Chèque alimentaire gouvernement
ÉCONOMIE Pouvoir d'achat

Chèque alimentaire : il faut un outil simple et utile !

Ça doit vous sembler évident. Et pourtant, les premières ébauches du projet me font craindre qu'on crée encore une fois un "machin" compliqué, et même incohérent : ainsi, on pourrait acheter du lait pour enfant de 3 ans, mais pas pour enfant de 3 mois ; ou des haricots verts frais du Kenya, mais pas des haricots verts surgelés français...

Quant aux pâtes, au riz ou à la farine (dont les prix ont explosé), ils seraient exclus du dispositif !

Franchement, si l'ambition de ce chèque c'est de donner un coup de pouce aux plus fragiles d'entre nous, alors il faut mettre en place quelque chose d'efficace, et respecter les choix alimentaires des Français.

Ça n'empêche pas d'avoir une ambition en matière d'éducation alimentaire, mais à vouloir viser plusieurs cibles à la fois, le risque est de n'en atteindre aucune. Il est encore temps de corriger les choses.

C'est le sens de l'appel que je publie ce matin dans Les Echos.

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Chèque alimentaire : faire simple, et utile

Chacun est désormais convaincu que l’inflation sera durable et les estimations convergent : il faudra jongler avec un taux oscillant entre 7 et 9%. Si l’énergie occupe la première place des hausses, l’alimentaire ne sera pas en reste. Une ampleur inégalée depuis plus de trente ans !

A l’automne 2021, quelques produits avaient commencé à monter, notamment les pâtes, les miels ou les huiles, en raison d'aléas climatiques, et de la désorganisation des chaînes logistiques et de production.

En mars, l'inflation sur l'alimentaire est devenue plus forte, et surtout plus diffuse. En cause, la loi « Egalim 2 », votée en fin d’année, et visant à revaloriser le revenu des agriculteurs. Un objectif dont personne ne conteste la nécessité, après quatre à cinq années de déflation, et qui explique les hausses actuelles dans la distribution et la restauration.

Une troisième vague de hausses aura lieu dans les prochaines semaines, et sera liée à la réouverture des discussions commerciales, exigée par les industriels et le gouvernement, tandis que la quatrième vague arrivera durant l'été, cette fois du fait des conséquences de la guerre en Ukraine.

Les distributeurs essaient de limiter la casse en prenant sur leurs marges et en différant certaines hausses pour faire tampon, mais à coup sûr l'impact (qui est déjà fort) va s'accentuer sur le pouvoir d’achat de familles qui sont à l’euro près lorsqu'elles font leurs courses.

Le chèque alimentaire, actuellement en débat, n'épuise évidemment pas tous les moyens qu'il faudra mobiliser pour préserver le pouvoir d'achat (salaires, minima sociaux, concurrence…). Toujours est-il que c'est une mesure qui, si elle est bien ciblée, peut venir temporairement en aide aux Français qui en ont le plus besoin.

Mais ici le gouvernement va devoir se méfier de lui-même ! Les premières pistes de travail qui nous sont présentées laissent deviner la tentation d’en faire un « outil d’éducation alimentaire », en ne rendant possible son utilisation que pour un nombre restreint de produits : viandes et poissons frais, fruits et légumes frais, œufs, lait.

On pourrait donc acheter des haricots verts frais kenyans, mais pas des haricots surgelés français. Du lait pour l’enfant de 3 ans, mais pas du lait pour l’enfant de 3 mois. Difficile à expliquer !

Les prix flambent dans les rayons épicerie (pâtes, riz, huile, céréales, farine...) et produits laitiers (yaourts, beurre, fromages...), très fréquentés par les Français. Pourquoi vouloir les sortir du dispositif ?

Par ailleurs, les associations de solidarité nous alertent depuis des mois sur la précarité croissante en matière d’hygiène : protections périodiques, couches bébés, savon, dentifrice, lessive… ces postes sont immédiatement sacrifiés quand le budget des courses se resserre. Faut-il fermer les yeux sur cette situation ?

Pour tous ces produits du quotidien, le chèque envisagé par le gouvernement ne serait donc d’aucun secours. Pour les consommateurs concernés, ce ne serait alors ni lisible, ni logique.

Recourir à des leviers incitatifs pour faire évoluer le régime alimentaire des Français est une idée intéressante. Encore faut-il choisir le bon moment. L’urgence sociale rend dangereuse une telle expérimentation aujourd’hui, et ce sont les personnels des magasins qui vont devoir faire face à la colère de clients humiliés, qui ne comprendront pas ces restrictions.

Heureusement, il est encore temps d'amender le projet. Face à la crise qui monte parmi les catégories les plus fragiles de nos concitoyens, il faut créer un dispositif qui soit vraiment utile pour celles et ceux à qui il est destiné, et non un « machin » qui réponde aux seules demandes quelques corporations !

Tribune parue dans Les Echos du 24 mai 2022.

4 Commentaires

Excellente idée merci de soutenir les consommateurs !!
A quoi servirait un chèque alimentaire si je ne peux pas acheter des pâtes et du riz avec ??
J'imagine que les sauces ne seront pas non plus concernées...
Honteux!!!!!!!
Bonjour Mel,
Un chèque alimentaire pour manger quoi? Des produits bas de gamme bourrés d'additifs? On ne peut continuer à proposer en magasin des produits comme: "l'épaule" constitué de viande de porc, de graisse de porc de polyphosphate et autres additifs. Ce premier prix là, on le sait, n'est pas bon mais tout le monde en a en rayon. Si j'attends un chèque alimentaire pour manger alors je vais consommer majoritairement des produits qui me conduirons vers des problèmes de santé car je vais les cumuler.
Je sais combien vous êtes investis dans les produits bio parce que vous avez conscience de l'offre générale et de ses travers. Donc nous ne pouvons accepter que ces travers soient cumulés au quotidien pour une population en difficulté. Ces produits polluent l'offre et le prix de l'offre en générant des volumes et des marges. En les enlevant des rayons les autres produits peuvent baisser mécaniquement en rencontrant plus de clients.

Bien cordialement
Un chèque alimentaire peut-être de 30 à 60 euros par mois et qui devrait concerner 8 millions de Français est la preuve que les revenus de ces 8 millions de personnes ne sont pas suffisants. Il y a deux façons de résoudre un problème de ce genre, la première, comme le fait Macron, consistant à donner un chèque alimentaire et la seconde, elle, étant de veiller à ce que tous les Français aient des revenus suffisants pour acheter des produits alimentaires, la première manière ressemblant étrangement à de la charité et la seconde respectant les personnes.

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