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Pétrole à 60 dollars : Faut-il baisser les taxes sur les carburants ?

img_Blog_060705_petrole La première vague de vacanciers est partie sans trop sourciller. Ça râlait un peu dans les stations-service, mais fissa, nach la côte, la société des loisirs et des 35 heures a boosté les Français hors les villes. Pas question de réduire le budget auto, encore moins le budget vacances. Pourtant la note est salée : 1,16 € le SP 95 ; le gasoil est à 1,04 €. C’est 10 % plus cher qu’en 2004, pour le premier et 22% pour le second. On n’atteint pas encore le niveau record de 2000 et 2001, mais on n’est pas bien loin. Problème : 50 % des ménages gagnent moins de 22 560 € par an. Le carburant brûle 6% de leurs revenus. Compte tenu de la stagnation prévisible du pouvoir d’achat (ma note du 5/07), faut-il alléger les taxes sur les carburants (77 % du prix)…pour que les Français puissent acheter autre chose ? Non, répond Thierry Breton. Il n’est pas question de rétablir une TIPP flottante, comme le demandaient plusieurs députés l’année dernière : « Le lissage des prix obtenu par la variation de la fiscalité est peu perceptible par les consommateurs ». J.F. Copé surenchérit : « La TIPP flottante est trop chère pour une efficacité trop faible ». Je partage l’avis des organisations écologistes et de quelques analystes (Goldman Sachs). Le pétrole va continuer d’augmenter. Il n’a pas encore atteint son niveau record de 94 $ le baril (deuxième crise pétrolière). Mais on y va. La priorité, c’est d’économiser l’énergie, pas de pousser à la conso. 1. La hausse du prix du pétrole me semble durable. Elle est structurelle. La demande de produits pétroliers s’accroît, l’offre n’est plus adéquate. Je tire ces informations de mes propres services. La société coopérative (SIPLEC) qui approvisionne les centres E. Leclerc et Système U est désormais le deuxième opérateur français sur les carburants. Nos cadres ont déjà vécu trois crises pétrolières. Ils ne croient pas aux prévisions de Morgan Stanley pour qui il va y avoir un ralentissement de la croissance mondiale et qui pronostique un prochain effondrement des prix. La demande ne cesse de croître. La Chine, l’Inde et les « dragons asiatiques » développent progressivement leurs parcs automobiles et leurs réseaux de transports (la demande chinoise, 8% de la consommation mondiale de pétrole, s’accroîtrait de 9 à 12 % par an). La demande américaine elle-même reste très soutenue, malgré la hausse des cours. Du côté de l’offre, les capacités de production tournent déjà au maximum. Certes, la production russe a pâti des défaillances de Youcos. Les dix membres de l’OPEP (hors Irak) produisent à plein régime. Seule, l’Arabie Saoudite peut encore donner un coup de fluide. Mais la consommation quotidienne mondiale est de 86,4 millions de barils quand l’offre ne dépasse plus 83,8 millions de barils/jour. Si l’hiver est dur, les prix s’envoleront encore. 2. L’impact négatif sur le pouvoir d’achat et les risques d’inflation (répercussions sur les transports et les matières plastiques) sont évidents. Pour le moment, ce sont surtout les professionnels qui sont touchés. Le fret et le transport aérien ? Jean-Cyril Spinetta, PDG d’Air France, rappelait que le surcoût de la facture carburant 2005/2004 représentait une augmentation de 33 % (en valeur, l’équivalent de toute une année de profits de la compagnie). Idem pour la plasturgie dont les coûts de matières premières (impactés par la hausse du dollar) représentent une augmentation de 7 à 10 %. Les ménages ? C’est surtout au début de l’hiver qu’ils feront leurs comptes. C’est le poste « fuel domestique » qui fera grise mine. En une année, les prix de vente moyens nationaux ont augmenté de 38,11 %. 3. Il aura fallu les deux précédentes crises pétrolières pour que les Français (industriels et ménages) découvrent les vertus des énergies alternatives et des économies de consommation. Le danger serait de relâcher cet effort. Il y a fort à parier que, dans les prochaines semaines, plusieurs parlementaires déposeront des amendements pour plaider la baisse de la fiscalité. Les centres E. Leclerc qui ont, depuis vingt ans, œuvré pour la baisse du prix des carburants, ne céderont pas à cette revendication facile, mais irresponsable. Ils plaideront pour des mesures sectorielles (agriculture, pêche, taxis, etc…), ainsi que pour des mesures de soutien aux ménages les plus pauvres. Non, il ne faut pas se bercer d’illusions. L’Américain Goldman Sachs table sur un baril à 105 $. La bonne réponse à l’augmentation des prix, c’est d’affecter la fiscalité au développement des énergies nouvelles. Nul doute que sur ce sujet, on débattra durement cet automne.

19 Commentaires

Ouhhh la... j'ai bien fait d'investir dans un vélo !!! Car m ême s'il pleut Esso j'ai Total confiance en ma machine sans etre jamais Antar à mes rendez vous
Dans une précédente note, vous nous disiez que les stations des hypers du finistère et de normandie étaient approvisionnées en bio-carburant, mais je n'ai vu aucune information à ce sujet en faisant le plein. Pourquoi ne pas débuter une logique positive, en lançant une campagne d'affichage dans les stations services, au moins celle qui en vendent? La conscience écologique du mode de transport pourra débuter, en espérant que cela ne prennent pas 10 ans comme pour le sac de caisse, que les habitudes des gens changeront :-)
Il faut changer nos habitudes.....;)
La voiture c'est bien mais on peut s'en passer. La marche a pied ou le vélo pour aller chercher le pain ou les enfants à l'ecole quand il fait beau, cela est économique ... pour notre porte-feuille et pour l'environnement.
De plus respectons les limitations de vitesse, nous consommerons moins.
Où est passé l'ancienne note (3-4 jours) qui abordait également ce sujet ?
Un débat était lancé dans les commentaires, et tous cela ont disparu.

Merci de m'éclairer sur ce point.
Florent :-) ... Exact ... debat perdu dans les inter-cours numeriques ?? ...
Re Tout le monde
Suite à un problème informatique, tous les commentaires postés hier en début de journée ont disparu. Fort heureusement, j'en ai une copie papier et je répondrai à chacun d'entre vous.
J'espère néanmoins que vos commentaires pourront être remis en ligne dès que possible.
A la suite de cerveau disponible (excellent le "Antar à mes rendez-vous" !) je n'ai également qu'un mot : vélo.
Il serait intéressant de commander une étude sur les habitudes françaises dans les transports et d'en déduire le nombre de trajets qui pourraient être effectués à vélo.
Et pourquoi pas une séquence télé sponsorisée (par Leclerc ?) aux heures de grandes écoutes sur les multiples utilisations du vélo ? Prenons exemple sur les Hollandais. J'ai vu des étudiants déménager leurs petits meubles avec leur vélo.
Dans le même ordre d'idée, la réhabilitation de la remorque pour vélo (une fois relookée par de grands designers) éviteraient sans doute beaucoup de déplacements en voiture. (Si j'en vois un qui reprend l'idée, qu'il soit sympa de me le faire savoir !)
Re Laurent Javault
Je suis bien d'accord avec vous.
Cela m'arrive souvent de faire des courses à vélo. Il suffit d'être bien équipé (et que le vélo le soit également).

Il y a eu plusieurs études sur la part des trajets qui pourraient être effectués à vélo.
On estime généralement qu'un tiers des déplacements automobiles est inférieur à 5 km, soit une distance largement faisable à vélo par une personne en bonne santé.
Re MEL
Je serai content de lire votre réponse sur les différents points soulevés dans les précédents commentaires.

Par ailleurs, je viens de découvrir votre itw que j'ai trouvé très intéressant. À lire sur le blog de Loïc .
Re Erosoft (07/07/05)
Il reste des séquelles des mauvaises publicités lancées dans les années 90 par les majors. A coups d’additifs, et en se référant à des tests qui paraissaient convaincants, ces réclames cherchaient à discréditer les carburants vendus moins cher dans les grandes surfaces : « Si c’est moins cher, c’est parce que ce n’est pas le même carburant ». Ou encore : « Le nôtre incorpore un anti-oxydant, un je ne sais quoi qui fait grimper vos pistons au septième ciel, alors que celui de Leclerc vous laisse en rade »… Il y avait aussi des labels, comme celui préconisé par l’UTAC, pour recommander des carburants qui permettaient « d’aller plus loin ».
Tout ceci n’a pas fait long feu, mais a laissé des traces.
Dans ces conditions, pas facile d’annoncer publiquement l’incorporation « d’esther de glycol » ou autre agent organique issu de l’agriculture, sans raviver des suspicions sur la qualité des produits (alors qu’il est normalisé évidemment !). Les compagnies pétrolières elles-mêmes hésitent à communiquer sur les carburants verts. C’est dire !
Dans nos stations, la prudence l’a emporté. Les ventes de biocarburants se développent bien.
(Je vous proposerai une petite note là-dessus cet été : état du marché, chez eux, chez nous…).
Mais, Erosoft, vous avez peut-être raison. Les temps ont changé. Les consommateurs sont plus matures. Je vais réfléchir à lancer une communication plus spécifique sur les biocarburants. On en reparle. Merci de votre contribution.
Re Tous (07-08-09/07/05)
D’abord, je précise à Florent : il y a deux débats. L’un, central, concerne le prix du pétrole et la politique de l'énergie. L’autre, qui a mobilisé mon groupe pendant 20 ans, c’est celui des marges sur les carburants. Ce dernier thème a perdu beaucoup de son importance relative. A la recherche de gains de pouvoir d’achat, les salariés n’avaient pas de raison de se laisser berner et de laisser trop de profits aux compagnies pétrolières. A prix de sortie de raffinerie identique, les Centres E. Leclerc ont apporté un peu de concurrence et permis de diminuer la ponction budgétaire opérée par les carburants dans le budget des familles.
Ceci étant dit, essayons de synthétiser vos intéressantes contributions. Je pense qu’on peut discerner deux raisons d’agir : la raréfaction de l’énergie bon marché et l’écologie (quel qu’en soit le prix !). La deuxième préoccupation fonde, plus que la première, une obligation d’agir de manière plus contraignante et collective.
1) La question de l’appauvrissement des ressources non renouvelables :
a) La demande va évidemment s’accroître (Cf. Florent). Il existe des politiques modératrices (économies d’énergie, productivité des moteurs, substitution des moyens de transports, énergies alternatives…), mais l’industrialisation et l’urbanisation de l’Inde, de la Chine, et d’autres « dragons » vont augmenter les besoins.
b) L’augmentation de la demande va donc booster les prix. 100 dollars le baril ? Probablement. On n’a pas encore atteint les niveaux historiques, ni des niveaux dissuasifs. Il existe d’ailleurs des possibilités de modération. N’oublions pas que c’est la taxe (77 %) qui rend l’énergie chère pour les usagers. On peut compenser l’augmentation du prix par la baisse des taxes. A court terme, c’est une gageure. A long terme, c’est faisable (je n’ai pas dit souhaitable !).
c) N’oublions pas non plus que la hausse des prix accroît l’offre potentielle. Elle permet la mise en exploitation de nouveaux gisements, et rentabilise des extractions plus onéreuses (les réserves sont énormes, même à coût élevé).
d) Enfin, les gisements de gaz sont encore insuffisamment exploités. L’augmentation du prix du baril rend leur exploitation intéressante.
Pour toutes ces raisons (« à la louche »), je ne pense pas que le simple impact du prix soit suffisant pour modifier nos stratégies et nos comportements. A cause de la ponction budgétaire, on changera quelques habitudes (vélo, transports en commun), je roulerai avec Citedarry et je serai à Champion dans la roue de Cerveaudisponible. Mais ne soyons pas naïfs. On continuera à produire et à vendre des 4x4, même à 60 dollars le baril.
2) La question de l’écologie : Elle me paraît fondée et urgente. Plus que la hausse des prix, ce sont les risques écologiques qui justifient une autre politique de l’énergie.
a) Le volontarisme peut produire des effets positifs (Cf. les mesures préconisées par Nicolas Hulot).
b) Mais il faut (Cf. Florence Jean) plus radicalement « conduire le changement ».
- Priorité aux formes de transport moins énergivores et avec moins de CO².
- Idem pour les équipements urbains (isolation vs climatisation, géothermie, panneaux solaires).
- Fiscalité plus incitative, normes plus contraignantes, etc…
Nous aurions bien besoin aussi d’un vrai écobilan du nucléaire. Incontestablement, il nous a rendus moins dépendants du pétrole et de l’étranger, mais pas de l’électricité. Au-delà des dogmes et des anathèmes, où en est-on sur ce dossier ?
3) En conclusion : Comme Florent, je crois à l’effet dissuasif de la hausse de prix (idem cigarettes), mais surtout sur les catégories sociales les plus pauvres. Je continue à penser que quel que soit le prix, il faudra limiter la hausse des marges (c’est mon boulot). A terme, on peut imaginer des aides compensatoires aux catégories professionnelles et sociales en difficulté. Mais il vaut mieux se servir de la fiscalité pour investir dans les énergies alternatives. Il me semble qu’on est tous d’accord ici. Il y a un risque politique. Mais David a raison, il faut être responsable et s’y mettre.
Amitiés à tous.
Bonjour,
Je touve ce débat sur les énergies très intéressant, et souhaiterais y apporter un commentaire qui j'espère ne sera pas redondant avec ceux qui ont disparu.
Nous sommes je crois tous d'accord pour affirmer que les pratiques des citoyens doivent changer pour "limiter la casse" (il me semble bien trop tard pour parler de préservation) en matière de grands équilibres climatiques. Mais je pose néanmoins la question suivante: la responsabilité de certains distributeurs n'est elle pas à évoquer quand on sait que certains primeurs ont parcouru plusieurs milliers de kilomètres entre leur lieu de production, leur lieu de conditionnement et enfin leur lieu de vente pour proposer au final des coûts plus bas que ceux des produits locaux ? Les externalités négatives de telles pratique sont nombreuses et ont un coût réel pour toute la société : pollution, encombrement des axes de communication, insécurité routière, perte de revenus pour l'agriculture locale, perte de rentrées fiscales pour l'Etat, et produit tout simplement moins au final car prévu pour "durer" et "sembler" plus que pour satisfaire nos palais.
le pétrole cher, très cher, oui et alors ?
il faut bien en passer par là, pour qu'il disparaisse en qu'on trouve autre chose, non ?
il est apparemment encore trop bon marché.
Le : 17 juillet 2005
De : ylubra@yahoo.fr
À : http://www.michel-edouard-leclerc.com/blog/m.e.l/
Objet : Faut-il baisser les taxes sur les carburants ?
Bonjour à tous,
D'abord, une réponse sur l'aspect "augmentation ou non des taxes" : Si vous lisez Jean-Marc Jancovici sur son site http://www.manicore.com/, il fait une analyse catastrophiste - que je partage - de l'effet de serre, mais la seule réponse qu'il donne est d'une part restaurer et amplifier une politique d'économie d'énergies comme dans les années 70 et, d'autre part, augmenter beaucoup le prix de l'énergie.
Si vous lui dites ce que vous dites, à savoir : "ce sont les pauvres qui vont en pâtir les premiers", il vous répond en substance "de toute façon, ils vont bientôt pâtir d'une hausse considérable du prix de l'énergie donc, il vaut mieux mettre en place une politique qui les déshabitue du pétrole gentiment tout de suite plutôt que cela ne leur soit imposé douloureusement et brutalement un peu plus tard".
Je vous laisse juge, mais je pense qu'il y a d'autres solutions.
En fait, mon intervention aurait pu trouver sa place dans bien d'autres sujets traités ici comme le développement durable, le commerce équitable, l'environnement, l'énergie et encore d'autres...
Sinon, je trouve ces échanges très intéressants et, pour une fois sur Internet, matures et dépourvus d'agressivité.
Sur le fond, pourtant, ils m'inquiètent un peu car ils reflètent la position la plus répandue par rapport à l'énergie et à l'environnement.
Hélas, cette position montre sans doute une prise de conscience, mais bien insuffisante. Il n'est pas question (et surtout pas nécessaire) de jouer les Cassandre, la réalité est tout simplement très inquiétante.
Avec l'autorisation de M. Leclerc, je voudrais lancer ici une information dont je veux faire un élément de débat. Vous vous rendrez vite compte que c'est vital à moyen terme. C'est éminemment politique, mais ne contient aucun message de politique politicienne. Comme vous l'allez voir et comme vous l'avez constaté lors des dernières campagnes, ces idées ne sont sérieusement travaillées par aucune formation politique de l'extrême gauche à l'extrême droite. Même si elles se défendent de cela, aucun résultat n'apparaît jusqu'à présent.
Pourtant, l'humanité est confrontée à trois menaces d'une gravité jusqu'alors inconnue : 1 - l'effet de serre et les changements climatiques qu'il induit, 2 - l'extrême pauvreté et les tensions qu'elle génère sur les équilibres géopolitiques et, depuis peu mais en rapide évolution, 3 - la fin du pétrole.
Je suis sûr que parmi vous, certains se disent "il exagère celui-là". Malheureusement, il y a des chiffres confirmés par les experts du monde entier et adoptés comme éléments de raisonnement par les organisations internationales et par les États qui suivent ces questions.
J'ai beaucoup travaillé ces différents points parce que je suis un fanatique de la filière énergétique "Huile végétale pure". J'ai écrit ma première note sur ce sujet en septembre 1989. Elle était destinée à mon patron de l'époque qui était un élu.
Bientôt 16 ans plus tard, rien n'a changé en ce qui concerne l'utilisation de l'huile végétale pure à la place du pétrole, mais tous les clignotants sont passés au rouge en ce qui concerne les trois périls que j'ai mentionnés.
C'est d'autant plus absurde qu'aucun obstacle technique ne s'oppose à l'utilisation massive de l'huile végétale pure. Ce dossier n'a aucun obstacle technique important, il n'a que des obstacles politiques. La meilleure preuve est que l'utilisation de ce combustible est autorisée en Allemagne et dans d'autres pays européens qui n'ont sans doute pas de compagnie pétrolière (ils n'ont que des distributeurs de carburants). Il y a peut-être l'exception notable de la Hollande où il y a Shell et où, je crois sans en être sûr, l'usage de l'huile est autorisé dans les véhicules routiers.
Et c'est encore plus absurde parce que l'huile végétale apporte des réponses positives aux trois questions angoissantes que sont l'effet de serre, l'extrême pauvreté et le remplacement du pétrole.
Non seulement ce dossier crucial n'a pas évolué, mais il fait l'objet de véritables manipulations pour l'empêcher de sortir au profit de l'ester méthylique (connu sous le nom commercial de Diester) qui est présenté comme un carburant vert alors qu'il ne l'est que très partiellement.
M. Leclerc, j'ai vu que vous le défendez par ailleurs. Je ne mets pas en doute votre sincérité. Vous croyez bien faire, mais vous êtes manipulé. Pourquoi ? Tout simplement parce que l'ester est compliqué à fabriquer et nécessite beaucoup d'énergie. De ce fait, il restera toujours cher donc on ne peut pas le mettre pur sur le marché, il doit nécessairement être utilisé en mélange dans de grosses quantités de gazole (maximum 30% d'ester) ce qui préserve le marché du pétrole tandis que la filière huile pure permet l'utilisation de 100 % d'huile de la culture à la pompe et dans le réservoir du véhicule ou de la chaudière.
Témoin de cela depuis toutes ces années, j'ai décidé de mettre sur le papier les éléments les plus significatifs de ce dossier. Ils tiennent sur une grosse vingtaine de pages faciles à lire. C'est en travaillant sur cet écrit que j'ai vraiment pris conscience, d'une part, de la gravité et du caractère déjà irréversible des menaces et, d'autre part, de l'inconscience généralisée de celle-ci y compris au plus haut niveau des États.
Par exemple, ce qui est stupéfiant c'est que notre président de la République, en 2002 est allé dire à Johannesburg "Il y a le feu à la maison et nous regardons ailleurs", ce qui correspond exactement à la réalité. Mais depuis, lui et nous, nous continuons à regarder ailleurs et maintenant, les flammes sont gigantesques. Parfois même au sens propre comme au Portugal qui connaît sa pire sécheresse depuis 60 ans avec les incendies de forêts subséquents.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de prendre connaissance de ce que j'ai écrit en vous rendant sur le blog que j'ai ouvert sur le site de France 2 : http://blog.france2.fr/LUBRANIECKI/. Vous y trouverez une présentation rapide de la problématique, une idée simple de première action et des liens vers les quatre sites où, à ma connaissance, mon document est publié sous forme .pdf.
Libre à vous d'en disposer, de le vérifier sous toutes les coutures et, si vous êtes convaincus, de le diffuser comme vous l'entendez. C'est fait pour ça. Je l'ai voulu comme un outil de travail. Il ne s'agit pas de le lire en diagonale et de le ranger dans un tiroir. Si vous voulez vous rendre utile, il faut d'abord connaître le dossier. Et vous, Monsieur Leclerc, vous avez des possibilités importantes car vous avez accès aux medias et car vous vendez du combustible.
Pour ma part, j'ai commencé à travailler sur les projets micro que je cite en fin de texte.
Si les politiques et ceux qui pourraient faire ne font pas, alors, allons-y ! 1ère étape : connaître et comprendre. 2ème étape : faire connaître et faire comprendre…
Ma note est conçue de façon à ce que le lecteur n'ait pas besoin de moi, mais, si vous avez des questions, je suis évidemment à votre disposition.
Merci de m'avoir déjà lu jusqu'ici.
Bien à vous.
YL.
Re Yves LUBRANIECKI (18/07/05)
Je ne connais pas la filière énergétique « huile végétale pure ». Aussi vais-je aller consulter votre blog. Merci pour cette information. Je demanderai à mes collaborateurs du secteur pétrolier ce qu’ils en pensent. En tout cas, je n’ai personnellement aucun tabou, ni obstacle, à étudier toutes alternatives innovantes au pétrole.
Personnellement, je ne suis pas catastrophiste. Mais vos propos s’ils sont justes, ne peuvent que nous stimuler et rappeler l’urgence des politiques alternatives d’énergie. Intervenez ici quand vous voulez. A bientôt.
Re 12 :11 (12/07/05)
Le problème est réel, mais pas de l’importance que vous évoquez. A part les zones urbaines qui sont desservies principalement par les Marchés d’Intérêts Nationaux, et des appels d’offres saisonniers qui permettent aux producteurs de regrouper leurs envois, la plupart de nos magasins s’approvisionnent dans leur terroir d’implantation.
Il est vrai que mon groupe n’a pas poussé la centralisation à outrance. Contrairement à d’autres, nous n’avons pas de centrale nationale de fruits et légumes. Peut-être perdons-nous de ce fait l’opportunité d’approfondir les gammes. Mais en tout cas, nous y trouvons une plus grande réactivité.
Je vous remercie pour votre réponse concernant ma remarque sur l'éloignement de l'approvisionnement en matière de légumes et fruits.

Pourriez-vous nous éclairer sur certaines notions éoquées dans votre réponse: qu'est-ce qu'un "marché d'intérêt national" et de quelle "centralisation" parlez-vous ?
Excusez-moi d'insister sur ces points qui me semblent fondamentaux. Pourquoi ne pas vous présenter comme une alternative à la méthode habituellement pratiquée par les hypers qui vise à rechercher les coûts les plus bas aux dépens du bon sens, c'est à dire des fournisseurs locaux ?
Tout le monde y serait gagnant, vous pour votre geste envers l'environnement et les producteurs locaux (bénéfique en terme d'image), et le consommateur, pour la qualité des produits (qui n'auront pas à subir la dégradation liée à l'alongement du temps de transport), si tant est qu'il puisse s'abstenir de fraises à Noël !
Re Antoine (29 juillet 2005)
Les marchés d’intérêts nationaux regroupent, par exemple à Rungis, des professionnels, en général des grossistes, qui achètent de grandes quantités de produits aux fournisseurs locaux. A leur tour, les restaurateurs, les collectivités locales, les commerçants de détail, viennent s’y approvisionner.
Cette intermédiation permet de regrouper les commandes, de faire des économies de coût de transport. Et pour les détaillants, elle offre la possibilité d’un réapprovisionnement journalier, sans qu’il soit nécessaire de stocker des quantités importantes.
Certaines chaînes de distribution (Casino, Intermarché) ont décidé d’intégrer cette fonction de grossiste, en centralisant via des entrepôts, leurs achats de fruits et légumes. Cela leur permet d’acheter des trains entiers, (en tout cas des wagons entiers), de melons, de pêches, aux meilleures conditions. Les produits sont ensuite « ré éclatés » vers les magasins.
L’économie générale du système n’est pas contestable. Elle est la même que pour les marchés d’intérêts nationaux ou régionaux.
L’inconvénient, que vous souleviez, réside, pour certaines productions, dans une certaine gabegie de transport. Ainsi, les melons de Cavaillon transiteront éventuellement vers Paris, avant d’être redescendus vers la région de Valence (par exemple).
Voilà, Antoine, ce que je peux vous répondre. Attention, ne tombez pas dans la caricature. La recherche du prix le plus bas ne se fait pas forcément « en dépit du bon sens ». C’est aussi une question d’opportunité. Lorsque nous achetons des fruits et légumes, le marché est régi par un cours. Celui-ci a des hauts et des bas. Il varie en fonction de l’offre et de la demande. Celui qui achète au cours le plus élevé se fait forcément « avoir » par rapport à celui qui a acheté au plus bas. Dans cette histoire, ne l’oubliez pas, c’est le consommateur, au final, qui fait son choix.
L’une des manières d’augmenter le revenu des agriculteurs, c’est d’être moins dépendant des cours. C’est tout l’intérêt d’une politique de labellisation, ou la recherche d’une production de qualité supérieure.
On ne parle plus de cours du vin, pour déterminer le revenu de la viticulture. Les producteurs qui ont investi dans les terroirs, dans la qualité de leurs produits, et qui ont créé des appellations, reçoivent une rémunération supérieure au cours moyen. Cette politique là ne dépend pas que du distributeur. Elle est aussi l’affaire des producteurs eux-mêmes qui doivent s’organiser pour sortir de la banalisation des marchés.

Bonjour à tous,
Merci M. Leclerc pour votre réponse du 25 juillet 2005.
J'étais sûr que vous ne connaissiez pas la filière HVP (huile végétale pure) car très peu de décideurs la connaissent.
C'est le résultat de cette volonté délibérée dont j'ai parlé de la part des pétroliers et de leurs partenaires du monde agro-industriel et des gros agriculteurs.
Tout le monde connaît l'ester méthylique d'huile végétale, personne ne connaît la filière HVP qui est pourtant incomparablement plus intéressante pour tous.
Une part importante de ma démarche vise justement à faire comprendre qu'il est de l'intérêt de tous (y compris des pétroliers) de développer au plus vite une grande filière HVP mondiale.
Le problème est que je suis beaucoup trop petit pour appuyer sur le bouton de la sonnette…
Je suis content de pouvoir vous parler en direct par ce blog car je pense que vous, M. Leclerc - quand vous serez devenu "catastrophiste" comme moi -, vous serez capable de mettre autour d'une table les acteurs nécessaires au plus haut niveau national pour que la France change enfin d'attitude et commence à jouer un rôle moteur en Europe et dans le monde au lieu de freiner des quatre fers comme elle le fait aujourd'hui.
Pour devenir catastrophiste, ce n'est pas difficile, vous lisez les premières pages de ma note "Énergie et développement sans augmentation de l'effet de serre" et vous allez sur les sites que je mentionne notamment celui de Jean Marc Jancovici déjà cité…
Sinon, sur un plan plus politique, vous voulez un exemple de la stupidité de ce dossier ?
J'ai en main une lettre d'un ministre de l'industrie français qui dit en substance : "Nous connaissons la filière huile pure. C'est très bien, mais nous ne pouvons rien faire. Il faut que les industriels décident de s'y engager pour que nous fassions quelque chose".
Et j'ai une lettre du PDG d'un grand groupe automobile qui dit : "Nous connaissons la filière huile pure. C'est très bien, mais nous ne pouvons rien faire. Il faut que les politiques décident d'autoriser l'utilisation de l'HVP comme carburant pour que nous fassions quelque chose" et ces lettres datent d'une douzaine d'années...
Dans le même ordre d'idées, j'ai encore dans l'oreille la phrase d'un ministre lorrain me disant : "C'est très bien vot'truc, mais ça arrive trente ans trop tôt !". Moyennant quoi, il n'a pas levé le petit doigt pour amorcer quelque tentative que ce soit...
C'était aussi il y a une douzaine d'années.
Alors, maintenant qu'il est trop tard, peut-être va-t-on faire quelque chose ?…
Vous dites que vous ne connaissiez pas la filière HVP ?
Allez donc sur le site de l'agence de protection de l'environnement de l'État de Californie (http://www.calepa.ca.gov/ then Climate action team).
Vous verrez qu'ils ont un avantage sur vous : ils sont déjà catastrophistes.
Ils ont pleinement conscience du danger que représente l'effet de serre. Ils décrivent très bien ce qui va se passer chez eux (sécheresses, tempêtes, incendies, montée des eaux, etc.) et manifestement, eux non plus ne connaissent pas la filière huile brute. Ils parlent de "biomass" et de "biofuels", mais, sauf omission dans ma recherche, il semble bien que cela vise l'alcool et l'ester, pas l'huile pure.
Ils misent beaucoup sur l'hydrogène, mais ils n'expliquent comment ils vont le fabriquer…
Enfin, puisqu'il faut bien parler de la fin du pétrole, juste une anecdote : j'ai mis à peu près deux ans pour écrire cette note "Énergie et développement…". Quand j'ai commencé, les experts pessimistes voyaient le peak oil pour dans 20 à 25 ans (il s'agit du moment où, définitivement, la demande de pétrole dépassera l'offre). Aujourd'hui, si vous allez sur les sites que je mentionne dans ma note, vous verrez que certains le voient pour 2008.
Il y a peu, j'ai pu échanger quelques mots sur ce sujet avec un grand industriel français de l'automobile. Il disait tenir de "spécialistes" l'assurance que du pétrole, il y en avait encore pour un siècle !…
En tout cas, ce qui est sûr, c'est que dans trois ans ou dans un siècle, il faudra bien trouver une énergie de remplacement et il est aussi sûr qu'il n'est pas question de pouvoir continuer impunément à rejeter dans l'atmosphère 24 milliards de tonnes de CO2 par an pendant un siècle (sans compter que ce chiffre annuel déjà impressionnant est en augmentation exponentielle).
Pour ma part, je suis certain que rien n'est plus facile à faire que de passer du pétrole à l'huile végétale non modifiée. Tous les autres prétendants à la succession sont loin de présenter les mêmes avantages.
Donc, il y a fort à faire de par le vaste monde ! C'est quand j'ai pris conscience de ce hiatus que j'ai décidé de devenir fou.
M. Leclerc, si ça vous chante, venez me rejoindre.
Au moins, vous, quand vous prendrez votre téléphone, on vous écoutera...
Mais, attention ! Ce n'est pas parce que cet outil énergétique est vraiment fabuleux qu'il suffit de modifier les voitures et les avions pour que tout soit joué. Il s'en faut de beaucoup.
Il y a de gros écueils à éviter, vous l'avez peut-être vu dans mon blog :
1 - il faut convaincre les pétroliers, mais, ça, ce n'est pas difficile. Quand ils auront compris qu'ils pourront gagner autant de fric avec l'huile qu'ils en gagnent avec le pétrole, vous n'aurez pas fini votre phrase qu'ils seront déjà parti ajouter une cuve à leurs stations-service.
En réalité, j'exagère car cela ne sera sûrement pas aussi facile. Aujourd'hui, les pétroliers sont sur un autre plan qui consiste à capturer le carbone émis par l'industrie et à l'injecter dans les puits de pétrole. Cette technologie n'est pas encore tout à fait au point, mais elle progresse, elle est déjà en stade quasi-opérationnel au Canada. Elle présente un double revenu gigantesque pour les pétroliers : 1 - celui lié au marché des émissions de carbone qui est très prometteur et 2 - celui de la poursuite de l'exploitation des puits jusqu'à la dernière goutte d'un pétrole à 100 dollars et plus, beaucoup plus.
C'est sans doute là que se trouve l'explication du siècle restant dont parlait notre capitaine d'industrie de tout à l'heure et c'est sans doute là que se trouve la cause de l'obstination de notre ami W à ne pas vouloir signer Kyoto. Ceux qui s'imaginent qu'il fait ça parce qu'il est stupide se trompent lourdement.
Là où lui se trompe, c'est qu'il sous-estime gravement les conséquences de l'effet de serre (quoiqu'il donne un peu l'impression de vouloir changer en ce moment…).
Le carbone fossile réémis par les transports ne peut pas être capté et, malgré le stockage d'une partie des émissions, le passage aux 500 ppmv va finir par arriver et il sera très très dur. Même pour les multi-milliardaires…
2 - il faut imposer de façon incontournable des pratiques culturales non polluantes sinon le remède sera pire que le mal et il vaut mieux arrêter tout tout de suite. Et imposer ça, et surtout vérifier le respect de cette règle, seront très difficiles...
3 - il faut pratiquer les échanges d'huile et de graines selon les règles du commerce équitable sinon les pays les plus pauvres vont se retrouver colonisés et exploités comme "au temps béni" et une partie importante de l'idée perdra tout intérêt.
Pour ces deux points (2 & 3), il faut un cahier des charges incontournable. C'est tout à fait possible, mais il faut une volonté politique forte.
Si vous connaissez des hommes politiques forts, courageux et intelligents, c'est le moment de les montrer (Non, je plaisante, je ne vous demande pas ça. À l'impossible nul n'est tenu ! et puis, si des gens comme ça existait, il y a longtemps qu'ils seraient au pouvoir).
Au passage, cette idée de cahier des charges me fait penser au débat que vous avez par ailleurs sur le bois équitable. Cela se présente de la même façon.
Entre parenthèses, je ne suis pas du tout convaincu que vous ayez raison de renoncer à protéger les espèces de bois menacées (comme le teck) sous le prétexte que beaucoup de pauvres gens en vivent. Là aussi, c'est un débat comparable à celui de la hausse du pétrole pour les plus pauvres. De toute façon, quand il n'y aura plus de bois, il faudra bien qu'ils fassent autre chose. La différence réside ici dans le fait que, si vous laissez l'espèce teck ou d'autres essences disparaître, vous ne donnerez pas plus de travail aux pauvres mais vous porterez une atteinte importante à la biodiversité. Et quand on voit déjà ce qui l'attend avec les changements climatiques, la pauvre…
Il existe pourtant des solutions : dans un des deux villages guinéens ou mon association, l'A.K.G.N., travaille, nous avons planté des dizaines et des dizaines de manguiers pour donner de l'ombre dans les rues et pour les fruits. Et bien, en plus, il y a du bois. Un bois sans doute moins noble, mais qui convient très bien pour les meubles. Ce serait peut-être plus intelligent d'utiliser ce type de bois, bien apprêté, plutôt que le teck si lent à mûrir. Même remarque pour le tronc du palmier guinéen, gros producteur d'huile et bon puits de carbone pendant 25 ans.
Bonne fin de vacances à tous à ceux qui y sont encore !
YL.
Face à ces augmentations gasoil, outre les discussions nécessaires sur la diminution des taxes, avez vous en tant que représentant d'une grande enseigne commerciale passé des consignes pour que vos responsables achat prennent en compte l'impact gasoil sur les prix de vente des produits de vos fournisseurs ?
Re- Fred (18/08/2005)
Bien sûr, nos acheteurs tiennent compte de l’augmentation du prix du gasoil dans les coûts de transport de nos fournisseurs et de nos prestataires. C’est beaucoup plus difficile, en revanche, d’en étudier les effets lorsque le fournisseur n’est pas transparent et fond l’information sur le prix du transport dans le prix global de l’article.
Oui, je partage tout à fait cette vision réaliste: la demande ne diminuera pas.
Qu'on se rappelle -si l'on peut - le premier choc pétrolier de années 73 (?). Il a généré une prise de conscience de la nécessité des économies d'énergie. Un résultat remarquable en quelques années seulement.
Et puis on a tout oublié. Il faut recommencer.Et sévèrement cette fois-ci.

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