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Importations de textile chinois : le casse-tête européen
J’ai une question « déplacée » : quel est le degré de sincérité de nos dirigeants politiques et industriels dans toute cette agitation autour des importations de textile chinois ? Voici ce qui me préoccupe :
1) La suppression progressive des quotas d’importation est en cours depuis dix ans. La Commission Européenne, avec l’accord des états membres, a prévu de longue date la levée des dernières mesures protectionnistes dont on parle aujourd’hui.
2) Des professionnels s’en sont inquiétés ? Des études d’impact ont été réalisées ? Les administrations n’y ont pas trouvé matière à contentieux.
3) C’est que les puissances occidentales voient dans la Chine un marché très prometteur. Lors de son adhésion à l’OMC en 2001, elles n’ont pas écouté les ONG qui contestaient l’absence de contrepartie en droit social (droits de l’homme, conditions de travail, etc…).
4) Et voilà que trois mois après la levée des derniers quotas, c’est la panique. La France réclame l’installation de clauses de sauvegarde. Patrick Devedjian, Ministre de l’Industrie, reprend à son compte les chiffres de l’Institut Français de la Mode et annonce une perte de 7 000 emplois supplémentaires (par rapport aux 10 000 déjà prévus) pour la fin de l’année 2005.
Comment expliquer cette montée de sang et l’unanimisme des dirigeants français, quelques semaines seulement après la décision d’ouvrir les frontières : faillite des prévisionnistes, naïveté politique, ou bien ? ? ?
a) D’abord, raison garder. L’accroissement des chiffres d’importations sur certaines catégories de produits (pull-overs, lin tissé, tee-shirts, etc…) traduit, en Europe comme aux Etats-Unis, un processus de régularisation des importations. Une bonne part des importations chinoises se planquaient derrière des prête-noms. L’impunité étant garantie, nombre d’importateurs qui se cachaient derrière les dénominations de sociétés implantées dans les pays de l’Est ou au Maghreb régularisent leur situation.
b) La plupart des produits dont on parle dans les médias ne concurrencent pas directement l’industrie française. Depuis longtemps, nos industriels ne produisent plus de tee-shirts, de socquettes, ni même de jeans. Ils les font fabriquer au Maroc, en Turquie, en Roumanie ou à l’Ile Maurice.
c) Il n’en reste pas moins que les distorsions de concurrence entre les producteurs chinois et les producteurs ouest-occidentaux sont insupportables. Les rapports de salaires y sont de 1 à 10. C’est en parfaite connaissance de ces différences de coûts que nos représentants à Bruxelles ont accepté d’ouvrir les marchés.
d) Avons-nous manifesté notre opposition ? Quand et auprès de qui ? Le gouvernement français n’a-t-il pas été l’un des plus fervents partisans de l’accroissement des échanges avec la Chine ? Le Président de la République ne s’y est-il pas particulièrement impliqué, encore récemment dans son dernier voyage ?
La réalité est cynique. Et nos amis industriels du textile ne doivent pas se faire trop d’illusions. Leurs intérêts semblent bel et bien avoir été sacrifiés dans une négociation qui a privilégié l’ouverture du fabuleux marché chinois à nos Airbus, nos TGV, nos centrales nucléaires, notre industrie automobile. Il suffit pour s’en convaincre de regarder les contorsions verbales des personnalités accompagnant actuellement le Premier Ministre en Chine : tout est fait pour minimiser les récriminations françaises et ne pas braquer nos interlocuteurs asiatiques.
Je prends les paris : passé le référendum (et les élections au MEDEF), nos dirigeants sauront prendre prétexte des positions libérales d’autres états membres pour justifier le minimalisme des mesures de sauvegarde qui seront adoptées. Il n’y aura pas de guerre du textile avec la Chine !
17 Commentaires
Les exemples fleurissent pour montrer aux PME du textile français que tout n'est pas perdu, j'ai déjà par lé du cas de l'espagnol Zara/Inditex. Mais il y a aussi le cas d'Armor-lux qui s'est offert une nouvelle usine au Sud de Quimper et je ne pense pas que ce soit pour délocaliser l'année prochaine en Asie(même si une partie l'est déjà à Troyes :). La marque a élargi sa gamme de vêtement d'une part et d'autre part elle surfe sur l'idée de "produit en Bretagne" pour communiquer des valeurs plus ou moins traditionnels, mais surtout rappeler que en consommer des articles fabriquer chez nous(la BZH) Comme le disait dans une interview le PDG de ce groupe, il vaut mieux renforcer les controles pour que les employés chinois ne soient pas exploités, ça permettra de conforté d'une part l'esprit de commerce équitable, même si cet argument est mis en avant pour préserver l'emploi ici.
Enfin il y a encore des niches peu ou mal développer qui ne méritent qu'une seule chose qu'on s'interesse à elle. Je pense aux gens qui ne rentre paz dans les classiques standard du pret à porter parcqu'ils sont trop petit trop grand ou gros.
Mais aussi à développer des nouveaux produits comme le vêtement numérique personalisable à l'humeur du jour, même si c'est farfellu comme idée vaut mieux la développer avant qu'on nous la pique cette idée. Encore qu'il faut que l'état donne des crédits à la recherche pour qu'elle pisse voir le jour :)
(à en croire les journalistes du JT de 20 heures sur TF1)
Merci de me répondre,
Fanfarlo
... et toujours en alexandrins :
"
Par la constitution, le marché doit primer,
Et tous les trublions, n'ont plus qu'à la fermer.
"N'ayons plus de barrières, renforçons notre monnaie !",
Ne pleurons pas derrière devant les pots cassés.
Le but de notre Union est d'être libérale,
Moteur nous nous voyons, d'un commerce mondial
Airbus d'exportation contre Dumping social,
Voilà les nouveaux termes de la guerre commerciale
Car enfin mes amis, ne soyez pas naifs,
Vous voulez voter Oui, sans même un coup d'canif !
Relisez bien l'esprit, de cette Constitution,
C'est celle que vous voulez, C'est celle que nous aurons !"
Votre avis là-dessus ?
Mondialisation et division internationale du travail.
A l’occident la technologie.
Au pays émergeants les productions à faible valeur ajoutée (mais ils n’en resteront pas là cf. Japon et Corée).
Economie de troc : des Tee shirts contre des avions.
Oui la réalité est cynique mais à terme explosive.
Oui un jour sûrement les standards sociaux et écologiques de l’Inde ou de la Chine rattraperont ceux de L’Europe. Mais dans combien de temps ?
Et puis il y aura toujours un ailleurs moins cher
Dans l’intervalle que de destructions d’emplois et peut-être de savoir-faire ce qui est plus grave.
Que ferons-nous de tous ces bacs -2 ? Ils ne seront pas tous manutentionnaires dans vos magasins.
Que ferons-nous de tous ces bacs +5 ? Ils ne trouveront pas tous de débouchés chez Airbus.
Développons les services. Oui mais au service de qui s’il n’y a plus d’industrie.
Notre économie toujours repoussée vers les hautes technologies toujours de plus en plus pointues laissera sur le bord de route une masse de plus en nombreuse.
Notre système de protection sociale ne tiendra pas.
Explosion en perspective.
Faut-il revenir au protectionnisme ? Sûrement pas.
Mais il faut peut-être que l’Europe se défende mieux.
C’est ce que les Européens attendent de la construction européenne (cf. débats sur le referendum dominé par les thèmes de l’emploi et des délocalisations) et c’est ce qu’on leur a vendu.
Il faut mesurer le rapport de force.
Les pays émergeants ont besoin de produits technologiques (avions, centrales nucléaires…) qu’ils ne savent pas (pas encore) concevoir et fabriquer. Ce sont eux les demandeurs et l’Europe peut peut-être imposer ses conditions à l’importation de leur production (respect de normes de travail, écologiques …) et protéger ainsi en partie son industrie manufacturière qui dans un « marche ou crève » a déjà fait beaucoup pour s’adapter et être plus productive.
Mais dans ce jeu il faut marquer nos amis US à la culotte. Le monde asiatique les tient financièrement par les c…(détention de bons du trésor..) et là le rapport de force pourrait vite s’inverser et nous entraîner dans la renverse de marée.
Sur le sujet de la protection de l’Europe quid des taux de change (Euro et Dollar-yuan)?
Dans ce jeu de Go, la partie se joue entre un occident dominé par le court terme et un monde asiatique qui sait jouer avec le temps long.
Moi j'avoue que je n'ai pratiquement que des vêtements fabriqués à l'étranger principalement Espagne, portugal, mais aussi des pays d'Asie et du Magrebeb. J'ai tout de même quelques pulls fabriqués en France achetés entre 1996 et 2000, 300 francs chaque et oui ça fait un peu beaucoup pour un pull même s'il est en laine; et encore c'était les soldes au départ ils étaient entre 500 et 750 francs... Qui est pret à mettre un tel prix pour s'habiller si c'est pour la sauvegarde de l'emploi en France?
Enfin j'ai reçu le dernier catalogue régional des centre leclerc de basse-Bretagne. Il y a quelques pages vêtements dans lesquels on trouve des marques tel "terre de marin" ou "tri martolod" qui il me semble sont de fabrication française, donc je ne crois pas que l'on puisse dire que Leclerc ne se fournit qu'en Asie, mais plutôt que les produits asiatiques sont des produits d'appels pour faire venir le client et le tenter avec des produits MADE IN FRANCE.
Je ne crois pas en la politique de protectionnisme. Je pense simplement que l'erreur qui a été commise est de lever brutalement les quotas. Il aurait certainement été plus favorable de lever progressivement ces quotas, pour laisser davantage de temps aux entreprises de se réorganiser.
D'ici quelques années, excepté peut être pour les industries de haute technologie, j'ai la conviction, qu'en France, il ne restera quasiment plus d'emplois d'ouvriers dans les usines. Il ne faut pas se leurrer, on peut annuler toutes les charges sociales ou patronales que l'on veut on ne sera jamais compétitif face aux pays émergents, le fossé est trop grand.
Par contre cela ne signifie pas pour autant que tous ces emplois supprimés vont se traduire par du chômage.
L'économie évolue et ces besoins également.
Lorsqu'il y a une rupture technologique, les emplois de l'ancienne technologie se détruise et de nouveaux se creaient dans la nouvelle. Il est difficilement conciliable de conserver les premiers et de créer les seconds. Sans parler du fait que pour créer cette rupture il a auparavant fallu investir..
On a par définition plus confiance dans le passé que dans le futur, puisque l'avenir n'est qu'incertitude, mais comme nous le demandent certains, n'ayons pas peur.. Allons y.
Je ne crois pas en la politique de protectionnisme. Je pense simplement que l'erreur qui a été commise est de lever brutalement les quotas. Il aurait certainement été plus favorable de lever progressivement ces quotas, pour laisser davantage de temps aux entreprises de se réorganiser.
D'ici quelques années, excepté peut être pour les industries de haute technologie, j'ai la conviction, qu'en France, il ne restera quasiment plus d'emplois d'ouvriers dans les usines. Il ne faut pas se leurrer, on peut annuler toutes les charges sociales ou patronales que l'on veut on ne sera jamais compétitif face aux pays émergents, le fossé est trop grand.
Par contre cela ne signifie pas pour autant que tous ces emplois supprimés vont se traduire par du chômage.
L'économie évolue et ces besoins également.
Lorsqu'il y a une rupture technologique, les emplois de l'ancienne technologie se détruise et de nouveaux se creaient dans la nouvelle. Il est difficilement conciliable de conserver les premiers et de créer les seconds. Sans parler du fait que pour créer cette rupture il a auparavant fallu investir..
On a par définition plus confiance dans le passé que dans le futur, puisque l'avenir n'est qu'incertitude, mais comme nous le demandent certains, n'ayons pas peur.. Allons y.
Je ne comprends pas ce propos sur RTL. Il est évident que nous revendons moins cher ce que nous avons acheté moins cher. C’est d’ailleurs ce que la corporation nous reproche. Nos marges de distribution n’ont pratiquement pas changé sur le textile depuis dix ans.
Re marc
Décidément, marc, beaucoup de talent chez vous aussi.
Mais pour plus de précision, j’insiste : mon « oui » ne sera pas naïf, j’entends bien me battre et m’engager pour que l’Europe ne soit pas qu’un grand marché. A suivre…
Re fanfarlo
Et bien, je le découvre. Je ne savais pas que j’avais refusé de répondre à des questions sur les importations. J’ai eu une seule sollicitation, mais trop tardive vu mes déplacements, de la part du journal Libération. Trop souvent, quand nous ne leur répondons pas dans l’heure, les médias considèrent qu’il y a refus de répondre. Nous n’avons simplement pas le même timing. D’ailleurs, mes deux notes sur ce blog concernant les importations, témoignent au contraire d’une volonté de communiquer sur le sujet.
Re Erosoft
D’accord avec vous. S’il est vrai que pour les productions « bas de gamme », nous ne pouvons pas rivaliser avec les productions asiatiques, il reste des possibilités de produire en Europe. L’industrie italienne du prêt-à-porter a tout de même relativement bien résisté. Et nos groupes de distribution ont besoin de pouvoir compter sur des producteurs qui permettent une forte réactivité au marché, à la mode, à la météo… Lancer une collection doit se prévoir à l’avance, mais une politique de réassort exige dialogue et proximité avec les fournisseurs.
Quant aux nouvelles productions de tissus synthétiques, elles exigent moins de main-d’œuvre, et plus de savoir-faire et d’innovations. Il y a, dans nos pays, une main-d’œuvre de qualité, des ingénieurs et des savoir-faire qui justifient l’implantation des industries de ce secteur.
Il y a, comme vous avez pu le constater, une forte dose d’hypocrisie sur le sujet du textile chinois. D’ailleurs, la plupart de nos « fournisseurs français » qui se plaignent de la levée des quotas, sont déjà d’énormes importateurs (Zannier) ou ont délocalisé une part substantielle de leur production (Rouleau Guichard).
Je veux juste rectifier une chose. La levée des quotas a bien été progressive. Cela a pris vingt ans. Les entreprises ont eu le temps de voir venir. De là à trouver la parade, c’est une autre affaire…
D’abord, cher gilles67, ce n’est pas 10, mais 50 ou 60% !!! d’écart sur les prix. C’est difficilement tenable, j’en conviens, pour ce qui reste de l’industrie textile française.
A contrario, l’échange est quand même nécessaire, si nous voulons vendre aux Chinois des TGV, des équipements électriques et ferroviaires, etc.
D’autre part, comment voulez-vous que ces pays se développent s’ils n’exportent pas. Et que voulez-vous qu’ils exportent si ce n’est pas en vendant moins cher ?
La question n’est donc pas de diaboliser les importations, mais d’accompagner ces mutations sociales.
Voici un lien, comme vous en trouverez beaucoup sur le net, illustrant l'horreur de ce qui se fait dans ce pays et dans autres pays asiatiques.
Peut-être devriez-vous revoir la liste des pays avec qui vous travaillez.
http://www.reseaulibre.net/rage/peaux.html
Non, nos magasins ne sont pas leaders dans les importations de produits chinois, même si une part du textile ou de la chaussure en provient.
Je partage néanmoins vos préoccupations. Dans ma note du 18/05/05 et celle du 27/05/05, j’expliquais comment nous avions mis en place des audits sociaux pour contrôler les conditions de fabrication. J’aurais dû compléter cette information, en précisant que le dispositif valait aussi pour le traitement des animaux. Tous ces contrôles ont forcément des limites.
Je suis contre le boycott systématique d’un pays. Ce sont les populations qui en pâtissent le plus, et je ne vois d’ailleurs pas comment ils pourraient se développer si on leur ferme le robinet du commerce extérieur. Mais, je suis entièrement d’accord pour ne pas travailler avec des fournisseurs qui ont des mauvaises pratiques, même si elles étaient considérées comme légales dans leur pays. Si vous trouvez, dans nos magasins, des produits dont vous critiquez les conditions de fabrication, n’hésitez pas à m’en informer et à nous donner des éléments qui pourraient servir de preuves.
Je vais allez voir le site que vous mentionnez. A bientôt.
Que faire lancer un label CHAUSSETTE DE FRANCE.
Je me permet de répondre a SOCKSESS site de vente en ligne. Vous achetez des chaussettes et les revendez. Mais connaissez vous la fabrication. Vous donner votre opinion alors que vous occupe la meme position que la grande distribution acheteur vendeur. Je suis pret a echanger nos places.
Entièrement d’accord avec votre remarque sur la vente en ligne. En revanche, je ne comprends pas trop l’exigence de délocalisation s’agissant de la fabrication de chaussettes.
J’ai eu l’occasion, à plusieurs reprises, de visiter des usines qui fabriquaient ce type de produit. Elles sont extrêmement mécanisée, quel que soit leur lieu d’implantation. J’y ai vu très peu de salariés. Du coup, je n’arrive pas à comprendre en quoi les écarts de salaires impactent autant dans le prix définitif du produit. Est-ce que vous pourriez nous donner des informations sur la part des coûts sociaux dans la détermination finale du prix d’une chaussette ?
Tout le monde est coupable et tout le monde est en train de scier la branche sur laquelle on est.
Je conseille à tous les lecteurs de lire :
Le grand bazar de Benhamou
Vous savez très bien que toutes les hautes technologies que nous vendons aux chinois seront copiés par eux. Après que restera-t-il de l'industrie française.
Bon c'est sûr pour vous, il restera toujours la solution de vendre des produits asiatiques, mais à qui les vendrez-vous puisque le chômage de masse aura explosé ?
Nous sommes en train de nous suicider à petit feu
Combien d'articles provenant d'Asie vendez-vous dans vos hyper ?
Merci de me répondre