Alain Senderens
A chaque fois que l’on parle d’évolution des modes de consommation, on se réfère au secteur du voyage, de l’automobile, ou des hypermarchés. Moi-même, dans mes différents argumentaires sur la nécessité de revoir à la baisse le prix des grandes marques, je n’hésite pas à me référer à la dynamique créée par le low cost aérien, les soldes dans le textile, les prix cassés sur les écrans plats, les bons d’achat dans les hypers, les packs (payant/gratuit) dans la téléphonie mobile, etc…
En lisant, hier, l’interview d’Alain Senderens dans Libé (mercredi 25/05), j’ai été séduit par l’élargissement de l’argumentaire proposé par ce pionnier de la nouvelle cuisine. Alain Senderens va renoncer à trois étoiles et quitter le guide Michelin. Apparemment, rien à voir avec un mouvement d’humeur, ni une quelconque préoccupation financière. A 65 ans, et après 28 ans de carrière, de l’Archestrate à Lucas-Carton, il remet en cause le lien entre le Beau et le Cher. Comme Joël Robuchon qui avait demandé que son Atelier quitte le classement Michelin, Senderens veut faire de la bonne cuisine, mais sans les codes du luxe : l’argenterie, la pléiade de serveurs, et la mise en scène désuète et coûteuse des palaces.
« Les jeunes ne vont pas dans des endroits où l’addition peut monter à 400 euros. On n’a plus envie d’avoir une demi-douzaine de serveurs qui s’empressent autour d’une tablée pour servir un plat ».
Bon, c’est évident. Même à 100 euros, ce ne sont pas les chômeurs qui défileront sous le dais du pape Senderens. Il ne va pas transformer Fauchon en HD. A l’image de ces nouveaux viticulteurs qui font des miracles (abordables) dans des terroirs que l’on croyait sans talent, des créateurs de bijoux ou de vêtements qui veulent mettre un peu de style dans toutes les bourses, ou de ce mouvement de designers qui veulent mettre partout du Beau dans l’Utile, Senderens conteste les codes établis, remet en cause leur pertinence et leur efficacité, capte les nouvelles attentes et veut coller au marché, quitte à repositionner « sa marque ».
« Nous avons été prisonniers de notre ego, qui nous a conduits à surinvestir dans le luxe, au prix, aujourd’hui, d’une crise profonde…Impossible dans un trois-étoiles de cuisiner une sardine ou un maquereau ». C’est l’inverse qu’il veut faire :
« Si vous préparez des produits moins nobles, vous êtes conduit à redoubler de créativité pour les remettre en valeur…Faire une cuisine dans un beau décor…mais à des prix raisonnables ».
Je n’ai été que deux fois dans ma vie chez Lucas-Carton (ce qui est déjà un privilège). J’adore la bonne bouffe, découvrir de nouveaux plats, quel que soit le type de restaurant. J’aime ces « chefs » qui savent se donner des défis.
« Il va falloir nous surpasser pour faire une cuisine de marché ». On oublie qu’il s’agit là aussi d’entreprises et de risques. Ici aussi, il faut s’adapter. Voilà encore un exemple, peut-être même un modèle, pour nous stimuler.
Nul doute qu’il faudra aller voir ça de près et humer les casseroles, place de la Madeleine.
« J’ai envie de m’amuser », dit-il à Vincent Noce de Libé. Super ! Nous aussi.
2 Commentaires
Maintenant, je crois que si les cuisiniers ont arreté de faire frire la sardine, ce n'est à mon avis pas un problème de luxe, mais parce que seul les pen sardines savent la cuisiner :)
Je voudrais avoir la chance de vous soumettre une idée concernant un nouveau concept de points de ventes qui donnerait à votre Groupe une forte image Européenne mais aussi très fortement protecteur des producteurs français. Ce concept viendrait s'afficher comme un défenseur des producteurs francais et vous mettrez définitivement à l'abris des manifestations diverses des producteurs mécontents sur le territoire national. Je vous laisse mon numéro qui vous permettra de me contacter si vous veniez à considerer ma sollicitation.
Cordialement.
Christophe BOULANGER 06 79 63 67 50