SOCIÉTÉ
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Négociations Industrie-Commerce : 1er round maîtrisé, 2ème round annoncé !
C’est un truc typiquement français. Nulle part dans le monde, les négociations commerciales ne doivent s’arrêter un jour de l’année. Partout, vous pouvez lancer des appels d’offres en Chine, au Brésil, en Allemagne, en Belgique sans qu’une institution vienne vous dire : stop, vous avez dépassé les délais. Eh bien, voyez-vous, en France, le législateur oblige les négociateurs à clôturer leurs discussions et à rendre leur copie chaque dernier jour de février sous peine de sanctions ou d’invalidité des accords commerciaux.
Il en résulte un accord-cadre annuel entérinant l’acceptation d’un tarif avec ses possibilités de rabais et de ristournes, les conditions de vente et d’achat, un planning promotionnel, etc.
Hier soir, donc, régnait, au sein de notre coopérative nationale, une atmosphère de fin de campagne. Dans les bureaux, les derniers représentants des grandes marques à n’avoir pas encore signé d’accord pinaillaient sur les virgules, demandaient des pauses, appelaient leur direction générale. Un exercice éreintant pour tout le monde, sans savoir dans quelles conditions les collègues et néanmoins concurrents, dans la même situation au siège de Carrefour, d’Auchan et autres, avaient négocié.
20h30 : Dans l’ambiance feutrée des couloirs (dont les lumières s’éteignent périodiquement parce que les économies d’énergie sont un des critères de l’intéressement salarial !), les négociateurs font la navette. On sent aussi le stress. Non seulement il leur faut rendre une copie garantie performante, mais en plus, il faut l’accord des services juridiques. La DGCCRF a d’ores et déjà annoncé qu’elle allait veiller au grain.
A cet exercice imposé, participent plus de 250 adhérents E. Leclerc et 2 000 à 2 500 représentants de l’industrie.
Vu d’un observateur qui ne serait pas impliqué, le paysage a des airs assez folklo.
Le directeur clientèle de Coca Cola a finalement atterri dans un bureau rempli de bouteilles de vin (grands crus, vins régionaux). Torture suprême, les bouteilles sont vides et ne sont exposées là que pour la recherche marketing.
Les équipes de Kraft sont scindées en deux. Dans un bureau, deux collaborateurs rédigent, avec les acheteurs, un texte pour lequel deux autres directeurs, dans un autre bureau, restent en ligne avec leur siège.
Dans une pièce d’angle, deux grands gaillards de chez Ricard continuent de plaider la cause de leur « maison » alors que la négo est finie depuis belle lurette. Des passionnés, hyper dopés après trois mois de négo, restent capables de justifier une augmentation de prix du fait du seul changement de conditionnement de la bouteille de Ricard.
L’équipe de L’Oréal, elle, s’apprête à partir. Dix semaines qu’on se crêpe le chignon. Finalement, on fait une photo de classe. Sûr qu’ils ramèneront le trophée à Jean-Paul Agon !
Dans la buvette improvisée (le bureau des acheteurs « liquides »), on rafle quelques échantillons de Rully et on fait main basse sur tout ce qui est mangeable : du saucisson Herta au pâté Hénaff, jusqu’aux cacahuètes salées Marque Repère. Malgré la fatigue, on dresse un premier bilan.
1) Tous les fournisseurs ont signé, sauf un, Lactalis, qui a voulu snober tout le monde en réclamant un accord global pour toutes ses marques…sinon rien. Vu l’impossibilité de négocier des hausses tarifaires (très supérieures aux fournisseurs du même secteur), c’est plié. D’ailleurs de lui-même, le fournisseur avait commencé à ne plus livrer ses camemberts Président, son lait Lactel, son Roquefort Société. Péché d’orgueil ? Volonté de nous jeter en pâture aux paysans ? Nos négociateurs n’ont pas cédé.
2) Tous sont d’accord. La première vague de hausses tarifaires est relativement jugulée. Ce n’était pas évident. Malgré les antécédents de 2008 qui avaient pris les distributeurs de court, jamais les fournisseurs n’étaient partis dans la négo « d’aussi haut ». En deux mois, les négociateurs ont dégonflé la baudruche presque de moitié. Des grandes marques se sont campées derrière des demandes de hausse de 12, 15 % (tarif brut) pour un atterrissage à 3 ou 4 % (tarif 3xnet). A ce stade, mes collègues pensent pouvoir confirmer : l’inflation n’excèdera pas 2 % en juin dans les magasins.
3) Mais les choses risquent de ne pas en rester là. Dans le secteur agroalimentaire, presque tous produits confondus, les fournisseurs annoncent dès à présent qu’il faudra compter avec une nouvelle vague de hausses. Certains, provocateurs, les annoncent déjà pour la semaine prochaine !!! Tous invoquent, en plus des cours élevés des matières premières, la remontée des prix de l’énergie impactant transport, conditionnement (PET), et coût de transformation. Jusqu’ici, la stabilité des prix non-alimentaires compensaient l’augmentation des ingrédients agroalimentaires. Mais désormais, ça chauffe aussi de ce côté-là.
Aussi, quand vers 23h00 les lumières se sont éteintes, s’il y avait un réel sentiment de satisfaction, il y avait aussi une bonne dose d’inquiétude !
18 Commentaires
Mais mon cher MEL, ce sont surtout, surtout à mes yeux, ces 3 mois de "négociations ubuesques" qui font de la France une exception.
Nulle part ailleurs, fournisseurs et distributeurs ne perdent autant de temps et d'énergie pour atteindre un compromis qui ne vivra que quelques mois. Nulle part ailleurs, les acteurs n'utilisent à ce point la communication et le lobbying pour faire passer le "partenaire" pour le grand méchant loup.
Mais que deviendraient les chiffres d’affaires du début d’année des taxis parisiens, de la SCNF et d’Air France sans ce ballet incessant de fournisseurs faisant la tournée des centrales d’achat pour revendre leur tarif.
Je déplore donc votre triomphalisme moqueur à avoir su dompter vos « partenaires gloutons ». Il ne s’agit pourtant que de l’aboutissement d’échanges commerciaux dans lesquels chacun défends logiquement ses intérêts et se doit d’assurer la bonne santé de son entreprise.
Il ne viendrait pas à l’esprit d’un fournisseur de raconter aux consommateurs certaines de leurs aventures pouvant se passer lors de ces négociations. Et pourtant, il y aurait de quoi faire faire de l’ombre à « La vérité si je mens »…
Faisons donc un pas pour rapprocher le commerce français du reste du monde : restons discret…
Il faut bien cicatriser pour prendre à nouveau des coups! Sinon c'est le K.O assuré.
La trêve est nécessaire pour le consommateur. Elle lui permet de trouver des produits en rayon.
Le match nul n'existe pas dans le commerce d'aujourd'hui. Il faut absolument 2 gagnants. C'est vrai qu'aujourd'hui il y en a toujours un qui gagne plus que l'autre...
reportage france2 il y a quelque jours poulet acheté 3.60 euro le kg revendu chez vous 7.60 euro le kg
Quand on veut donner des leçons on doit être irréprochable.
moi de mon côté je vais boycotté ton enseigne, d'ailleurs je n'ai pas le choix puisqu'il n'y a plus les marques que je consomme (président lactel)
L'emploi, la marge, le prix, le fric ou le stock ; à chacun son motif et pourtant, un peu de sympathie dans la valse des négociations.
Ce n'est pas une valse, c'est un tango...
Chacun veut faire porter son poid à l'autre.
Le calendrier a bien sûr sa justification, car les accords, jusqu'à preuve du contraire, sont annuels et le + souvent calés sur une année de janvier à décembre. Négocier en septembre sur un CA déjà réalisé depuis 9 mois, est ce possible ?Et si vous faisiez des accords pluri-annuels? gain de temps et d'énergie?
Vous avez parlé des grands fournisseurs? Comme d'habitude, les négociations ont été "pliées" plus rapidement avec les petits? dans quelles conditions?
Je ne me permettrai pas de juger du conflit vous opposant à la société Lactalis.
Toutefois, faire remplacer la totalité des ses produits par la marque "Delisse" m'as laissé un gout "amer" au propre et a figuré !
Qualité et gout ne sont pas au rendez-vous ! J'ai signifié chef du rayon crémerie de mon magasin habituel que je ne procéderai plus à aucun achat de cette dénomination.
Pour un groupe comme le votre, il serait temps de dire à vos acheteurs de se bouger le derrière et de trouver des produits goutus.Il n'y as pas que le prix d'un bien de consommation qui importe: connaissez vous la signification de rapport qualité/prix ? Trouver donc d'autres fournisseurs, cela fera peut-être infléchir la "pieuvre tentaculaire" Lactalis.......
Mais mon cher MEL, ce sont surtout, surtout à mes yeux, ces 3 mois de "négociations ubuesques" qui font de la France une exception.
Nulle part ailleurs, fournisseurs et distributeurs ne perdent autant de temps et d'énergie pour atteindre un compromis qui ne vivra que quelques mois. Nulle part ailleurs, les acteurs n'utilisent à ce point la communication et le lobbying pour faire passer le "partenaire" pour le grand méchant loup.
Mais que deviendraient les chiffres d’affaires du début d’année des taxis parisiens, de la SCNF et d’Air France sans ce ballet incessant de fournisseurs faisant la tournée des centrales d’achat pour revendre leur tarif.
Je déplore donc votre triomphalisme moqueur à avoir su dompter vos « partenaires gloutons ». Il ne s’agit pourtant que de l’aboutissement d’échanges commerciaux dans lesquels chacun défends logiquement ses intérêts et se doit d’assurer la bonne santé de son entreprise.
Il ne viendrait pas à l’esprit d’un fournisseur de raconter aux consommateurs certaines de leurs aventures pouvant se passer lors de ces négociations. Et pourtant, il y aurait de quoi faire faire de l’ombre à « La vérité si je mens »…
Faisons donc un pas pour rapprocher le commerce français du reste du monde : restons discret…
Il faut bien cicatriser pour prendre à nouveau des coups! Sinon c'est le K.O assuré.
La trêve est nécessaire pour le consommateur. Elle lui permet de trouver des produits en rayon.
Le match nul n'existe pas dans le commerce d'aujourd'hui. Il faut absolument 2 gagnants. C'est vrai qu'aujourd'hui il y en a toujours un qui gagne plus que l'autre...
reportage france2 il y a quelque jours poulet acheté 3.60 euro le kg revendu chez vous 7.60 euro le kg
Quand on veut donner des leçons on doit être irréprochable.
moi de mon côté je vais boycotté ton enseigne, d'ailleurs je n'ai pas le choix puisqu'il n'y a plus les marques que je consomme (président lactel)
L'emploi, la marge, le prix, le fric ou le stock ; à chacun son motif et pourtant, un peu de sympathie dans la valse des négociations.
Ce n'est pas une valse, c'est un tango...
Chacun veut faire porter son poid à l'autre.
Le calendrier a bien sûr sa justification, car les accords, jusqu'à preuve du contraire, sont annuels et le + souvent calés sur une année de janvier à décembre. Négocier en septembre sur un CA déjà réalisé depuis 9 mois, est ce possible ?Et si vous faisiez des accords pluri-annuels? gain de temps et d'énergie?
Vous avez parlé des grands fournisseurs? Comme d'habitude, les négociations ont été "pliées" plus rapidement avec les petits? dans quelles conditions?
Je ne me permettrai pas de juger du conflit vous opposant à la société Lactalis.
Toutefois, faire remplacer la totalité des ses produits par la marque "Delisse" m'as laissé un gout "amer" au propre et a figuré !
Qualité et gout ne sont pas au rendez-vous ! J'ai signifié chef du rayon crémerie de mon magasin habituel que je ne procéderai plus à aucun achat de cette dénomination.
Pour un groupe comme le votre, il serait temps de dire à vos acheteurs de se bouger le derrière et de trouver des produits goutus.Il n'y as pas que le prix d'un bien de consommation qui importe: connaissez vous la signification de rapport qualité/prix ? Trouver donc d'autres fournisseurs, cela fera peut-être infléchir la "pieuvre tentaculaire" Lactalis.......