Entre polémiques sur les marges et débats sur le prix des médicaments, un temps de pause !
La pièce de Gérald Aubert est actuellement à l’affiche, au théâtre Edouard VII à Paris. Avec une mise en scène de Bernard Murat. Et dans les rôles : Pierre Arditi, Sylvie Testud, François Berléand.
Dans sa loge, il est comme sur la scène. Arditi est un peu fatigué (c’est sa deuxième séance dans la journée), mais il est généreux, attentif à ses visiteurs. Bel homme, beau parleur, il met à l’aise: « Mais rentrez donc, asseyez-vous, à boire ? ». Manifestement heureux d’être là.
« Sentiments provisoires » est une partie de campagne pour laquelle on a reçu une invitation. On y court sans problème, on a l’impression de connaître nos hôtes. Murat a conçu un décor à la Jean Renoir : tout en douceur, une clairière en forêt, du vert, du jaune, du brun, nous sommes en province, une zone rurale mais accessible aux habitants du 6
ème.
Et voilà, on est tous assis par terre. C’est comme si la famille Tchekhov ou les cousins Marivaux se retrouvaient du côté de Milly-la-Forêt, avec l’envie de se poser dans les bois. Mais c’est Harold Pinter qui passe le thermos.
Une comédie ? Ne nous fions pas aux apparences. Les répliques sont fines, le jeu des comédiens laisse place à quelques respirations complices, à des moments d’humour franc. Mais il pourrait y avoir du drame dans l’air si chacun ne jouait pas subtilement.
- Marc : «
Je te le dis comme on pousse un cri dans le désert : Félix, je t’aime ! »
- Félix : «
Dit comme ça, ça fout les jetons »
Ou encore :
- Marc : «
50 ans qu’on piétine la même herbe, Félix »
- Félix : «
Pauvre petite pelouse »
- Marc : «
50 ans qu’on piétine exactement le même brin d’herbe»
- Félix : «
D’accord. On piétine »
En fait, on nage au milieu des méduses. L’amour pique les ego. Et c’est plus tard, quand on frotte, que ça fait mal.
Arditi joue le rôle de Marc, le mari. Intelligent, cabotin, ironique, attachant. Ne voyant que lui, il ne voit rien venir. Le monde était construit pour lui, autour de lui, comme d’ailleurs ce rôle pour Arditi (dixit lui-même).
Tiens, justement, du couloir, Berléand et Testud pointent leur nez. En travers de la porte, le couple s’apprête à sortir. Ils ont le salut généreux. Il faut dire qu’avec Berléand, comme avec Arditi, c’est facile. Dans la vie, on partage l’amour du vin, de l’amour et des arts. Et justement, c’est le 9
ème Art qui devient le trait d’union momentané de notre courte discussion.
Tiens, je vois bien Berléand en personnage de Baru, en Pascin de Sfar, et même de Philippe Bertrand. Dans le rôle, il est poète, un peu mou, pusillanime. Viril dans la vie, il a forcé le trait pour apparaître grand garçon, l’ami qui attend son heure. Celle de la trahison justement : oh, rien de shakespearien : il croit piquer la femme de son copain, quoique ce soit plutôt la femme qui…
Sylvie Testud, elle, a un rôle plus difficile. De sa balançoire, elle doit, en une vingtaine de minutes, passer du stade de l’objet convoité à celui de la femme qui choisit. Sa liberté contre ses amours. Ses amours contre leur amitié.
Dans « Sentiments provisoires », c’est l’amitié qui gagne, mais on ne dit pas avec quelles blessures. On soupçonne seulement. Mais là, sur le palier, Testud et Berléand s’en vont vers la ville quand Arditi, lui, prend son temps. Dîner ? Boire ? Non, il faut récupérer pour demain, dimanche. Juste là, c’est bon de parler : « Un besoin maladif et malheureusement sans doute indestructible de plaire à tout le monde »
(a). Parler politique, art, mais avec légèreté : « L’esprit de sérieux m’emmerde ». Et sur une embrassade, il s’en va dans ce couloir, lonesome cowboy : « L’image des artistes s’efface avec le public qui les a connus »
(a).
(a) Citations extraites de « Femmes.com » (11/2009)
4 Commentaires
Une telle distribution des rôles donne vraiment envie de se plonger dans cet outil d'introspection individuel et collectif...
A bientot Mel et merci du tuyau.
Une telle distribution des rôles donne vraiment envie de se plonger dans cet outil d'introspection individuel et collectif...
A bientot Mel et merci du tuyau.