sur le thème de la rédemption du péché sans jamais trouver une idée nouvelle ou une originalité d’expression. Cette démarche pseudo-mystique, censée faire appel à notre spiritualité enfouie, conduit à l’ennui le plus profond, et seules quelques images d’une grande beauté nous sortent de notre léthargie.
Bonsoir,
Je n'ai pas vu le film mais cela donne envie.
En tout état de cause c'est sympa d'avoir l'avis d'un patron de groupe sur autre chose que son métier, l'économie, le prix des sardines et tout le tralala, important, certes!
Une bouffée de fraîcheur que j'ose croire authentique.
Continuez.
je viens de lire avec intérêt votre article sur le dernier film de Pavel Lungin. J'ai vu Luna Park (réalisé il y a une quinzaine d'années). ce film était violent, sans concession. J'en garde un souvenir mitigé. Je suis allée sur le site de promo de "l'ile" (promo, c'est beaucoup dire!). Le réalisateur dit avoir passé le temps des bouleversements et avoir "besoin de méditer sur les pbs de l'éternité, le pêché, la conscience". je vais suivre votre conseil, L'expérience me tente. Maintenant, il me reste le soin de trouver une salle qui le diffuse à Paris.... et il faut que je fasse vite! le genre de film ne reste pas longtemps à l'affiche.
NB : dans un genre différent, mais qui ne laisse pas indifférent, je vous conseille American History X de Tony Kaye avec Edward Norton.
Entre Bridget Jones (qui passe en ce moment sur TF1) et l'Ile, il y a un précipice... Mais bon il faut de tout pour se détendre. Vos critiques à propos de ce film ont retenu ma vive attention. malheureusement, j'habite la province et je crains qu'il n'ait pas une diffusion nationale très large. Comme vous le suggérez, le DVD ne devrait pas tarder à sortir. Une petite question, en passant, les centres leclerc ont ils enregistré une baisse des ventes de DVD avec les locations en direct sur la Free Box ou sur la Live Box d'Orange ? Remarquez, le choix est sommaire et aussi par les piratage sur internet ?
Continuez de faire partager vos expériences cinématographiques, c'est sympa!
une salariée du groupe.
Entre Bridget Jones (qui passe en ce moment sur TF1) et l'Ile, il y a un précipice... Mais bon il faut de tout pour se détendre. Vos critiques à propos de ce film ont retenu ma vive attention. malheureusement, j'habite la province et je crains qu'il n'ait pas une diffusion nationale très large. Comme vous le suggérez, le DVD ne devrait pas tarder à sortir. Une petite question, en passant, les centres leclerc ont ils enregistré une baisse des ventes de DVD avec les locations en direct sur la Free Box ou sur la Live Box d'Orange ? Remarquez, le choix est sommaire et aussi par les piratage sur internet ?
Continuez de faire partager vos expériences cinématographiques, c'est sympa!
une salariée du groupe.
Bonjour
Merci pour vos conseils avisés, j'essaierai d'aller voir le film.
En revanche, si j'ai plaisir à lire vos avis cinéphiles, je suis étonné que vous ne vous exprimiez pas ici sur le mouvement des caissières. Vous n'avez donc pas d'idée sur la question ? Ou votre blog n'est il pas le lieu pour en parler ? Et votre responsabilité personnelle, éthique et morale ? comment vous positionnez vous, à titre personnel, quand à cette problématique sociale ? n'est on pas allé trop loin ? quels gardes fous peut on instaurer contre les conséquences inéluctables de la concurrence sociale ?
Salut,
Une image dénudée, peut-être juste de sens.
Tchao M.E.L.
Ce film m'a profondément ennuyé.
Selon moi c'est un film raté.
pendant la séance une haine progressive est montée en moi,
j'avais hâte de quitter la salle.
Je déconseille à quiconque de voir ce film
j'ai eu l'impression de me faire avoir.
Merci Michel,
pour ton avis sur le film.
Je pense comme toi,
bien que ne l'yant pas vu.
(On est voisin : j'habite Irvillac
et malheureusement le film n'est pas arrivé à Brest)
Dés qu'il sort en DVD j'espère qu'on ne le manquera pas
Cdt
Yvon
j aimerais acheter le film l ile de Pavel lungin
merci de me donner des infos pour se procurer ce film
domi
Bonsoir Monsieur Leclerc,
Je vois que vous n'avez pas autorisé mon message à être ajouté aux autres... c'est bien triste, et j'ignore pourquoi, ai-je écris quelque chose qui vous déplaît, en ce cas, je m'en excuse, je n'en ai en tout cas pas eu l'intention volontaire. Je viens seulement vous dire que désormais nous trouvons de l'huile de Taybeh au Leclerc de Perpignan Polygone Nord, et nous en sommes ravis, surtout ma fille Béatrice qui en avait fait la demande par courrier postal au service consommateurs.
Je vous souhaite une bonne soirée,
M. Moncelon
Bonsoir encore. J'essaye une troisième fois depuis hier de vous écrire au sujet de votre commentaire admirable sur le film admirable : L'île. J'ai vu et revu ce film avec la famille. Je voulais en faire un sujet sur mon modeste blog, et au fait, comme votre article dit exactement ce que j'en pense, je me permettrai de mettre un lien vers votre page... J'aime beaucoup ce que vous dites à propos du feu toujours alimenté comme la foi. Bonne soirée, je vais quand-même essayer d'écrire quelque chose sur mon blog !

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