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Gag ou manip : pour qui « roule » Challenges ?

img_blog_150905_challenges La presse internationale vient de publier les excellents résultats des Centres E. Leclerc sur le marché français. Avec un accroissement de 0,4 pts de part de marché, et le meilleur taux de fidélité de toute la distribution, l’enseigne (17 %) creuse l’écart avec Carrefour (13,5 %) et les autres hypers. Mon ego n’aurait pas été égratigné si j’avais pu lire, dans la presse hebdo, quelques citations élogieuses du genre : « en hausse », « patron plus », etc… Eh bien, mes adhérents et moi-même sommes longtemps restés interloqués à la lecture d’une note publiée sur le site internet de l’hebdomadaire Challenges : « La grogne monte chez Leclerc ». Un gag ? Une manip ? Une erreur d’enseigne ? Lisez plutôt le boulet : On y apprend l’existence de « tensions à l’intérieur » des Centres E. Leclerc. « La fronde aurait atteint pas loin d’un tiers du parc des hypers en France. Ces adhérents n’apprécient pas que la valorisation de leurs magasins puisse perdre de 20 à 30 % depuis un an ». Tout ça écrit sans nuance et sans qu’aucun rédacteur n’ait pris la peine de s’interroger sur la crédibilité ou l’outrance des chiffres cités. Croyez-moi, ça sent le coup fourré. L’un de mes collaborateurs a téléphoné au journal. On lui a péniblement expliqué qu’une note d’agence boursière était à l’origine de l’info (mais pas question de la communiquer). Pour l’analyste signataire, les patrons de magasin « estiment qu’ils ne se sentent pas obligés de baisser leurs prix, comme le veut Michel-Edouard Leclerc ». Mon collaborateur a évidemment expliqué que l’information était d’autant plus incongrue que la politique commerciale du groupe était élaborée par les adhérents eux-mêmes et que ceux-ci venaient d’adopter (à l’unanimité) le plan d’action commerciale pour 2006. Ce que, chichement, d’ailleurs, relate l’hebdo : « Dans l’entourage de Leclerc, on explique que ce n’est pas au moment de négociations commerciales que l’unité des adhérents va se démentir ». Le démenti n’a servi à rien. Ce matin, Challenges s’entête. Il a repris l’info dans sa version papier. Et voilà, c’est parti…sur BFM, etc… Du délire ! Fallait-il que Challenges soit sur une mauvaise pente pour reprendre, à son compte, une information aussi décalée. La baisse de la valeur des magasins ? Oserais-je méchamment rappeler qu’il y a encore quelques semaines, Challenges se faisait une fierté de citer un max de nos adhérents dans la liste des Français dont le patrimoine s’est valorisé en 2004. (Et comme ça, pschitt…ils auraient perdu 30 % ?) J’ai fait mon enquête. La note boursière existe bien. Elle est rédigée par un analyste de Fideuram Wargny. Cette banque est récidiviste. En juin dernier, elle soutenait déjà les initiatives de Carrefour qu’elle valorisait par rapport à Leclerc. La rédaction de Challenges (qui, la semaine dernière, saluait la performance de Carrefour sans parler de la nôtre) aurait pu s’interroger sur cette concomitance. Et puis, depuis quand les analystes du CAC 40, en général focalisés sur les chiffres et les ratios, dissertent-ils sur la psychologie des indépendants. Et ils sont vraiment forts ces types-là pour pouvoir apprécier, par avance, des résultats financiers alors qu’aucun chiffre n’est encore publié. (Les prévisionnels s’annoncent excellents). D’accord, l’information économique n’est pas facile à vendre. Mais le groupe de Claude Perdriel nous a toujours habitués à plus de précautions et d’élégance. A vouloir être trop racoleur, Challenges est en train de perdre son crédit. Est-ce que la rumeur d’OPA sur Danone était du même acabit ? Ce matin, la rédaction me propose de répondre « à quelques questions sur la manière dont on dirige un groupe d’indépendants ». Excusez-moi, Claude, Vincent, Christine et les autres, mais vous en faites vraiment un peu trop. C’est lourd !

17 Commentaires

Ayant reçu les avants premières de Challenges par email, je me suis empressé de venir ici pour voir quelle serait la réaction de MEL au sujet de cette brève...
Constat N°1 : ça réagit vite sur Internet
Constat N°2 (non arrêté) : est-ce que la news de Challenges va faire plus de bruit que la réaction sur le blog ?
Constat N°3 : c'est peut-être le moment que les adhérents réagissent (en commentaire de cette note par exemple). Mais que se passerait-il si effectivement des adhérents confirmaient la news de Challenges ?
Je ne dis pas que c'est le cas, mais plus largement, est-ce que les adhérents suivent vos notes ? est-ce qu'ils sont toujours d'accord avec vos prises de position ?
M.E.L., principe de base de socio des medias :
1 information
+
1 rectificatif
=
2 informations
(et donc deux fois plus de bruit, et public touché et fidélisé)
D'où facilité à jouer la désinformation, et absence de scrupule quelconque à vérifier ses sources.
... comme vous le signalez avec pertinence, l'information doit se vendre...
Watapou
Il est clair que vous dérangez pas mal de monde avec votre campagne 'il est interdit d'interdire...', Challenge est devenu un hebdo donc il n'a plus le recul nécessaire pour mieux valider ses informations. Challenge n'y est pour rien à mon avis mais il y a surement quelqu'un extérieur au journal qui a monté cette campagne, A qui profite ce genre d'intox ? Fideuram Wargny semble rouler pour Carrefour...?
tiens, une info de presse qui mets à mal l'unanimité des adhérents (indépendants par nature et par vocation) devant le discours d'enseigne que vous personalisez.
ainsi certains seraient réticents à appliquer une baisse des prix ?
soit cette info est de l'intox. mais à qui profite le crime ? à challenge ? certainement en partie...aux concurrents ? ils ont d'autres chats à fouetter en ces périodes troublées de destruction de loi galland.
ou peut etre que certains adhérents vous lancent un signal, sorte de ballon d'essai, du style : attention MEL, nous sommes attachés à notre train de vie et à nos valorisations de fond de commerce, alors ne lancez pas n'importe quoi dans les médias...
je me souvient de la tempête qu'avait fait naitre les propos de mr edouard leclerc lorsqu'il avait annoncé à la presse qure les caissières des magasins étaient payées sur 17 mois...et le vent de révolte au sein même de la majorité des centres...
cela ne date pas d'hier, mais la technique est sans doute la même.
gardez vous de vos amis ? comme j'aimerai me tromper !
Pierre Chappaz se fait aussi copieusement allumer...
MEL
Allez donc plus loin... Dites nous en donc plus sur ce plan d'action commerciale voté mardi 13 par les adhérents... Ca commence la bagarre ?
Faut-il ajouter que Challenges tente peut-être à n'importe quel prix de se lancer en hebdomadaire, que son positionnement business est un peu léger et plutôt newsmag, et que le principe que semble s'être fixé la rédaction de Challenges c'est de sortir un scoop par semaine (cf. Danone et la série des intérêts de Bouygues pour Cegelec, pour Areva la semaine suivante etc)
Ah le journalisme à la Française : toujours du courage et de l'étude de fond pour débusquer la vérité.
Souvenez vous : le cancer de Mitterrand...
Bravo pour ta prise de position et ta transparence dans l'interview de Libération d'aujourd'hui concernant le carburant.
Conclusion : s'en tenir au blog pour avoir une information qui s'auto nuance ?
Quoi qu'il en soit, si l'info de ce magazine s'avère exacte, nous ne tarderons pas à avoir les échos des "frondeurs" concernés, non ?
et pour le moment, rien...
Re Yannick Lejeune (16/09/05)
Merci pour le compliment. J’étais désolé dimanche dernier. Pour obligations familiales, je n’ai pu me rendre au festival des blogs BD que tu avais organisé. Ce sera pour une prochaine fois. J’ai bien apprécié l’interview dans Bédéka. Super sympa !
Re dauvers (16/9/05)
C’est trop tôt pour dévoiler nos secrets de fabrication ! Et puis, il faut encore roder certains scénarios sur le papier (et les chiffrer !!!). Mais pour ce qui est de la bagarre, on est déjà en plein dedans. Je confirme l’information de LSA, dans sa rubrique « on en parle » (15/09/05). La Direction de la Concurrence était censée mettre un peu d’ordre dans les dépassements de SRP les plus spectaculaires. Quand 6 à 800 articles sont vendus de 10 à 25% en dessous du seuil de revente à perte, on ne joue plus à la pétanque ! Ca promet pour la fin de l’année.
Quand je pense que Thierry Breton voulait en plus qu’on vende à perte le carburant ! Deux mois à peine, après le vote d’une loi qui a renforcé les sanctions pour ce genre de délit ! Surréaliste, non ?
Re pierre (15/09/05), Re JBP (15/09/05)
Depuis que je suis professionnellement dans le groupe, j’ai toujours connu l’existence d’une bande d’irréductibles, un peu grincheuse, mais dont les critiques, pas toujours courageuses, fondent une exigence de pédagogie, d’explications, et d’améliorations aussi. Les premiers rangs tirent la classe vers le haut. Le milieu fait la moyenne. Ceux qui sont près du chauffage central se taisent pendant le cours, et s’ébrouent au café ou à la récréation. Mais j’observe, pour ce qui est des Centres E. Leclerc, que les opposants qui ont quitté le groupe volontairement depuis dix ans, se comptent sur les doigts d’une main (hors départ à la retraite, bien sûr). Je n’en connais aucun qui soit parti moins riche (euphémisme !). Quant à ceux (très rares) que nous avons dû radier, et qui ont rejoint un groupe concurrent, ils argumentent, dans le procès qu’ils nous font, les moindres rentabilités qu’ils y trouvent. C’est tout dire !
Au fond, je n’aurais pas reproché à Challenges de parler de débats, de critiques ou de coups de gueule à l’interne. C’est un lot quotidien dont nous savons même rire entre nous. Je reproche à Challenges sa bêtise, pour n’avoir pris aucun recul, procéder à aucune vérification sur les affirmations chiffrées et tenter le scoop… au moment évidemment le plus inadéquat.
Re phil (15/09/05)
Il est évident que cette intox fait partie de la guerre psychologique. Oui, nous dérangeons avec nos looks de notables provinciaux, rebelles à toute connivence d’alcôve et de sérail. Il est certain que si Leclerc, Intermarché ou Système U pouvaient exploser en vol, ça ferait des surfaces commerciales à racheter, des pressions sur les prix en moins, et surtout, un contre-pouvoir populaire en moins.
Re Watapou (15/09/05)
Vous avez tout à fait raison. C’est bien ce que j’ai ressenti. « Médisez, médisez »… Même en répliquant… « il en restera toujours quelque chose ». Entre-temps, le marché de l’information aura fait ses choux gras de la rumeur et du débat.
Re Adso de Melk (16/09/05)
Le marché de « l’information économique » a du mal à trouver le bon ton. Tantôt il est hyper tristounet (et rébarbatif). Tantôt, se voulant moderne et sexy, il est vidé de tout contenu, ou jongle avec la vérité. Il faut reconnaître que ce n’est pas facile pour la presse écrite. Quant à la TV, elle a tranché. Elle a tiré un trait dessus. Qui va relever le défi ?

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