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Marine Le Pen et la viande halal : une question pas très catholique

A propos du halal, il y a de vraies questions qui méritent débat et réponses. Il y en a d’autres qui ne sont que des postures, des tentatives de manipulation aux fins de fustiger une communauté ou de mettre en difficulté l’Etat. La manière dont le gouvernement et certains professionnels ont répondu aux affirmations de Marine Le Pen est d’autant plus délirante que l’introduction de cette polémique dans la campagne était prévisible et annoncée. Lorsque j’ai rédigé mon billet du 3 février 2011 sur la viande halal, je sortais d’une réunion avec des conseillers du ministère de l’agriculture qui nous avaient avertis de l’imminence du sujet, de sa récupération par l’extrême droite et des précautions à prendre pour lancer une gamme de produits halal. Que dit Madame Le Pen aujourd’hui? Elle dit : En Ile-de-France, les abattoirs pratiquent tous l’abattage rituel. Les musulmans consomment halal mais les non-musulmans aussi, sans le savoir, sans qu’il y ait un étiquetage particulier. Elle a tort pour ce qui est de la généralisation, elle caricature. Mais elle a tout de même raison dans une certaine mesure. Il est abattu plus de viande « halal » que consommée. Quand une partie de la viande halal n’a pas trouvé acheteur sur les marchés de gros, elle devient une matière première industrielle comme une autre (steak haché, plat cuisiné). Dans quelle proportion ? Des industriels disent dix pour cent, d’autres quinze pour cent de la production de certains abattoirs, mais bien moindre au niveau national. (Je tiens ces propos d’abatteurs. Je ne dispose d’aucuns chiffres agrégés et certifiés !). Est-ce que ça change quelque chose sur les plans sanitaire ou gustatif, sur la qualité des viandes ? Non, évidemment. S’il suffisait d’une prière pour changer une viande premium en « semelle » et vice versa, ce serait un miracle !  Le halal ne menace la santé de personne. Pour quelles raisons ces pratiques industrielles ? Pour des raisons économiques évidemment. Les industriels cherchent à standardiser les processus d’abattage et à éviter l’alternance des deux process (rituel et traditionnel) qui affaiblissent la productivité. C’est d’ailleurs aussi pour cette raison, tout autant que pour résoudre la question du « bien-être » des animaux que beaucoup d’industriels français réclament désormais (contre l’avis de certaines mosquées) de proscrire l’égorgement des animaux, sans étourdissement, comme en Suisse, en Suède, en Islande, en Norvège, en Australie ou en Nouvelle-Zélande. En reprenant à son compte les problématiques soulevées par les industriels, Marine Le Pen joue sur du velours. L’Etat ne sait pas répondre face à une communauté musulmane divisée sur le cahier des charges des certifications. Elle surfe surtout sur les sentiments d’une population non musulmane marginale (ne serait-ce que par méconnaissance du problème) qui voudrait obtenir une sorte de certification à rebours, garantissant que les viandes « normales » (sic) ne soient pas des viandes halal qui n’affichent pas cette particularité. Est-ce qu’un tel étiquetage existe ailleurs en Europe ? Je n’en sais trop rien. De telles querelles n’auraient jamais lieu en Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas. Une chose est sûre, les industriels ne veulent pas de ce double étiquetage. Aucun ne se précipite au portillon pour réclamer une mesure qui, selon eux, auraient l’air de diaboliser le halal, comme les certifications « non OGM ». Je comprends la difficulté. Pour autant, a-t-on épuisé le sujet de l’étiquetage en refusant de l’aborder. Et au fond, n’est-ce pas la logique de surproduction industrielle de viande halal qui devrait faire l’objet de contestation ? Pour ma part, je déplore que les responsables politiques, religieux et industriels n’aient pas fait une priorité de travailler ensemble à la résolution de ces questions. C’était l’appel intrinsèque contenu dans mon billet du 3 février 2011, la politique de l’autruche n’a pour seul effet que de laisser place à la récupération, à la manipulation de l’opinion, à la stigmatisation des communautés. On ne cherche pas à résoudre un problème pratique pour des raisons économiques. On nous oppose des querelles religieuses. Voilà qu’on hérite d’une querelle politique. Distribuant un tract Frontiste il y a quelques jours sur un marché, un militant m’avouait que derrière cet apparent « sujet de consommation », c’était en fait la participation obligatoire des non-musulmans au financement des mosquées qui était visée. Les produits halal continueraient à supporter la taxe prélevée lors de l’abattage rituel alors qu’ils sont commercialisés non halal ? On ferait supporter par les non-musulmans une partie du financement de ce clergé ? A ce stade, et plutôt que de laisser s’installer la confusion et l’incendie qui suivra, les candidats républicains ne devraient-ils pas reconnaître l’éventuel problème, quitte à le ramener à sa juste dimension (on n’est pas dans la gestion d’un risque sanitaire ou d’une pandémie) et s’engager à la nécessaire clarification des circuits.

53 Commentaires

J'ai oublié de dire que dans le Leclerc du 93, même la viande en "promo" dans le bac "premier prix" vient d'un abattoir non halal, ce qui est très honnête.
Je voudrais savoir si le Centre Leclerc de Saint martin de ré vend de la viande uniquement halal. Merci de me répondre, car pour l'instant je ne consomme plus de bœuf et de mouton.
Oui, il font tout halal, même le poulet label vert et la saucisse pur porc.

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