SOCIÉTÉ
Législation / Fiscalité
Négos 2006 : L’Etat siffle la fin du match mais permet les prolongations
Dans tous les pays européens, la liberté du commerce est un principe constitutionnel. On peut tout négocier, sauf ce qui est interdit par la loi.
En France, le Code du commerce ne dit rien d’autre. Mais au fil du temps, les députés ont surenchéri pour imposer tellement de contraintes que, pour tous les professionnels, seul finalement « peut être négocié ce qui est expressément prévu par la loi ».
J’exagère ? A peine ! J’en veux pour preuve la petite passe d’armes médiatique entre Renaud Dutreil, la Direction de la Concurrence, Jean-René Buisson (Association Nationale des Industries Alimentaires), l’AFP et quelques distributeurs. Elle illustre à quel point les pouvoirs publics (politiques et administration) continuent, malgré la liberté rétablie par les Ordonnances de 1986, de s’immiscer dans les affaires commerciales…sans autre justification que de maintenir leur contrôle.
1) Rappel :
La réforme de la loi Galland, appliquée depuis le 1er janvier, stipule que « les contrats de coopération commerciale doivent être établis avant le 15 février ». Ne me demandez pas pourquoi ! C’est évidemment du délire. J’imagine que les députés pensaient que « le temps » jouait contre les industriels. De fait, ils en ont profité pour prendre leur temps, les distributeurs étant obligés de signer à la date butoir !
2) Lors de plusieurs réunions tenues dans les locaux de la DGCCRF (Direction de la Concurrence), tous les distributeurs ont plaidé pour que le gouvernement accepte, au moins pour cette année, d’être tolérant sur les délais. Les conditions générales de vente n’ont été envoyées qu’en janvier, ce qui laissait un temps très court pour la négo.
3) Officiellement, nos collègues de la FCD avaient demandé au Ministre du Commerce une prolongation d’un mois (jusqu’au 15 mars). Compréhensive, la DGCCRF avait transmis le message au ministère.
4) Interpellé hier matin par l’AFP, le Ministre a d’abord tenu des propos ambigus. Propos que l’AFP a interprétés comme une réponse négative à la demande de la FCD.
5) Du coup, « aux anges », Jean-René Buisson, toujours en tenue de combat, a acquiescé : « Il est mieux de ne pas déroger à une loi ».
Réaction outrée, énervée des distributeurs, toujours en attente d’une réponse officielle…alors que les carnets de rendez-vous, eux, restent programmés jusqu’à la mi-mars…
Et tous de s’interroger sur les intentions réelles du ministre, par ailleurs fort peu prolixe sur sa réforme.
6) Finalement, Renaud Dutreil a rectifié le tir…en deux temps :
a) Il a d’abord revêtu la toge de la légalité. « Seul, le Parlement peut modifier la loi… Il n’appartient pas aux ministres de la modifier et nous n’en avons pas le pouvoir ».
b) Mais nul n’est tenu à l’impossible. Magnanime, il ajoute : « Pouvons-nous appliquer avec pragmatisme et compréhension la loi ? La réponse est oui. Je le souhaite et j’ai donné ces instructions à la DGCCRF ».
Voilà désormais qui est plus clair. Nous allons donc pouvoir continuer à négocier. Pas de couperet le 15 février. Tant pis pour les quelques camarades industriels qui comptaient sur cette pression pour passer en force et imposer leurs hausses de prix.
7) De toute façon, on arrive au bout de la négociation. Le climat s’est amélioré. Tout le monde a compris qu’il faut sortir de cette affaire. La consommation est atone. Il faut se focaliser maintenant sur la vente.
Nos négociateurs ont réussi à juguler le plus gros des hausses. Il reste encore 10 à 15 % des accords (mais quelques gros) à conclure. Ne cédons pas aux impératifs de l’urgence. De toute façon, il vaut mieux ne pas signer d’accord que d’en conclure un mauvais.
D’autant que ces contrats déterminent un autre enjeu : ils permettent de calculer le nouveau seuil de revente à perte. A vouloir boucler trop vite la négo, le risque, ce serait d’obliger les distributeurs à remonter leurs prix…au nom de la loi !
10 Commentaires
Ne vous plaignez pas les négociations ne vont pas tarder apparemment.
A en croire certains, ils attendent des réformes depuis des années!
Par exemple, l'histoire de la TVA à 5,50 % pour la restauration; je vous signale qu'il y a encore une chance pour eux peut-être l'année prochaine (selon les médias) alors...
Mais je reconnais que quand on travaille et qu'on attend avec impatience, ça stresse.
Tchao M.E.L.
M. le ministre aurait donné des instructions à la DGCCRF. Très bien. Que se passerait-il si un industriel se plaignait auprès de l'administration du non respect de la loi par un ou des distributeurs ? M. le ministre lui répondrait-il que la loi ne sera pas appliquée parce qu'il l'a demandé à l'administration de ne pas le faire, le tout après avoir affirmé qu'il n'en avait pas le pouvoir ? Ca donne un bel exemple de fonctionnement démocratique ....
bonne journée
je croyais que vous ne mélangiez pas ce blog et vos affaires!! ;-)
allez pour ce coup ci ça passe: deux paters et un ave et l'affaire est close!
"Tant pis pour les quelques camarades industriels qui comptaient sur cette pression pour passer en force et imposer leurs hausses de prix."
Pour apporter un bémol, il semblerait que certains distributeurs tentent aussi d'utiliser cette date butoire pour faire passer des hausses de remises et taux de coopération commerciale. En effet, certains fournisseurs dont je fais parti ont été sommé de signer rapidement avec en épée de Damocles le déréférencement. Aucune possibilité de négociation à priori.
Je vous rejoins en tout cas sur un point, mieux vaut ne rien signer que de signer un mauvais accord.
Enfin pour une fois pas complètement d'accord sur tous les points!! :-)
j'ai quitté la gd il y a quelques années mais certaines pratiques n'ont pas changées.
les "part trois" : sont les promos préférées des distributeurs, celui qui n'en a pas perd des TG.
sur les ristournes: comme on sait que la GD va en demander plus, on augmente les prix.
c'est l'oeuf et la poule! qui génère quoi?
Voir le commentaire de Cédric
Elle me disait que c'était tout à leur interet de vendre de mettre en avant les maxi-formats, car non seulement ils conservaient leurs clients habituels, mais en plus il fidélisait les clients habitués des promo. Ainsi lorsque le stock de produit arrive à epuisement après 2 ou 3 mois c'est de nouveau leur produit qui est en promo.
Pour le distributeur, le problème je crois c'est que si le concurrent arrive à vendre un produit moins cher (prix au litre ou au kilo) en vendant des articles en lot il y a toujours le risque que un fragment de la clientèle aille voir en face, même si le produit à l'unité beneficie d'une promo elle sera forcement moindre, non?
De mon modeste côté, j'ai le sentiment que c'est la course à l'échalote :
- le fabricant veut assurer sa part de marché, et cherche à fourguer directement sa marchandise en deux ou trois exemplaires : au moins c'est sûr, la prochaine fois, vous ne risquez pas d'acheter une autre marque devant le rayon, puisque vous l'avez déjà achetée !
- le distributeur veut la promo la plus forte, effrayé de voir son concurrent la proposer avant lui...et veut en plus faire des ventes supérieures à l'an passé...
- le consommateur, s'il est effectivement perplexe devant les mécanismes promos du moment, qui conjuguent parfois tout ce qui existe en même temps (bravo à ceux qui s'y retrouvent, il paraît qu'ils ont plutôt Bac+5 et de bons revenus, les autres manquant peut être d'outils pour analyser...), en veut toujours plus et "récompense", quoi qu'on en dise, les opérations les plus agressives dans son choix de chaland.
Conclusion me direz vous ? La loi Jacob Dutreil n'a rien réglé pour les deux années qui viennent, on va encore voir des négos qui tournent autour des promos, des promos, et des promos, et on va tenter de gaver le consommateur une fois de plus... même si, et merci MEL de votre franchise, c'est un euphémisme de parler d'une consommation atone !