SOCIÉTÉ Législation / Fiscalité

R. Dutreil : « Docteur Renaud, Mister Renard »

Personne ne peut reprocher à Renaud Dutreil, notre Ministre du commerce, de vouloir récupérer le combat pour les prix bas et s’attribuer le beau rôle. Après tout, chausser les bottes du capitaine Sarkozy, faire sien le diagnostic des dérapages de prix sur les grandes marques (il n’est jamais trop tard !), et prescrire, « à la Leclerc », une potion de prix bas, voilà qui est de bonne médecine alors que, dans notre pays, presque tous les pouvoirs d’achat sont grippés. Mais en jouant les donneurs d’ordres et en imposant, dans l’opinion, un chiffrage de baisses présenté comme un impératif, Mister Renard révèle toutes les limites d’une réforme qui fait du Politique, non pas un arbitre, mais le pilote d’un système qu’il refuse toujours d’abolir. - Hier, en effet, notre Ministre du commerce affichait sa satisfaction. Il recevait la presse et voulait faire le point sur la réforme votée cet été. De ses interventions, les journalistes sont restés tout sourire (on m’en a fait la relation avec délectation !). Car enfin ! Voilà un ministre qui, l’année dernière encore, fustigeait la « tartufferie » de votre serviteur. Il l’accusait de se « goinfrer de marges arrière ». Et, à l’instar des autres membres du gouvernement, il rappelait que l’urgent, ce n’était pas les prix bas, mais l’emploi : « Les prix bas tuent l’emploi ». Oubliant la polémique, voilà Docteur Renaud qui change de stétoscope. Et plus Leclerc que Leclerc, il confirme qu’il y a bien eu, ces dernières années, hausses abusives sur les grandes marques (tiens, tiens !). Et rappelle, a contrario, l’efficacité des accords Sarkozy à qui il attribue les baisses récentes de prix. (A l’approche des investitures, soignons l’image de celui qui les octroie ! ! !). A ce stade, vous comprendrez que je boive du petit lait. Il est des combats dont les victoires se savourent sans modération. Et puis, je préfère R.D. dans ce rôle. Il correspond mieux à ses convictions (à celles qu'il exprime en privé). A l'occasion, il vient de démontrer qu'il a du sens politique... - Mais en fixant, de manière péremptoire, un objectif de baisse de 5 %, Mister Renard témoigne qu’à Bercy ou rue de Lille, la réforme en cours n’a rien d’un retour à la liberté de concurrence. L’interventionnisme, même sous forme d’imprécation, reste la culture dominante. Pas sûr qu’industriels et distributeurs apprécient « la sortie » du Ministre. a) Sur le fond, il est indéniable que la réforme offre des possibilités de baisses. C’est à mettre au crédit de Docteur Renaud. J’en profite pour dire que mes adhérents ne resteront pas manchots. Nous pensons très sincèrement que les indépendants vont pouvoir commencer à recreuser l’écart avec les concurrents cotés en bourse, dont les actionnaires peuvent craindre pour leurs dividendes. b) Mais les conditions techniques et juridiques de la réforme votée au Parlement sont tellement foireuses que bien malin celui qui peut en prédire les effets. Oserais-je dire, ici, très vulgairement, que telle que se prépare la négociation 2006, ça va être un sacré bordel. Je rappelle que la plupart des distributeurs avaient préconisé un système plutôt simple : liberté de négociation tarifaire ; et à partir du prix fournisseur (triple net, tout avantage déduit), application d’un coefficient multiplicateur dégressif qui permettait, sur deux ou trois ans, de basculer les marges arrière dans le prix de vente consommateur. Le gouvernement n’a pas voulu déjuger Christian Jacob. Il a conçu une véritable usine à gaz. Le distributeur doit calculer, pour chaque article, l’enveloppe de coopération commerciale. Et il pourra en rebasculer au consommateur la partie supérieure à 20 % en 2006 et 15 % en 2007. Le système est très complexe (je vous passe les détails). Il aboutit à une règle de trois : le distributeur peut baisser ses prix, mais c’est lui qui finance l’opération en pompant sur ses marges. L’Etat met la distribution sous total contrôle et déploie un arsenal répressif jamais vu en Europe pour atténuer (limiter) la concurrence. L’industriel, lui, reste maître de son tarif. Laissez-moi affirmer, au risque d’apparaître goguenard, que s’il veut vraiment obtenir une baisse de 5 %, Mister Renard va devoir choisir son camp. Dans le contexte d’insécurité juridique où il les a placés, il faudra qu’il soit un peu plus motivant dans son discours aux distributeurs qu’il sollicitait hier. Surtout, il lui faudra revenir sur cette question majeure : celle de la négociation des tarifs. D’abord, parce qu’il n’est évidemment pas question que nos entreprises prennent, seules, à leur charge une baisse d’une telle ampleur (je rappelle qu’en moyenne le résultat net de nos hypers est de l’ordre de 2,8 % ! ! !). Et puis surtout, nous n’avons pas l’intention d’accepter les hausses tarifaires qui nous sont actuellement communiquées par les fournisseurs (entre 3 et 7 % pour les prochains six mois). Du côté des industriels, la tentation est évidemment forte de pousser les prix puisque, vis-à-vis du public, la baisse des marges en distribution permettra d’en lisser ou d’en annuler les effets. Oui, Docteur Renaud, le diagnostic est maintenant le bon. Mais le traitement (la réforme) n'est pas encore au point. Il va falloir compléter l’ordonnance si vous voulez éradiquer définitivement l'inflation. Vos "patients" n'en attendent pas moins de vous...

16 Commentaires

Qu'elle est loin la commission canivet qui se prononçait pour un triple net intégral si je me souviens bien !
De toute manière, quel que soit le système préconisé, il obéira tjs à un rapport de forces qui fera :
1) que les grands industriels pourront poursuivre l'augmentation de leurs tarifs ;
2) que les PME seront en difficulté puisque les distributeurs se récupèreront sur eux.
Non ?
Bonjour Monsieur Leclerc
J'ai plus suivi votre intervention sur Europe 1 et sur le fond je partage votre point de vue. Sauf que je suis chef d'une petite entreprise et je suis toujours impressionné de voir mon prix de vente multiplié par 2,7 en moyenne et parfois même par 4
selon le mode de distribution. .. Et parfois on me reproche encore de ne pas assez communiquer sur le produit pour aider à la vente.
Donc je ne pense pas que ce soit difficile de faire baisser les prix de 5% ; je pense que le plus délicat c'est de faire accepter à certains opérateurs le principe du mutuellement profitable .
Bien cordialement
Amine Meddoun
Le dispositif voté légalise les marges arrières alors que les gouvernements prétendaient vouloir lutter contre...
Pour appliquer la loi sans se faire pincer, il suffit d'engager en tant que consultant un de ceux qui ont construit cette loi pour qu'il vous apprenne à l'appliquer, s'il y a bien quelqu'un qui doit savoir comment fonctionne une loi c'est celui qui l'invente!
Est-ce que la baisse des prix va être limité par le prix du transport et de l'augmentation du gazoil?
Je croyais que d'autre part il était convenu d'un gel des prix durant l'été, mais vous nous dites que les fournisseurs revoient à la hausse leurs prix pour 2006. Cela veut dire que au mieux après répercution des marges arrières sur les prix en rayon je paierais en caisse le meme prix que cette année? Et sur les produits où il n'y a pas 20% de marge arrière comment vont-ils évoluer?
Bjr,
C'est un fait qu'en l'état actuel de l'évolution réglementaire, la baisse de 5 % des prix attendue par Renaud Dutreil n'est pas un objectif très réaliste, en tous les cas à marge comparable pour le distributeur !
Et c'est logiquement que MEL (et les autres) refuse de "financer" seul (comprendre : sur ses marges) les baisses de prix. Au risque d'apparaître comme un provocateur invétéré, cher MEL, je m'interroge : et si ce nouveau carcan réglementaire avait comme effet secondaire positif de vous obliger, vous enseignes, à réduire sensiblement le coût d'exploitation de vos magasins pour réellement parvenir à baisser les prix ? Oublié le marbre dans la galerie, les rampes de spots au rayon hi-tech, les gondoles dernier cri, etc. Bref, oubliées ces cathédrales du commerce que sont devenus vos hypermarchés. Ce faisant, en abaissant vos coûts d'exploitation, vous pourriez baisser vos prix, sans rogner sur votre marge. Si je ne m'abuse (1), c'est précisément là la description de l'une des plus belles affaires de distribution en Europe : Colruyt. Si je ne m'abuse (2), ce n'est pas loin non plus de ce qu'Edouard L. a initié à Landerneau il y a 56 ans désormais.
En clair, il y a aujourd'hui dans vos hypermarchés une part de valeur inutile pour le consommateur.
Inutile, donc coûteuse.
En réponse à Dauvers sur la "surqualité" des hypers / supers en France, je répondrais que rien ne nous empêche de faire nos courses chez ED, LIDL ou ALDI.
Personnellement après 2 ans de vie Bruxelloise, je dirai que l'acte d'achat chez COLRYUT est différent de celui chez E.LECLERC, au sens où la partie "flânerie" voire plaisir (choix, lisibilité, nouveautés aux rayons high tech, vêtements, hygiène...)disparait et devient "Top Chrono" pour m'en libérer au plus vite avec l'indispensable.
Concernant les 5 % de baisse, il est évident que le gouvernement a peur (et il a raison) que la flambée des prix du pétrole et de tous ses produits dérivés n'amputent sérieusement la consommation des ménages et la croissance de la fin 2005 et 2006.
Un mystère reste cependant à mes yeux cher MEL : qui dit moins de marge arrière à payer par les industriels aux GMS, dit logiquement un meilleur prix d'achat proportionnel, et donc une baisse en rayon. D'où vient la baisse de marge que vous annoncez pour les magasins ?
Après tout, si les industriels ne veulent pas suivre cette logique, aux acheteurs de centrale de bien faire leur travail avec de bons arguments "objectifs" !
Le danger parallèle de booster le Hard Discount, et les 1ers prix + MDD en supers/hypers qui se concrétise jour après jour en France, doit aussi faire réfléchir les Grandes Marques en ce moment... A quand les 50 % de MDD comme en UK ?
En réponse à Eric Normand, la dernière livraison de la "bible annuelle des performances des enseignes" (le Référenseigne de TNS) montre d'ailleurs que le hard-discount continue sa marche en avant, et gagne 0,4 point de part de marché.
Le Référenseigne 2005 montre aussi que Leclerc est l'enseigne "classique" qui progresse le plus. Mais je laisse le soin à MEL de nous en parler à l'occasion ! Mais sans nul doute le fait que Leclerc ait un positionnement prix plus agressif que ses concurrents hypers et supers n'y est pas étranger. Comme vous le voyez, on revient toujours au prix...
Bonjour MEL,
D'abord, j'ai bien aimé Dr Renaud et Mr Renard ! J'en viens à ma question du moment. Ou plutôt, à la même qu'il y a trois ans lors de ta première conférence de presse "aboliniste" sur la loi Galland : Le ticket est une mécanique performante, mais que tu considérais comme un mauvais ersatz à une bonne baisse de prix. Demain, possibilité t'es enfin donnée de remettre cet argent dans les prix. Est-ce donc la mort du ticket Leclerc à court terme ?
Florent Vacheret/Linéaires
Cher MEL,
On sait bien que vous êtes plus malin qu'un Renard.. En gros, vous ne baisserez pas les prix des grandes marques de plus de quelques % si les fournisseurs n'acceptent pas de leur côté de baisser leurs tarifs de quelques %, plutôt que de les augmenter de 3 à 7%..? Je vous comprends, et vs souhaite bonne chance pour votre grande réunion du 21 sept. Vous pouvez peut-être rappeller à vos fournisseurs que d'après le dernier sondage TNS Sofres Megabrand seulement 31% des Francais éprouvent plus de plaisir en achetant une marque nationale qu'une marque de distributeur aujourd'hui, contre presque 50% en 2002 ...
Quant à votre volonté affichée de recreuser une différence de prix d'au moins 3% avec vos concurrents côtés - c'est admirable, ca fait bonne pub, mais attention! Vous semblez sousestimer la nouvelle volonté du plus gros acteur de continuer à gagner et non pas céder du terrain en matière de baisses de prix. Je peux vous assurer que les actionnaires de Carrefour ont finalement bien compris que les clients doivent passer avant eux à la caisse!! - Coûte que coûte, quitte à serrer la ceinture, ce que Carrefour peut faire plus facilement que vos adhérents en attaquant ses lourdes structures centrales et se penchant plus sur ses activités internationales.
Re sébastien (7/09/05)
Difficile de dire comment va évoluer le rapport de force. Je pense que nous avons des arguments pour nous opposer aux augmentations de certains tarifs. Mais incontestablement, les PME vont être prises en sandwich entre les grandes marques (qui vont repositionner leurs prix) et les premiers prix. D’autant que les PME fabriquent beaucoup de nos MDD. Je serai attentif à cette évolution.
Re meddoun (7/09/05)
Cher Amine. Certains produits vont effectivement pouvoir baisser de 5%. Peut-être 500 à 1000 articles. Mais il est difficile de connaître encore l’impact des augmentations qui nous arrivent actuellement. Elles ne sont pas encore définitives. Je pourrai répondre vers novembre-décembre.
Re Erosoft (7/9/05)
Tout à fait d’accord. Le dispositif légalise les marges arrière. Je rappelle que pour pouvoir vendre moins cher, il nous faudra en engranger une quantité supplémentaire. Seule la partie au-delà des 20% de coopération commerciale est répercutable aux consommateurs !!!
Comme répondu précédemment à meddoun, il y aura incontestablement des baisses de prix. Difficile (encore trop tôt) pour apprécier l’importance des hausses tarifaires.
Re dauvers (8/09/05)
Attention, cher Olivier, je suis d’accord pour dire que la bataille sur les grandes marques va se nouer sur la maîtrise des frais d’exploitation. Comme tu le dis, les hypermarchés cathédrales, mais aussi les groupes qui ont des frais de structures trop élevés, vont devoir faire du dégraissage.
Mais n’oublions pas. C’est le non-alimentaire aujourd’hui qui tire la croissance de la consommation. Pour avoir aussi visité récemment les magasins Colryut, je ne me fais aucune illusion. Ce type de magasin est inadéquat pour vendre des livres, des bijoux, de la parapharmacie, des cosmétiques, des textiles de marques, des voyages, etc. C’est la limite de ce système. Et c’est là où nos hypermarchés, en jouant la diversification, le conseil, le service après-vente, et le confort d’achat, ont des atouts qui restent impressionnants.
Oui, donc pour dire que Colryut, c’est un peu le « Edouard Leclerc » des années 60. Sauf qu’aujourd’hui, la part des dépenses alimentaires a chuté de moitié, et que la civilisation de la voiture, des résidences secondaires et de l’Internet exige une offre d’une autre nature…et par conséquent, un écrin différent.
Re Eric Normand (8/9/05)
Lorsque, sur certains produits, la marge arrière atteint 30% et que la loi va nous permettre d’en restituer 10%, le potentiel de baisse est du même montant. Pour autant, un magasin a besoin en moyenne de 25 à 26% de marge brute. Il est fort probable qu’au lieu d’aligner le prix sur le seuil de revente à perte, le prix trouve un point d’équilibre après une remise de 5%. Si ce n’est pas le cas, le distributeur ira forcément chercher « compensation » en se retournant vers l’industriel ; ou encore, des marges de « péréquation » sur d’autres produits (redéfinition des objectifs de la MDD, hausse des produits frais ou du non-alimentaire, etc).
Difficile de faire de la prospective. Si tout le monde s’accorde pour dire que la réforme va produire des baisses, les distributeurs n’entendent pas sacrifier leurs marges.
Dans la négociation qui se prépare, la place des MDD va jouer un grand rôle. Soit industriels et distributeurs trouvent les moyens de repositionner à la baisse le prix des grandes marques, et les MDD joueront un rôle d’appoint. A défaut, il y a fort à parier qu’on évolue vers un système à l’anglaise. Jusqu’à 50%, oui, assurément.
Re florent vacheret (9/09/05)
Non, ce n’est pas vraiment la mort du ticket. Simplement, la promo va redevenir promo. Et le ticket sera complémentaire à la politique de prix bas au lieu d’en être l’ersatz.
Re Spev (14/09/05)
Ne croyez surtout pas, cher Spev, que je sous-estime mes concurrents. J’ironise, fanfaronne parfois, provoque. Mais je respecte mes confrères, souvent plus qu’ils ne le font eux-mêmes. Et je ne sombrerai jamais dans un délit d’arrogance ou d’une quelconque suffisance.
Carrefour, comme d’ailleurs Casino, ont sous le pied des gisements de productivité. Ils ont aussi des cadres d’excellente qualité. Mais, vous le savez bien. Quelle que soit la mobilisation des managers de terrain, si le siège ne leur donne pas suffisamment de flexibilité, c’est peine perdue. Souvent, mes analyses n’ont d’autres sources que les récriminations de ces cadres que l’on croise en ce moment sur le marché du travail.
Mais d’accord avec vous. La nouvelle équipe dirigeante semble s’accrocher. On verra.
bonjour , leader encore en 2004 au niveau avec ue pdm en augmentation , par rapport au concurrent , je voudrais savoir si enfin vous allez vous lancer dans le hard discount , car il parait que ca vous demange, et que vu les profits engendres par ceux ci , casino peut dire merci a leader price c'est sa vache a lait !!!! , donc il parait que vous pouvez dans un temps relativement court creer ou transoformer 500 mag en hard discount
qu'en est il et surtout est ce vrai ,???
merci

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