
Casino et Carrefour : le grand écart des prix
Il y a quelques mois, la grande affaire qui agitait les politiques et les lobbies, c’était la soi-disant guerre des prix dans la distribution. Lettre conjointe des syndicats d’industriels et d’agriculteurs au Premier ministre, réplique du syndicat des distributeurs, débat devant la Commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, grand-messe à Bercy avant l’été où le ministre Montebourg revendiquait le rôle du père Fouettard…on nous aura tout fait !
J’avais eu bien du mal à l’époque à faire entendre à mes interlocuteurs politiques que tout cela était en grande partie du cinéma. Eh oui, trente ans de métier, ça aide à relativiser les cris d’orfraie !
Mais de quoi parle-t-on vraiment quand on parle de concurrence ou de guerre des prix ? Et au-delà des mises en scène, des réclames et des prises de position, y a-t-il vraiment, dans la distribution, beaucoup d’acteurs qui sacrifient à cette fameuse guerre des prix ?
Je signe demain matin une campagne dans la presse quotidienne nationale et régionale qui vient interpeller deux concurrents du Mouvement E.Leclerc sur leur politique de prix. C’est une campagne extrêmement démonstrative. Les grandes enseignes ont su sacrifier les prix dans quelques magasins, mais dans l’ensemble, ça continue de marger.
C’est la vieille technique de l’îlot de pertes dans l’océan de profits.
Le principe est simple : on joue sur quelques outils de comparaison bien circonscrits, pour tenter de se faire (à peu de frais car le chiffre d’affaire « sacrifié » est limité) une image-prix de discounter. Objectif : faire croire au consommateur qu’on n’est « vraiment pas cher ».
Quand on observe de près les politiques de prix dans différentes enseignes, par exemple dans les groupes Carrefour et Casino, on constate que les baisses de prix ne sont en vérité que partielles, dans certaines villes, sur certains produits, dans certains réseaux, mais rarement dans l’ensemble de leur groupe.
Ces enseignes s’approvisionnent toutes auprès des mêmes centrales d’achat. Dès lors, pourquoi aboutir à des écarts de prix aussi importants, parfois même considérables ?
Le premier à avoir « levé le lièvre » est le journaliste spécialisé Olivier Dauvers. Le 7 novembre 2014, sur son blog, il posait la question à propos de la différence de prix entre les Carrefour drives et les magasins Carrefour :
« En proposant des prix inférieurs en drive (même si l’effet global sur l’indice n’est peut-être que d’un point), Carrefour prend en effet un risque gigantesque : pourquoi les clients accepteraient-ils durablement de venir en magasins pour payer plus cher ? (…) En fait, si je n’avais droit qu’à une seule question à Georges Plassat ou Noël Prioux (le patron France), ça ne serait pas « Pourquoi un pricing différencié ? » mais bien « Comment vous le justifierez le jour où ça sera vraiment public ? ».
Carrefour se cache derrière une politique-prix plus offensive sur ses drives, alors que ceux-ci ne pèsent que 200 à 300 millions d’euros dans son chiffre d’affaires. L’essentiel du business se fait en magasin, mais l’enseigne soigne principalement ses prix de drives pour donner l’impression d’être concurrentielle !
Le roi de la magie reste toutefois Jean-Charles Naouri, à la tête d’une enseigne Casino qui marge fort, et qui se cache derrière son format hypermarché (Géant Casino) pour faire croire au consommateur que c’est toute la « marque Casino » qui fait un effort sur les prix. Or, Géant Casino, c’est moins de 130 hypermarchés en France et surtout seulement 22% du chiffre d’affaires (France) du Groupe Casino (soit environ 9% du CA global).
Qu’il y ait des écarts entre les magasins d’une même enseigne, c’est bien normal quand il s’agit d’indépendants. Dans le réseau E.Leclerc, il y en a des meilleurs que d’autres en matière de prix. Mais la moyenne reste resserrée, et en dessous de la moyenne des concurrents.
Rien à voir en tous les cas avec les écarts spectaculaires révélés par cette publicité.
Les fournisseurs, prétendument convoqués sous prétexte de soutenir la guerre des prix, continueront-ils à financer la rente ?
Les consommateurs resteront-ils insensibles à de tels écarts (j’en connais qui traverseraient bien le périphérique pour acheter 15% moins cher s’ils en avaient conscience) ?
En tout cas, les adhérents E.Leclerc ont compris qu’il y avait là une faille chez leur concurrent, et s’il y a une guerre des prix à prévoir, elle portera en 2015 sur les magasins les plus chers. C’est ce que j’appelais, pour paraphraser Houellebecq, « l’extension du domaine de la lutte ».
15 Commentaires
Merci pour la démonstration mais les consommateurs le savent : Leclerc c'est moins cher que Carrefour et Leclerc c'est beaucoup moins cher que Casino!
Tous ceux qui font leurs courses le savent pour le constater dans les magasins, mais peut être que ceux qui en débattent le plus -les "politiques" de tous crins- ne le savent pas, alors peut-être en effet que votre démonstration, ou votre rappel, n'est pas inutile... Le mieux serait "qu'ils" se mettent à faire eux mêmes leurs courses...
De toutes les manières, puisque c'est moins cher, et tant que c'est moins cher, je continuerai d'aller dans le Leclerc près de chez moi (Sens), et apparemment ça n'est pas un secret puisque nous sommes plutôt nombreux à y faire nos courses!!! Oui, oui, des hommes aussi.
Et puis le yoyo sur les prix chez Carrefour, enfin passons...un jour ils vont quand même finir par se le prendre dans le nez lorsque cela remonte trop haut, ça va saigner et piquer les yeux!
En tout cas, pour les prix chez Leclerc, allez y continuez.
Charles, consommateur du Leclerc de Sens (Yonne).
Mais l'illustration proposée par l'agence de publicité Australie est tendancieuse .
Les piles de pièces ne "traduisent" pas à mon sens les taux indiqués .
Vous savez Monsieur Leclerc, si vous aviez la possibilité d'inventer quelque chose qui nous permette de continuer d'avoir des prix bas sans que les impôts aillent nous prendre dans l'autre poche ce que l'on a économisé sur les courses! Vous avez peut-être quelque chose dans la besace pour nous éviter cela parce que in fine pour nous, c'est la tonte assurée... Alors si vous avez, n'hésitez pas!
EB
A quand des supermarchés Leclerc de proximité pour pouvoir comparer un petit Leclerc avec un super U ou un Carrefour market
le marketing le prix plus fort va limiter le type de consommateur et va se positionner sur une demande modifiée par le pourvoir d'achat, le temps au consommateur de croire à une baisse durable qui peut se faire mais par l'investissement payé maintenant et par l'effort de certains professionnels !
les prix bas mais pas dans n'importe quelle orientation !
La plupart des supermarchés français du groupe Carrefour s'appelle désormais "Market", (et du coup vous prenez la mauvaise typographie pour le logo Carrefour), le logo Géant est obsolète, le logo Casino utilisé est celui du groupe et non celui des supermarchés (fleur)...