SOCIÉTÉ Législation / Fiscalité

Loi Galland : Les conditions d’une bonne réforme

Ce matin à Paris, j’ai présenté à la presse économique les principales critiques émises par mon groupe à l’encontre du projet de réforme du Code du Commerce défendu par Christian Jacob. La Commission des Affaires Economiques du Sénat a commencé à instruire ce projet qui sera débattu le 6 juin. J’ai réitéré l’essentiel des arguments que vous avez pu lire en priorité sur ce blog et rappelé les conditions d’une bonne réforme. a) Le projet Jacob est difficilement praticable, tellement c’est une usine à gaz. Il augmente l’insécurité juridique en renforçant le caractère pénal des sanctions, y compris sur des infractions à caractère purement formel. b) Il ne crée pas les conditions de retour à la liberté des prix ou à la concurrence, comme partout ailleurs en Europe. La négociation est définitivement encadrée et sa pratique extrêmement limitée. c) Enfin, il maintient le principe des marges arrière en instaurant une marge minimum garantie à hauteur de 20 % du prix de revente. Ce qui me fait dire que cette réforme souffre des contradictions d’une politique gouvernementale qui prétend « lutter contre la vie chère », mais « limiter la concurrence par les prix ». Mais refusant de jouer les intégristes du prix bas et les jusqu’au-boutistes, j’ai proposé cinq pistes pour améliorer le dispositif : 1) Les abus doivent être sanctionnés, mais chaque professionnel doit être suffisamment motivé pour prendre des risques, innover, et animer par des politiques de gammes et de prix différenciées, une consommation aujourd’hui bien morose. Cela passe par la dépénalisation des infractions recensées dans le texte Jacob. 2) Il faut donner aux entreprises une visibilité à long terme, leur permettant d’infléchir durablement leur stratégie commerciale (retour à la concurrence par les prix plutôt que par des bons d’achat, restructuration des gammes, répartition des budgets promotionnels). La culture de négociation doit être recentrée sur le produit et sur son prix. Pour atteindre cet objectif, la réforme doit être progressive, mais irréversible. 3) Le seuil de revente à perte doit être redéfini de manière stricte, le plus clairement possible, sans souci d’interprétation. La solution qui paraît la plus incontestable a été proposée par la Commission Ollier-Chatel. Les fournisseurs doivent inclure dans leurs factures tous les avantages financiers. Le seuil de revente à perte doit pouvoir être défini à partir de ce prix, ristournes, remises et coopération commerciale déduites (triple-net), affecté provisoirement d’un éventuel coefficient multiplicateur. Pour les Centres E. Leclerc, ce coefficient de marge minimum doit permettre un accompagnement vers le retour à la liberté des prix et empêcher des prix dits de prédation. Il n’a pas vocation à durer. 4) Pour pouvoir compter sur une modification des comportements, cette marge minimum ne devrait pas excéder 10 %. Quels que soient les arbitrages sur ce sujet, c’est la dégressivité, année par année, de ce taux, qui assurera à cette réforme son efficacité. 5) Afin de mettre fin à toutes ces polémiques, les Centres E. Leclerc demandent instamment que soit rendu public l’avis du Conseil de la Concurrence sur le dispositif retenu. Le gouvernement a tardé à prendre acte de l’existence d’une bulle inflationniste sur les grandes marques. Il a fallu notre intervention et nos campagnes de publicité. Désormais, les consommateurs attendent des baisses substantielles de prix. Si le gouvernement s’entête à brider l’attractivité des hypermarchés, il va faire fausse route. Ne l’oublions pas, c’est la troisième fois qu’en huit ans, le législateur sera appelé à retravailler sur le Code du Commerce. Toutes ces modifications vont impacter l’ensemble des opérateurs économiques, y compris les sociétés de service et la vente à distance. Alors, essayons de faire du droit une matière durable. A suivre…

6 Commentaires

Cher MEL,
Toute cette discution autour des prix de ventes m'amène à vous poser trois questions :
1° Quelle est l'utilité de la marge arrière ?
Pour illustrer mon propos je vous propose cet exemple simple. Supposons que je sois un industriel et je désire vous vendre un produit 1€. Sachant que la marge arrière est de 20% (j'élimine volontairement l'aspect négociation), je le facture à la GD 1,25€ (soit 1€/(1-0,2)). Le prix de vente de la GD est déterminée sur base de 1,25€ + coûts + marges.
En fin d'année je vous ristourne les 20% convenus soit 1,25€ x 20% = 0,25€. Pour moi industriel il s'agit d'une opération blanche vu que j'obtiens mon prix désiré de 1€.
Sans marge arrière je vous facture un prix de 1€. Et donc le prix de vente devient 1€ + coûts + marges. Dans ce cas libre à la GD d'intégrer les 20 % dans sa marge.
En supprimant la marge arrière vous augmentez la flexibilité dans la détermination du PV et la négo avec l'industriel se concentre sur le prix d'achat soit les 1€.
2°Les produits MD ou PP sont ils soumis à ce principe de marge arrière ?
Par exemple pour la gamme Eco + ou N°1, l'absence de marge arrière n'explique-t-elle pas l'écart de prix entre celle-ci et les produits de marque ?
3° Est-ce que la structure de coûts du HD n'explique pas l'écart de prix entre les hypers et le HD ?
Pour fréquenter les 2 types de magasin je suis persuadé qu'à surface égale le coût du HD est largement inférieure à l'hyper. Et donc le consommateur sait ce qu'il peut attendre des 2 types de distributeur : prix, variété des produits, choix, rayons, rapidité, ... et choisit pour l'un des 2 concepts.
Enfin je trouve "hypocrite" l'attitude de certains ditributeurs qui tirent à boulet rouge sur le HD alors que la GD a intégré généralement une enseigne HD par exemple Carrefour/ED, Casino/Leader Price.
DL,
Si tu t'appeles Unilevers et que tu peux vendre tes barils de SKIP 10 euros prix pour que l'entreprise fasse un peu de bénéfice, mais que une loi française te permette de les vendre plus chers sans que le commerçant puisse retrouver à y redire(marges arrières interdite), que fais-tu?
Cher Erosoft,
A priori je suis d'accord avec ton raisonnement...
Mais est-ce Aldi, Lidl ou ED travaillent aussi avec des marges arrières ?
Concernant Unilever (ou Danone, ...) pourquoi la GD doit acheter 10€ et la négo alors(
Encore plus fort comment expliquer la différence de prix d'un même produit entre 2 pays ?
Re DL, Re Erosoft et Re do (12 et 13 mai 2005)
Je suis en retard pour les réponses, mais voici ce que je vous propose :
1. Autrefois (jusqu’à la fin du siècle dernier, sic), on vivait sans marge arrière. En tout cas, elle était marginale. Industriels et distributeurs qui avaient peur de rentrer dans un cycle de baisse des prix non maîtrisée, ont suggéré de développer des prestations de services facturées par le distributeur, et de les neutraliser dans les prix de vente aux consommateurs. Les discounters étaient contre (E. Leclerc, Intermarché), mais la majorité des distributeurs, notamment cotés en bourse, y ont vu le moyen de bénéficier d’une rente dont le chiffrage pouvait être annoncé aux actionnaires dès la fin de la signature des contrats. Et les grands industriels y ont vu un moyen de policer les prix sur le marché. C’est ça l’utilité des marges arrière. Je peux en parler, j’ai assisté à toutes les réunions, on a sollicité mon approbation, ce que j’ai refusé.
2. Les MDD et PP n’ont pas ou pratiquement pas de marges arrière. Les distributeurs peuvent répercuter directement leurs marges dans les prix. Cela explique une partie des différences. Autre facteur de bas prix : la maîtrise par chaque enseigne de tout le système logistique, promotionnel, pré-commandes, etc… L’écart entre MDD et grandes marques s’est évidemment creusé avec l’augmentation des marges arrière.
3. Oui, cher DL, le HD vend moins cher, comme l’hyper vend moins cher ses premiers prix parce qu’il n’y a pas de marges arrière. Mais ce n’est pas la seule explication : économie de frais de structure, de publicité, gamme très resserrée, voire pauvre, donc très forte rotation, etc… Les hypers ont d’ailleurs réagi, ils offrent maintenant des premiers prix encore moins chers (si, si !).
4. Les enseignes qui ont un réseau HD sont sacrément hypocrites quand elles refusent de remettre en cause la loi Galland. Elles cautionnent une sorte de segmentation du marché : un marché pour les riches (les marques), un marché pour les pauvres (HD). Sauf que, maintenant, les industriels, privés de débouchés suffisants en hyper, veulent vendre leur marque en HD. Et c’est là qu’on les attend au tournant (mon blog « les grandes marques dans le hard discount » du 28/05/05).
5. Normalement, les HD, n’offrant pas des prestations de services comme l’hyper, ne devraient pas « toucher » des rémunérations de marges arrière. Comme ce sont les mêmes groupes (DL a encore raison) qui possèdent les uns et les autres, cette équation est quasi impossible. J’imagine que c’est ce qui explique le revirement de Nestlé, Danone ou Procter, aujourd’hui, sur la loi Galland. Autant ramener tout le monde au prix net, et laisser les distributeurs se « débrouiller » avec leurs marges et les contradictions de leur stratégie de réseaux segmentés !
DO
La loi Galland rend impossible toute discussion sur le prix de vente au consomateur du coup il est impossible au distributeur de répercuter les avantages en remise immédiate. Le résultat, c'est que les prix sont poins chers ailleurs en Europe. Maintenant si tu prends un article en promo que tu déduis le bon d'achat qui est dessus, l'article est à un prix égal ou moins chers qu'à l'étranger.
Oui mais alors pourquoi ne pas donner des bons d'achat sur tous les produits? Parce que si c'était le cas chaque grande marque n'hésiterait pas à porter plainte pour manquement à la mise en valeur de leurs produits (payée via les marges arrières) en mettant en promotion ses produits et ceux de ses concurents...
Pourquoi les hypers n’ont-ils pas nécessairement intérêt à suivre une stratégie similaire à celle des « hard discounters », c'est-à-dire d’entrer eux aussi sur le marché du hard discount ?

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