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Europe : Où est passé le plan B ?

Après le bal, la gueule de bois ! Comme d’autres, j’étais contre le principe de ce référendum. J’ai voté « oui » sans arrogance, et j’ai évidemment été déçu du résultat. Mais, démocrate, j’ai refusé l’esprit revanchard. En espérant tout simplement qu’après le « non » hollandais et les hésitations luxembourgeoises, le consensus l’emporterait pour retravailler sur un nouveau mode d’organisation. C’est ce qui va vraisemblablement se passer après le constat d’échec ce week-end. Mais contrairement aux prophéties des leaders du « non », c’est le modèle anglais qui va l’emporter. La démonétisation des positions françaises va enterrer, pour un temps, les projets d’une Europe sociale. Dans les crises, c’est toujours sur des projets plus pragmatiques que s’élaborent les consensus. Parce qu’ils sont tangibles et lisibles pour l’opinion. Parce qu’ils sont, de toute façon, nécessaires pour faire tourner les rouages d’une machine qui reste, pour les Européens, la seule voie possible. 1) La position française est démonétisée : Le « non » hollandais a élargi le cercle des boucs émissaires. Mais, ça ne changera rien. Dans la presse de toute l’Union Européenne que je parcours depuis le référendum, nous sommes sans cesse accusés d’avoir tiré dans le dos de l’Europe. Il y a bien sûr, dans ce discours, une part d’hypocrisie (le projet de Constitution était aussi une sorte d’examen de rattrapage, vu les critiques formulées après Maastricht et Nice, sur le caractère anti-démocratique des processus de décision européens). Mais voilà, c’est ça la politique : notre pays est politiquement mis à l’écart. Chirac porte sur lui toute la responsabilité. Il est rattrapé par les effluves de tous ses discours antérieurs, insuffisamment européens et incapables de préparer son électorat aux mutations de l’élargissement. Il est amoindri, « vieilli », campé « en Don Quichotte » (Coudurier dans Le Télégramme – 16/06), « carbonisé » (Pascal Aubert dans La Tribune – 20/06). L’activisme diplomatique autour de lui, ce week-end, faisait peine à voir sur les écrans. Tous mes interlocuteurs professionnels en Europe sont compréhensifs jusqu’à la condescendance : « Vous en avez encore pour deux ans avec lui, après, on vous retrouve… ». Les obsessions anti-libérales des Français ne font plus sourire. Dans les anciens pays de l’Est (comme en Pologne, dans toutes les interviews données par les leaders de Solidarnosc), il n’y a que déception et incompréhension à l’égard de la gauche française du non « incapable de comprendre que les libertés économiques font partie des conquêtes de la Liberté »… 2) Nouveau leadership européen : Tony Blair, du coup, joue sur du velours. En exigeant la ré-affectation du budget vers la recherche, l’innovation, la relance de la politique industrielle, il fait mouche. Et il fait terriblement mal quand il fait découvrir, même aux Français, les chiffres de la PAC et leur disproportion par rapport au nombre de paysans. Nos parlementaires, surtout ceux de la majorité, découvrent qu’il leur faudra bientôt plaider pour une re-nationalisation des aides à l’agriculture. Avec cette difficulté nouvelle d’avoir à le justifier auprès de l’ensemble des Français. Tensions sociales et fiscalité douloureuse en perspective… 3) Constitution et élargissement envasés : Schröder, menacé dans une vieille Allemagne en plein désarroi, ne viendra probablement pas au secours de son ami français. Il y a fort à parier que la droite germanique, bientôt au pouvoir, se ralliera au ticket anglais. Pour plus de réalisme, d’efficacité et de flexibilité. Le « modèle anglais » devient la « perspective anglo-saxonne », que semblent déjà défendre Italiens et Polonais, peu fédéralistes par tradition. La Constitution au rancard, le Président européen reste un colosse aux pieds d’argile. En l’absence d’un ministre des affaires étrangères et d’une vraie représentation présidentielle, on verra se multiplier les coopérations bilatérales, comme dans le domaine militaire : franco-allemande pour les brigades d’intervention, franco-anglaise pour les porte-avions, etc… Mais le processus d’élargissement est stoppé (est-ce un mal ?), l’UE revient à sa dimension économique. 4) Bilan d’étape : Du gâchis, assurément. Une catastrophe ? Je ne crois pas. L’Europe, telle qu’elle est, reste attractive et fédératrice (Cf. les concessions proposées ce week-end par les nouveaux états-membres). Mais, à 25, il faudra bien inventer de nouvelles règles de fonctionnement. Et puis, il n’y a aucune raison qu’on ne continue pas d’enrichir les politiques sectorielles (éducation, recherche, culture, etc…), comme dans le processus historique précédent. Il y a entre les pays beaucoup d’intérêts convergents. L’UE, contrairement à la caricature qu’on en fait, n’est pas qu’une zone de libre-échange ! Simplement, il faudra bien le reconnaître et le dire : il n’existait pas de plan B. C’était un mensonge. Ce n’est peut-être pas qu’une chimère. Mais si du vide politique renaît le débat, ce ne sera pas, au moins à court terme, sous leadership français. Dommage !

15 Commentaires

D'accord avec vous. L'Europe à la carte paraît se dessiner.
En revanche, sur l'élargissement, je ne serais pas aussi affirmatif. Une majorité parmi les 25 souhaite la poursuite du processus d'élargissement. Je ne suis pas sûr qu'il sera suspendu. Notamment, parce qu'aucun lien n'a jamais été établi avec la refonte des institutions.
Faut arreter un peu avec l'Angleterre. Ils se sentent très européens, ils payent plus que nous pour l'Europe, et il faut dire que s'ils payent plus que nous, c'est parce que leur pays n'est pas en faillite totale. On a déjà un pied dans la tombe et on continue à donner des leçons aux Anglais, au pape...
Ce qui ressort de ce référendum, c'est que l'on paye les pots cassés d'une constante française à déplacer les débats et du fait que les politiques se sont largement excusés par le passé de leur "réformettes" sous prétexte que c'est Bruxelles qui les imposait; sans expliquer que les décisions de Bruxelles ne pouvaient être valides qu'avec la signature de tous.
Ce qu'il faudrait arriver à comprendre, c'est également :
- pourquoi le terme libéral est à ce point péjoratif en France ?
- pourquoi la gauche française est engluée sur sa gauche ? au point de ne pouvoir offrir d'alternative comme cela se passe dans les autres pays ?
- pourquoi la droite s'arcboute sur des positions nationalistes (type Dupont Aignan), et n'assume pas un modèle d'économie libérale ?
"contre le principe de ce référendum"
c'est vrai, c'est tellement dangereux de laisser la parole à la -forcément ignare- populace, hein ?... heureusement que vous vous précisez "démocrate", on serait en droit d'en douter
Qui sont donc que ces 25?
Pour l'instant quand on dit l'europe patati l'europe patata...en gros on ne parle que des 6 plus gros ...et encore...
Alors là comme ça...de tête ...hein?
Moi je peux...
C'est d'ailleurs pour ça que je m'en fous de l'Europe...J'ai le droit non?
Et puis c'est un peu de la democratie à la louche tout ça non?Pas regardant de trop...car pas de leçon a faire non plus avec notre république bananière.
Vous m'énervez.
Je le dis.
Pronostics à court terme. Un peu léger.
En 1789, l'Europe faite de monarchies devait avoir une piètre idée de la France. Bon, c'est vrai Robespierre et sa clique c'était pas le paradis. Mais bon. Il y avait les droits de l'homme dans le package, non?
Alors si encore une fois le peuple français a tranché (aucun rapport avec la guillotine...), faisons confiance en l'avenir.
C'est dans la difficulté que naissent les meilleures idées, non ?
Les Francais on voté" non" parce qu'ils ne veulent pas se laisser mener par un système politique et économique archaïque.Arretez de nous prendre pour des imbécile (vous êtes tous dans le lot) : On veut autre chose, on veut autrement.
Arrêtons nos gérémiades. Ayons plutôt le courage de dire non a un fonctionement bancal. Essayons plutôt d'imaginer un monde meilleur.
Il y en a vraiment besoin, vous ne croyez pas ?
Ce référendum est une révolution des temps moderne,quand même et sans bain de sang, bravo la France!.
MEL, je suis sur que vu votre position, vous devez rencontrer des gens sains, aux idées nouvelles. Bref, un autre angle de vue. Branchez nous un projo dessus. On sait jamais, cela pourrait faire avancer le schmilblic de l'Europe. En tous les cas, pour vos lecteurs, cela nous encouragerait: aujourd'hui on ne croise que des pronostiqueurs, des gens qui se lamentent et d'autres qui vendent leurs âmes. Il doit bien y avoir un gourou ici bas, non?
Re MKE (21/06/05)
Poser des questions complexes par référendum, c’est :
1. de la démagogie. Surtout si l’on n’est pas capable soi-même d’être le meilleur pédagogue de la requête…
2. un plébiscite.
Dans ces deux cas, la démocratie n’a rien à y gagner.
Non, MKE, le référendum n’est pas toujours le summum des pratiques démocratiques. Et c’est pour cette raison d’ailleurs, que dans les grandes démocraties, même les constitutions n’ont pas été soumises à des votes populaires. La constitution américaine n’a jamais été soumise à référendum.
Dans le cas de la constitution européenne, je considère même que le choix de la pratique référendaire constitue une véritable démission de la part du gouvernement et de Jacques Chirac. Démission face au peuple, démission face aux mandats des parlementaires, bien plus aptes à apprécier la portée des traités que n’importe quelle assemblée populaire.
J’ajouterai enfin que le résultat d’un référendum n’engage jamais ceux qui l’ont organisé. C’est tout le problème de la légitimité européenne du gouvernement actuel.
Re JBP (21/06/05)
Vos questions sont excellentes et pertinentes. Je pars en déplacement quelques jours, et je me propose de réfléchir avec vous à des réponses. See you next week…
Re Gwendal (20/06/05)
D’accord avec vous. A force d’avoir fabriqué un attelage franco-allemand et de l’avoir porté sur le trône, on a suscité l’irritation des Anglais et entretenu la rivalité d’Outre-Manche. Nous n’avons plus de leçon à donner aux Anglais… Sauf sur la mer, où, Gwendal, nos grands voileux n’ont plus rien à apprendre de leurs voisins.
Re : Philippe Sierre (22/06/2005)
Philippe, si comme vous le souhaitez, nous voulons faire avancer le « schmilblic de l’Europe », la première urgence, c’est de ne pas se tromper de diagnostic, ni d’entretenir des chimères. Le travail critique sur l’opinion française est nécessaire. Il faut le faire sans arrogance, mais sans hésiter aussi à affronter l’opinion.
Regardez ce qui avait été pronostiqué pour les agriculteurs. Ils se prennent en pleine poire la remise en cause de la PAC. Vous dites que « dans la difficulté… naissent les meilleures idées. » Pour le coup, c’est peut-être vrai de l’ensemble des citoyens européens qui vont cotiser moins au budget de l’agriculture. Mais l’effet boomerang pour les agriculteurs eux-mêmes est dévastateur… Les scénarios alternatifs ne courent pas les rues.
Mais, globalement, OK avec vous. Comme vous, j’ai envie de retravailler à la construction d’un projet susceptible d’enthousiasme, d’adhésion. Le projet de constitution n’était de toute façon pas sexy.
Je vous promets : j’ouvrirai ce blog à toutes les personnes de bonne volonté que j’aurai l’occasion de rencontrer ou qui voudront apporter leur pierre. Des gourous ? Non, des volontaires…
Mais si il y avait un plan B
B comme Blair
Devinette :
Laurent, Marie-Georges, Olivier, Philippe, Henri, Jean-Pierre, Jean-Luc, Charles…
Lequel était le sous-marin de Tony ?
Il y a 6 mois c’était le non au référendum français sur la constitution européenne. On en beaucoup parlé jusqu’à l’été et puis on a un peu oublié.
En juillet je vous ai adressé par courrier mon projet d’album européen, destiné à présenter aux enfants et à leurs parents, des pays que l’on connaît plutôt mal que bien. Qu’en pensez-vous ?
Lettre ouverte à ceux qui ont voté NON.
> Bon, et on fait quoi maintenant ?
C'est con, moi j'voulais construire l'Europe.
Ca te dit d'aller cramer des bagnoles ?
Bon, d'accord mais apres tu me promets qu'on fera l'Europe hein ?
Et au second tour ?
Ah, tu penses que Sarko ne sera pas au second tour ?
21 AVRIL !
Ca commence bien, on m'a mangé la moitié de ma prose ...
Lettre ouverte à ceux qui ont voté NON.
+ Bon, et on fait quoi maintenant ?
- J'sais pas, j'y ai pas pensé.
+ C'est con, moi j'voulais construire l'Europe.
- Désolé, c'etait juste pour faire chier Chirac.
+ Ca te dit d'aller cramer des bagnoles ?
- Ouais, ca va faire chier Sarko !
+ Bon, d'accord mais apres tu me promets qu'on fera l'Europe hein ?
- Bien sur, d'ailleur, j'vais voter Besancenot au premier tour des presidentielles pour qu'on ai une gentille Europe pour les gentils gens et bien faire chier Hollande.
+ Et au second tour ?
- Ben j'voterai Segolene, ca fera bien chier Hollande.
+ Ah, tu penses que Sarko ne sera pas au second tour ?
- Hein, de quoi tu parles ?
+ 21 AVRIL !
- Ca m'ferait bien chier !
Salut Mel!
Revoilà un referedum mais cette fois pour les grecques.
Pour ne rien vous cacher, je ne comprnds pas le problème actuel. J'aI le souVenir d'un truc qui a été nommé le plan Marschall après la guerre de 1945... Faut il absolumet une guerre pour que les pays se soutiennent?
Comment expliquez vous cette situation et que faut il faire?
Est-ce un marronnier?

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