ÉCONOMIE

Loi Macron : après l’ambition, la confusion !

Le premier round des débats sur la loi Macron à l’Assemblée nationale s’achève. J’avais adhéré à l’idée d’un texte ambitieux, audacieux, réformateur, qui devait décloisonner notre économie, relancer la croissance et décupler les recrutements.

A ce stade, le résultat est déconcertant. Je ne parle pas seulement de la mise en scène : à certains moments, et notamment à la fin, on se serait cru dans une université d’été d’un parti politique ! Non, je parle de contenu : Macron a ouvert sans aucun doute de nombreux chantiers, mais il a sous-estimé d’en consolider les fondations et a fini par perdre de vue l’architecture générale.

On voit bien que certaines mesures contribueront à remédier à des tracasseries. Mais je ne vois pas en quoi cette loi va booster la croissance, ni libérer des énergies.

Tout ce catalogue à la Prévert devient si confusant, avec tant de dispositions soumises à concertation ou négociations futures (cf. ouverture dominicale notamment)  que, vu du terrain, vu de l’entreprise, c’est quand même (excusez la vulgarité) un sacré bordel !

La Foire fouille, ça t’embrouille ?

Prenons le cas des permis de conduire. Le problème est réel, et à traiter d’urgence : 3 mois d’attente pour repasser le permis, c’est cher et c’est long ! Voilà alors qu’on nous sort cette histoire de postiers qui vont se voir conférer une fonction d’examinateurs du permis de conduire. Original ! On comprend que cette mesure va permettre de compenser des emplois supprimés à La Poste.

Mais à procéder ainsi, pourquoi ne pas voir plus large et dans la foulée proposer aux agents de la Sécu de surveiller les baignades sur les plages bretonnes ?

Idem pour le match Uber versus les taxis parisiens. Je suis perdu et la dizaine de chauffeurs de taxis que j’ai fréquentés la semaine dernière aussi ! Il en ressort quoi ? On pourra utiliser les VTC, mais on ne pourra pas les géolocaliser ? Vous y croyez, vous ?

Cette histoire de voyage en bus aussi me déboussole. On nous a présenté l’idée comme un moyen de faire baisser les prix des déplacements, pour favoriser la mobilité des Français les moins riches. Pourquoi pas, même si en matière d’ambition pour la justice sociale, on a connu plus audacieux.

Mais à l’issue du vote, on découvre finalement qu’une autorité administrative indépendante déterminera au cas par cas, si l’ouverture d’une nouvelle ligne de bus ne menacera pas le modèle économique de la SNCF. Qui imagine Sud Rail aller plaider pour l’ouverture d’une ligne concurrente ?

Le choc des corporations

On ne saurait reprocher à Macron sa pugnacité et même sa capacité à faire front face aux levées de boucliers corporatistes.

Montebourg partait sabre au clair contre toutes les professions réglementées, promettant la restitution d’un milliard d’euros aux consommateurs français. Son successeur était dès le départ plus prudent. Mais au final… il a reculé devant les pharmaciens, les huissiers, les avocats, les notaires… Est-ce pour ça qu’il a besoin de se payer les distributeurs ?

Le débat sur la tarification des actes notariés aura duré de très nombreuses heures. Je n’ai toujours pas compris l’impact pour l’emploi demain en France.

Finalement c’est dans le domaine de la législation sociale que les réformes auront été les plus nombreuses (épargne salariale, travail dominical, réforme des prud’hommes, réforme des procédures collectives…).

Mais comme je le disais, ces dispositions renvoient à des négociations ultérieures…qui pourraient ne jamais aboutir. Si c’est comme pour le Pacte de responsabilité…

Et l’emploi dans tout ça ?

Dans un pays qui s’enfonce chaque mois un peu plus dans le chômage, on aurait pu s’attendre à des propositions qui décoiffent. Il n’en est rien. Sans vouloir faire un plaidoyer pro domo, je trouve que les dispositions relatives au commerce et à la grande distribution vont même dans le sens inverse de l’objectif recherché. Pas de proposition constructive sur les filières alimentaires, rien sur la promotion de l’innovation, les accords commerciaux internationaux, la constitution d’un pôle industrie-commerce à l’export, etc.

Les 5 mesures concernant la distribution ne constituent que des contraintes supplémentaires, et des entraves à la croissance. J’ai parlé hier du risque accru pour les grands groupes à travailler avec « plus petit que soi » (amendes disproportionnées pour risque de déséquilibre économique). Et on connaît désormais la position des commerçants associés, tous vent debout contre l’atteinte à leur droit d’association.

Je rappelle que  les plans établis par E.Leclerc pour la période 2015-2017 prévoyaient 1 milliard d’euros d’investissements et 8 à 10.000 embauches. En adoptant l’article 10A qui casse les reins des commerçants indépendants, le gouvernement nous pousse à réétudier nos prévisions de développement. Idem pour Intermarché j’imagine. Quel est l’intérêt d’avoir fait ça ?

Quant au travail dominical, comprendra qui voudra. On a eu le droit à une belle zizanie. Le PS qui était contre quand il était dans l’opposition, s’y est finalement converti avec Emmanuel Macron. Plusieurs députés UMP sont toujours contre le travail dominical, mais soutiennent « le boulanger des Landes » dans sa revendication d’ouvrir son magasin 7 jours sur 7 ! C’est total loufoque, non ?

Sérieusement, pour les Zones touristiques internationales, c’est plus clair. Les élus locaux iront se rhabiller, c’est le ministre qui décide. On les laisse régler ça entre eux… Pour nous provinciaux, il n’y a qu’une seule certitude, les magasins qui étaient déjà ouverts le dimanche matin paieront plus cher leurs salariés. Mais tout le reste va dépendre de négociations futures. Bricorama attendra. Au moins E.Leclerc qui n’était demandeur de rien n’est pas ici déçu !

*

* * *

En vérité, à l’issue de ces débats parlementaires, on a quand même l’impression d’avoir assisté à de vastes trocs entre factions, entre groupes parlementaires… et au final, on ne voit plus du tout la cohérence globale de ce texte.

Bien sûr il y a aussi quelques bonnes idées comme cette histoire de prêt inter-entreprises ou ces mesures en faveur des voitures les moins polluantes et du covoiturage. Mais ce n’est pas faire injure à notre ministre que de remarquer que le texte souffre d’une certaine illisibilité.

En cela, je rejoins l’analyse de Jacques Attali qui, récemment auditionné par le Sénat, lâchait à propos de ce texte : « si l’on commence à légiférer sur des sujets mineurs on n’a aucune chance de pouvoir s’attaquer aux sujets les plus importants ».

Le texte va partir au Sénat. Les joutes politiques continueront-elles à l’emporter sur la rationalité et l’analyse des impacts sur les professions concernées ? D’une loi réduite à un catalogue à la Prévert, vont-ils pouvoir reconstruire un texte conforme à l’ambition initiale ?

La saison 2 de la Loi Macron s’annonce certainement palpitante pour les médias. Tout ce que j’espère, s’agissant de la future saison 3, c’est qu’il se trouvera quelques parlementaires avisés pour se souvenir que parmi les spectateurs, il y a des centaines de milliers de professionnels dont le sort se joue à la clé.

Posté par M.E.L

 

Nous n'avons malheureusement pas pu conserver les commentaires pour cet article et nous vous prions de nous en excuser.

0 Commentaires

Laisser un commentaire

Cette adresse n'apparaîtra pas à la publication
CAPTCHA