
Au cinéma
Elysée Biarritz,
mardi soir à Paris, Jacques Perrin était rayonnant. Le sourire toujours modeste, mais les pommettes hautes, le regard franc et les rêves d’aventure creusés à même le front. J’aime beaucoup cet homme-là. Dieu sait s’il m’a fait rêver !
Déjà producteur de «
Microcosmos » et «
Himalaya », réalisateur mythique de «
Le Peuple migrateur », il présente, en avant-première, «
Océans », son nouveau film documentaire.
Des prises de vues à couper le souffle. Monde sous-marin, champ de bataille aquatique tantôt vu du ciel, tantôt comme si le cameraman faisait corps avec le cétacé…des scènes extraordinaires !
…Comme cette escadrille d’oiseaux carnassiers plongeant en piqué sur un banc de sardines. Repus, ils reforment un immense nuage blanc sur la surface agitée de l’océan. On a à peine le temps de réciter un petit Deo gratias pour les poissons que, du fond de l’océan, surgit, comme une bombe, une baleine dont la proue agressive et gigantesque disperse dans son écume tous ces corps assommés. Ah, il en a fallu de la patience pour saisir cette scène inoubliable que, jamais, un truquage numérique n’aurait pu rendre aussi fantastique.
Jamais, d’ailleurs, il ne me semble avoir vu d’aussi belles scènes d’animaux, filmées de près avec autant de réalisme et d’émotion : l’accouplement de dauphins, la tendresse d’un morse pour son petit, la danse nuptiale de poissons (des thons argentés ?) dont le reflet métallique semblait contredire la capacité des animaux à sang froid à avoir le cœur chaud.
Et puis, il y a ces scènes extraordinaires : des milliers de crabes-araignées migrent vers une sorte de terre promise grande comme un stade de foot sous la mer. Les arrivages ininterrompus contribuent à l’édification d’un amoncellement effrayant de carcasses qui ferait penser à une énorme concrétion de César, mais un magma vivant emprisonnant yeux, pinces et pattes agités comme dans d’ultimes soubresauts.
Jacques Perrin et son acolyte, Jacques Cluzaud, ont créé là une œuvre magnifique. Mais il n’est pas facile, après quatre ans de travail et d’investigations autour de la planète, d’arriver à distribuer un tel film en passant derrière les productions militantes et hyper médiatisées de Yann Arthus-Bertrand ou de Nicolas Hulot. Les diffuseurs ne se bousculent pas et combler le budget ne va pas être aisé.
Alors Perrin lance à son tour ses filets. Mailles larges, ne blesser aucune espèce, promettre d’en sortir intact. Il a réuni, ce soir, ses complices du «
Crabe-tambour ». Il y a Jean Rochefort, avec ce sourire heureux permanent qu’on lui connaît. Et Pierre Schoendoerffer, merveilleux écrivain (
L’aile du papillon, Grasset), réalisateur de «
La 317e Section », de «
L’Honneur d’un capitaine » et dudit «
Crabe-tambour ». Pour l’occasion, il porte un pull marin, mais avec épaulettes s’il vous plaît. Ah, ils sont touchants ces vieux gréements, ils s’interpellent comme des gosses :
- J. Perrin : « Comment tu as trouvé ma grosse vague »
- P. Schoendoerffer : « Tu as fait plus fort que moi, je filmais du poste de vigie, toi c’est d’en bas que tu fais apparaître la proue au sursaut de la vague »
- J. Perrin : « C’était génial, l’hélico plongeait entre les deux murs d’eau, face et caméraman au vent, avec des rafales de 120 kilomètres/heure, pour être quasi en dessous du thonier au moment où il fend la crête. C’était un exploit, tu vois ? »
Tout juste arrivé du salon nautique où il présidait le lancement de la course de l’Edhec, le Quimpérois, Roland Jourdain, vainqueur de la transat, buvait du petit cidre. Simple, hyper modeste, il tenait à dire toute son admiration au réalisateur (et producteur de «
Tabarly »).
Le film sortira en janvier (je l’espère). A cette occasion, nos Espaces Culturels donneront un coup de main à la diffusion de trois livres édités au Seuil pour compléter le film.
- «
Océans, les petites histoires des fonds marins » (Albums Jeunesse)
- «
Océans, les secrets du tournage » (Docu)
- «
Océans », un livre magnifique de photos réalisées pendant et en parallèle du tournage.
Perrin a voulu du contenu. C’est à l’écrivain, Laurent Gaudé, qu’il a confié la rédaction des commentaires du film. Avis aux amateurs.
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