SOCIÉTÉ Actus / Débats

Pouvoir d’achat en quasi-stagnation en 2005 (Prévisions BIPE)

Il y a deux ans, j’avais lancé une polémique qui avait fait quelque bruit dans le Landerneau politique. Les consommateurs s’irritaient de l’inflation des prix et de l’impact négatif sur le pouvoir d’achat. Le gouvernement faisait la politique de l’autruche et se réfugiait derrière les statistiques de l’INSEE. Ce qui m’avait amené à contester la pertinence des indicateurs officiels. Plutôt fiables quand il s’agissait de suivre l’évolution du revenu disponible des ménages, ils sous-estimaient le poids des charges contraintes (les dépenses auxquelles on ne peut échapper) dont l’évolution grevait le pouvoir d’achat effectif des Français. 1) J’avais demandé à mon groupe de financer une recherche : analyse critique des indices retenus pour la comptabilité nationale, et confection d’un nouvel indicateur, plus réaliste, en phase avec le comportement des consommateurs. Le BIPE (Bureau d’Etudes dont la crédibilité n’est contestée par personne) a procédé au calcul du pouvoir d’achat effectif des consommateurs français. Comme l’INSEE, il a comptabilisé les différentes composantes du revenu disponible (revenus d’activités et du patrimoine, transferts sociaux moins impôts). Mais il en a soustrait les charges incompressibles : remboursement de crédits habitat et conso, loyers et charges liées au logement, assurances obligatoires et transports collectifs. Une fois ces dépenses défalquées (39 % du revenu), on en déduit le pouvoir d’achat effectif (le pouvoir de dépenser) de chaque Français. C’est au vu de ces calculs que nous avions pu affirmer que le pouvoir d’achat avait baissé en 2003 (moins 1,2 % au lieu de plus 0,4 % INSEE) et faiblement augmenté en 2004 (0,3 % au lieu de 1,4 % INSEE). 2) Je vous livre en avant-première les estimations BIPE/E. LECLERC pour 2005. a) Le pouvoir d’achat effectif des consommateurs sera en quasi-stagnation cette année (0,1 %). Certes, le revenu brut disponible va augmenter de 3 % (notamment grâce au poste « prestations sociales » (4,4 %), et de l’augmentation du SMIG). Mais ces gains vont être presque intégralement « mangés » par l’augmentation des loyers (5,3 %), des charges liées au logement (4,7 %) et des assurances (6,6 %). b) Cette évolution globale masque une forte baisse du pouvoir d’achat des agriculteurs (-0,4 %), des artisans et commerçants (-0,9 %) et des cadres supérieurs et professions libérales (-0,6 %). 2005 sera une année noire pour les classes moyennes. c) Par tranche d’âge, ce sont les Français de 45/54 ans qui seront les plus touchés (-0,3 %) par le ralentissement conjoncturel. d) Enfin, ce sont les couples sans enfant (-0,5 %) et les personnes actives vivant seules (-0,7 %) qui « rameront » le plus. 3) La qualité de ces chiffres n’est pas contestable. En réplique à nos campagnes de communication, l’INSEE communique désormais sur un autre indicateur, l’indice du niveau de vie par unité de consommation. Celui-ci tient compte de la démographie de chaque foyer. Mais si l’on met en perspective les trois indicateurs dont nous venons de parler : img_blog_050705_graphique_d.jpg On peut retenir ces deux constats : a) En ne prenant pas en compte les effets des charges contraintes, les indicateurs officiels optimisent énormément la situation des Français. (Question subsidiaire : jusqu’où aveugleront-ils le discours politique ?). b) Vu notre indice BIPE/E. LECLERC, les professionnels du marché de la consommation ont du souci à se faire et les ministres des finances vont pouvoir réviser, encore une fois, leurs prévisions de croissance.

9 Commentaires

quelques remarques :
1 - que les indices "agréés" soient optimistes, c'est normal : je vais bien, tout va bien...et les discours politiques sont forcément en phase avec leurs auteurs et leur vision est partielle et partiale.
2 - que les professionnels de la consommations soient inqiets, c'est humain, et vous en faites partie non ?
3 - que les prévisionnels soient obligés de réviser leurs chiffres, la population s'en moque...
une dernière réflexion : que les tranches intermédiaires soient le plus touchées est normal , on préserve les tranches inférieures pour éviter tout mouvement social, et les tranches supérieures se gavent de ce système libéral de la société.
Lors de la première parution de l'indice BIPE, on a beaucoup reproché à Leclerc de vouloir dramatiser la situation économique. Force est aujourd'hui de reconnaître que la direction choisie par le BIPE de soustraire les dépenses contraintes du pouvoir d'achat des ménages était la bonne. En clair, le BIPE ne dramatise pas vraiment la situation économique ! Peut-être même nous sert-il une vision encore insuffisamment réaliste... En effet, en ne retenant que la notion de transports collectifs, le BIPE oublie ces millions de Français qui tous les jours utilisent leur automobile dans le seul but d'aller travailler. Et devinez ce qui arrive à ces millions de Français ? Ils subissent une extraordinaire envolée du prix des carburants à la pompe. Autant dire que les quelques euros supplémentaires qu'ils dépensent à chaque plein diminuent d'autant leur pouvoir d'achat réel. Preuve encore une fois que le véritable pouvoir d'achat est bien la différence entre le revenu global du foyer et les dépenses "subies".
Re dauvers (06/07/05)
Tu as raison, Olivier. Dans les réunions de travail que nous avons eues avec le BIPE, il a été question d’intégrer les frais liés à l’automobile pour « peaufiner » l’appréciation de ce que l’on appelle les dépenses « contraintes ». Les statisticiens n’ont finalement pas retenu cette proposition, pour deux raisons :
1- En milieu urbain, plus de la moitié de la population est en mesure d’arbitrer entre transports collectifs et utilisation de la voiture personnelle. D’une certaine manière (un peu conceptuelle, j’en conviens), on ne peut pas dire que les dépenses de carburant sont vraiment incompressibles.
2- A contrario, si l’on avait retenu ce poste dans les dépenses incompressibles, un tel raisonnement aurait pu jeter le discrédit sur notre méthodologie.
De toute façon, ta remarque apporte de l’eau au moulin du BIPE. L’intégration du poste carburant ne fait que diminuer présentement le taux d’augmentation du pouvoir d’achat. Et si l’euro continue à perdre de la valeur par rapport au dollar, je ne te dis pas la ponction sur les budgets… à la rentrée !
Re pierre (05/07/05)
Deux commentaires :
1- Non, pierre, la population ne se moque pas des prévisions de croissance… Elles jouent un grand rôle dans la négociation des augmentations de salaires, dans les conventions collectives notamment.
2- C’est la première fois, depuis vingt ans, que les classes moyennes sont autant touchées par la baisse du pouvoir d’achat. Pour nuancer ma présentation forcément un peu rapide, sachez que, contrairement à votre propos sur les tranches supérieures, celles-ci « ne se gaveront plus » ces deux prochaines années. Selon le BIPE, elles perdront entre 0,3 et 0,5% de pouvoir d’achat. Si je n’ai pas insisté sur ce point, c’est qu’évidemment le sort de cette catégorie de la population, pour déterminant qu’il puisse être sur le niveau d’investissements, n’est pas celui qui politiquement nous préoccupe le plus…
Bonjour. Je ne suis en aucun cas un spécialiste de lecture d'incides et je n'ai aucunes competences pour juger sur le fond. En revanche sur la forme permettez moi de vous dire que l'affiche illustrant les propos de votre note m'agresse. C'est d'ailleurs plus largement le cas avec les campagnes publicitaires de l'ensemble des distributeurs.
J'ai parfois l'impression que ce type d'indice est pris très peu au sérieux par la classe politique. Et au contraire pour les classes "dirigées", cela renforce un sentiment d'inquiétude qui au final freine la consommation des ménages, du coup les prévisions sont en-dessous de la réalité. Même si l'indice BIPE reflete bien la façon dont les gens gèrent leur budget avec cette notion de dépenses contrainte ou non, est-ce qu'il ne faudrait pas utiliser ses chiffres sans les rendre publiques?
S'appuyer la valeur d'un indice comme celui du pouvoir d'achat m'apparait une erreur car il se fonde seulement sur les revenus (salaires, rentes, etc) et non sur la valeur nette du citoyen.
(Définition de ressource de ménage de l'INSEE: Les ressources des ménages sont principalement constituées des salaires perçus, des revenus de la propriété (intérêts, dividendes, revenus fonciers,...), de recettes provenant de leur production marchande et de prestations sociales.)

Utilisé cette mesure pour estimer le pouvoir d'achat est une erreur. L'erreur est particulièrement importante de nos jours en raison de la baisse des taux d'intérêts. Je m'explique.

Etudions le cas d'un citoyen qui possède un compte en banque bien garni, quelques obligations et/ou actions (sicav ou directement), ainsi qu'une maison. Lors d'une baisse des taux d'intérêt, son "revenu" va avoir tendance à baisser à cause de la baisse du rendement de son compte banquaire (en supposant des dividendes et des loyers relativement stationnaires). Donc dans les statistiques courantes, le malheureux citoyen voit son pouvoir d'achat baisser! En réalité, il s'est enrichi puisque ses obligation, ses actions et son immobilier vont augmenter en réaction de la baisse des taux d'intérêt et donc son pouvoir d'achat *réel* a augmenté! C'est le cas dans les couches aisées.

Dans les couches moyennes, la valeur de la maison de résidence elle aussi va augmenter et le citoyen peut augmenter son hypothèque pour transformer cette valeur en liquidité. ce qui lui permet d'avoir un pouvoir d'achat *réel* augmenté. (Ceci est différent de l'effet de la baisse des taux hypothécaire qui je crois est tenue en compte dans le pouvoir d'achat actuel).

Dans les cas des bas revenus, les statistiques sont moins fiables parce que:
a) le travail au noir y est très important et donc le revenu réel (déclaré + non-déclaré) peut être beaucoup plus important qu'on le pense

b) ce sont souvent des jeunes très touchés par un travail peu rémunéré et transitoire et qui sont souvent aidés par leur famille. Mais l'aide de la famille va augmenté davantage parce que l'accroissement de la valeur nette dans les couche moyennes ou aisées (où se trouvent généralement leurs parents) s'est acrue et rend possible une aide plus généreuse

En fait, le vrai problème en France. tel que je le perçois de l'extérieur. n'est pas vraiment le pouvoir d'achat mais bien les rigidités structurelles, principalement celles de l'emploi:

a) qui avantages les salariés plus agés en accroissant leurs revenus
b) et cause le chomage des jeunes
Curieusement, et les socialistes et le gouvernement actuel, qui disent vouloir une société moins inégale, sont tout deux promoteurs de cette inégalité, car en cherchant à "préserver les acquis" ils préservent en fait les acquis des syndiqués et de la fonction publique au détriment de tous les autres français, principalement et avant tout votre belle jeunesse que nous accueillons au Canada à bras ouvert et récemment à rythme accéléré
Re Cerveaudisponible (07/07/05)
Désolé, donc. En fait, il faut lire ces affiches dans leur contexte. Au moment de leur parution, les pouvoirs publics niaient toujours qu’il y ait un problème de pouvoir d’achat. Jusqu’à l’année dernière, se fondant sur les statistiques de l’INSEE, les pouvoirs publics répondaient aux différentes attentes sociales en leur opposant une théorique augmentation du pouvoir d’achat.
Il fallait casser cette langue de bois. Oui, j’en conviens, cette affiche tape fort. Il n’empêche, c’est comme cela que nous avons pu faire changer d’opinion un ministre des finances (Sarkozy) et obtenir une modification de la législation (loi Galland).
Ceci dit, on peut aussi nous faire des reproches inverses. Souvent, nos affiches commerciales sont lénifiantes et « sopo »… Chacun ses goûts, n’est-ce pas !
Re Erosoft (07/07/05)
Il faut effectivement se méfier des publications anxiogènes. Mais ce qui produit le maximum d’angoisse, c’est l’impression de ne pas être entendu et de parler dans le vide. Les consommateurs savaient qu’ils perdaient du pouvoir d’achat et on leur disait le contraire. A un certain moment du débat, publier la réalité permet de remettre les pendules à l’heure.
Re Le Canadien (10/07/05)
Il me semble qu’il ne faut pas confondre les valeurs patrimoniales qui, incontestablement, impactent le niveau de vie à long terme et le pouvoir d’achat réel qui mesure des disponibilités liquides pour faire face aux besoins immédiats.
En revanche, votre observation est juste concernant le travail au noir (largement sous-estimé dans les statistiques). Il se développe, comme vous le dites, parce que le marché du travail est trop rigide. On trouve là un autre paradoxe : la gauche et les jeunes demandent la préservation des acquis sociaux (dont ils ne profitent pas). Mais en même temps, ils aspirent à profiter de modèles sociaux qu’ils estiment plus attractifs (Angleterre, Irlande, Canada, USA, etc…).
quelle est en 2005l'évolution du pouvoir d'achat du revenu disponible des ménages ???

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