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Lance Armstrong : Le statut de l’icône

Je ne suis pas un adepte de la petite reine, encore moins du vélo à la TV. Enfant, je jouais au Tour de France sur les plages du Nord-Finistère. Les cyclistes de plomb qui arboraient déjà les marques des sponsors, avançaient au gré de la trajectoire des billes sur le sable mouillé… Mais depuis, je n’ai retenu des circuits que le nom de quelques héros victorieux ou malheureux : Louison Bobet, Poulidor, Anquetil, Merckx, Hinault. Il ne faudrait pas m’en demander plus sur ce sport… Ce week-end, cependant, j’avoue : j’ai été fasciné. Sept victoires dans le Tour pour Lance Armstrong, quel exploit ! Et quel athlète ! Son ascension a été fulgurante. Survivant du cancer, il me fascine par sa détermination, sa méthode, sa constance dans l’effort. Ca force le respect. Mais déjà, voilà que se délient les mauvaises langues. Puisqu’il ne sera plus en selle l’année prochaine, tirons donc sur le futur retraité. Les bouteilles de champagne ne sont pas encore éclusées qu’il est la cible de deux types de salves. Il y a d’abord les revanchards. A défaut de preuve, la rumeur fera l’affaire : un soupçon de dopage. « Jamais pris, intouchable, protégé par les autorités américaines… », que n’a-t-on entendu déjà. Je ne suis pas naïf, le milieu cycliste n’est pas tout blanc. Mais réduire la performance à l’adjuvant chimique, voilà qui est méprisant. Pour lui, mais aussi pour les autres, sur le podium. Oublierait-on que les seconds et les troisièmes ne sont qu’à quelques minutes du premier ! ! ! Les adversaires tirent donc en dessous de la ceinture quand bien même le cancer y fut déjà cruel, ravageur et possiblement meurtrier. Armstrong ira au procès comme il a gagné le Tour, sans passion apparente, avec méthode. Justement ! C’est sur le registre de l’affectif que d’autres entendent lui porter l’estocade : « inhumain, manque d’émotion, froideur texane » ! Et c’est vrai qu’à l’image d’un Bjorn Borg ou d’un Schumacher, il ne peut masquer sa distance. Dans le peloton, on ne se prive pas de relayer : « Je ne partirais pas en vacances avec lui » (Didier Rous) ; « Je n’ai pas d’affection pour lui » (Da Cruz)… La solitude des coureurs de fond perdure jusque sur les podiums. Il n’est que d’écouter la colère de l’écrivain Philippe Delerm (Fig Mag 23/07) : « Il mouline implacablement… et cette mécanique trop parfaite nous ennuie. Ses tapes dans le dos ont un petit air condescendant. Son regard reste dur… ». Comprendre, décrypter, mettre en relation ses qualités et défauts supposés avec la tactique du héros, voilà qui me passionne et interpelle tout homme d’action. Bruyneel, le manager de Discovery Channel, son équipe, balaye évidemment toutes les suspicions et les rancoeurs : « Ca atteint un point où cela ne nous touche plus ». Mais quand on creuse les propos, si nombreux dans les journaux, on trouve quelques clés… La pression, le stress forcent le rythme : « C’est une sacrée angoisse parce que tout le monde a les yeux posés sur vous… Deuxième, ça devient une défaite… Ce n’est pas facile quand tout le monde, les adversaires, les équipes, certains journalistes n’ont qu’un seul objectif en tête, qu’il perde » (Re Bruyneel). En le voyant franchir la ligne, je me demandais encore ce qui pouvait motiver cet homme, chaleureux envers les siens, mesuré dans ses relations sociales. L’argent, la notoriété, le plaisir. Tout cela, probablement, et il s’en cache à peine. Mais ce côté méticuleux, hyper professionnel ! C’est encore Da Cruz qui résume : « Il a agi comme un chef d’entreprise. Il a fédéré une équipe autour de lui et gère son parcours impeccablement ». Ce que souligne aussi son entraîneur : « Il est différent par sa force mentale, sa capacité à se préparer pour les objectifs qu’il a choisis, à ne rien laisser au hasard ». Alors, c’est vrai. Loin des facéties d’un Mac Enroe, de la gentillesse d’un Nastase, ou des mondanités de Tiger Woods, Armstrong « bûcheronne ». Gagner est son contrat. Du coup, il impose les exigences de cet investissement professionnel au Tour de France. Les nostalgiques s’en offusquent, ont des regrets. Mais n’était-ce déjà pas la marque d’un Bernard Hinault ou d’Indurain ? Et faut-il être à ce point aveugle, comme Philippe Delerm, pour fermer les yeux devant les caravanes publicitaires, la surenchère d’argent qui a transformé le Tour en un spectacle coûteux, en une tribune commerciale ? N’est-ce pas une sacrée hypocrisie que d’attribuer au seul L.A. cette dérive vers la « marchandisation » ? En fouillant encore dans les interviews (il ne faisait vraiment pas beau ce week-end), on pouvait lire ces quelques phrases de L.A., pudique tout autant qu’explicite : « Je voulais, malgré leur jeune âge, que mes enfants comprennent ce que je fais pour vivre… Je voulais courir en jaune pour eux, pour que la dernière image qu’ils gardent de leur père en tant que sportif soit celle d’un champion » (Le Parisien 2-4/07). Faut-il chercher plus loin une autre explication : « Lorsqu’ils guérissent, ces hommes sont transformés par cette terrible lutte, ils deviennent des combattants de la vie, ils prennent leur revanche sur ce corps qui les a trahis trop jeunes…Ils le soumettent, le dominent, le connaissent. Ils ont la rage, la rage de vaincre et celle de vivre » : c’est l’analyse du professeur Bernard Debré (Le Point 21/07). Cela voudrait-il dire qu’hors le malheur, la possibilité d’une telle performance ne sera jamais donnée à un être sain ? P.S. : Je signale une jolie BD « L’aigle sans orteils », Lax, chez Dupuis (collection Air Libre). La formidable et touchante aventure sportive d’un des pionniers du Tour, qui devrait plaire à Philippe Delerm. Mais cette histoire émouvante est-elle si éloignée de celle de L.A. ? couv_BD-Lax-Laiglesansortei

14 Commentaires

je suis comme vous, je ne connais pas grand chose au vélo.
ceci dit:
vous citez beaucoup de noms de sportifs, mais aucun de ceux que vous citez ne peut être comparé à L.A.
Ce dernier n'a jamais gagner qu'une seule course par an.
les autres gagnaient entre 50 et 70 courses par an.
C'est au mieux le champion du quartier! :-)
Bonjour,
Ce petit texte est intéressant... Lorsqu'on le voit si efficace, guerrier et maitre de tout, on oublie facilement ce que LA a vécu avant de gagner le tour. Il est vrai qu'en mettant ses performances en perspective, on se rend compte de l'ampleur de son (ses) combats.
"L’aigle sans orteils" : comme vous j'ai lu cette BD qu'on m'a offert dernierement, et je la trouve superbe, bien en phase avec les légendes des géants de la route.
Enfin, comme ce site aborde surtout les aspects de respect de l'environnement, et que nous (www.sudvelo.com) cherchons à promouvoir un cyclisme propre (au premier sens du terme) peut etre serez vous intéressés par notre action "Ne Jetez Plus !".
Chaque année, lors de cyclosportives "de masse" ou de grosses concentrations VTT, les routes et les chemins sont pollués par des rejets d'emballages, de bouteilles, etc...
Peut etre serez vous intéressé par cette démarche, pour laquelle nous cherchons des soutiens.
Bravo pour votre site/blog.
L'annonce concernant le salon du live de Courdimanche n'apparait pas.
Merci de me faire savoir comment on peut y accéder
Re Manu (27/07/05)
Est-ce que vous pouvez m’envoyer un petit doc concernant cette initiative ?
Michel-Edouard Leclerc
ACDLec
52 rue Camille Desmoulins
92451 Issy-les-Moulineaux Cedex
Re Bruno (27/07/05)
Parlons donc d’exploit, plutôt que de sportivité ! Mais, souvenez-vous aussi. Avant que de gagner le marathon, Mimoun avait gagné très peu de courses. Et Eric Tabarly est resté l’homme de la première transat. Pour autant, il n’avait pas gagné beaucoup de régates côtières lui non plus.
au risque de paraitre caustique (mes fameux sarcasmes ?), j'ai relu avec plaisir ce matin vos appréciations sur le fabuleux lance armstrong...
à l'insu de son plein gré ?
j'espere que maintenant que tout le monde sait que lance est dopé tu te sens très très con...
ça t'apprendra à être trop naif!
Re-AMA et Pierre (31 & 24/08/2005)
Allons ! ! ! Qui encore peut être naïf. Il est évident que les révélations du journal L’Equipe ternissent considérablement l’image d’Armstrong. Mais dans ce monde de dopés, chaque année pris la main dans le sac, je n’ai jamais cru à l’innocence des uns et des autres. Pour autant, et même si la morale en prend un coup, on ne me fera pas croire que la performance de cet homme est uniquement liée à la consommation de sa petite dope. Et me faire croire que derrière lui, les second, troisième et jusqu’au trentième, n’ont pas profité d’additifs, relève d’une bonne dose d’hypocrisie.
Non, décidément, à conditions égales, ce type-là possède une gnaque, une force, une détermination sans nulle autre pareille. Ne tombons pas dans la franchouillardise. Même ternie, la performance, sept fois répétée, d’un Armstrong super vitaminé reste très impressionnante.
Bonjour MEL,
je souhaiterais savoir si vous avez reçu le dossier concernant "Ne jetez plus" de sud vélo ?
Vous pouvez me répondre sur webmaster@sudvelo.com
Merci !
Bonjour à toutes et à tous !
Je n'ai jamais compris l'intérêt de certains pour les pratiques sportives des autres.
À mon sens, l'intérêt du sport vaut exclusivement pour soi, le but étant, grâce à une pratique fréquente, d'être en forme, en bonne santé et performant.
Amitiés à M.E.L. et aux autres.
François HENRY
Re Manu (15/09/05)
Non Manu, je n’ai pas vu ce dossier. Je vous fais contacter. A bientôt.
Bonjour Mel...
Toujours rien concernant ce dossier ?
Je peux ré-expédier un nouvel exemplaire, ou le mettre en ligne sur notre site. Dites moi ce qui vous arrange.
Manuel
Re Bonjour,
J'anticipe votre réponse... je place une copie du dossier ici :

www.sudvelo.com
Manuel
:-(
plus précisément
http://www.sudvelo.com/spip/IMG/pdf/MEL-doc.pdf
donc ici normalement
Merci
Manuel

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