SOCIÉTÉ Législation / Fiscalité

Loi Galland : Nouvel état des positions

Pendant que la République panse ses plaies et se cherche de nouveaux hérauts, la nécessité de réformer le Code du Commerce demeure. Le dossier est toujours pendant au Sénat. Quels que soient les aléas de la vie politique, tous les professionnels continuent d’y réfléchir, ne serait-ce que pour pouvoir élaborer les scénarios de leur politique tarifaire 2005/2006. 1) Christian Jacob : Théoriquement, jeudi 2 juin, je débats avec lui. Cette rencontre improbable a été astucieusement organisée par le directeur de la rédaction de LSA, Henri Loizeau. Je ne sais si le ministre maintiendra sa participation, remaniement oblige. Mais ça promet d’être assez tonique. Dans ses dernières positions, il adoptait un ton vraiment débonnaire : une combinaison de remarques sarcastiques et un flegme permettant d’anticiper tous les aléas. S’il est une chose qu’on ne peut pas lui reprocher, c’est la langue de bois. Devant le parterre des représentants du commerce associé (mon blog du 19 mai), il a rappelé que tout ministre qu’il était, il n’avait pas oublié cette bonne période où syndicaliste du CDJA, « il déménageait les magasins de Mel à coups de fourche ». On est évidemment très loin dans tout cela des préoccupations du secteur : pouvoir d’achat, panne de la conso, repositionnement des marques. Ce n’est apparemment pas son problème. Avec l’entêtement qu’on lui connaît, il ne semble pas se préparer à une quelconque négociation (ouverture !). Tout son discours tient dans ce précepte : « les prix bas tuent l’emploi ». En oubliant que l’inverse est encore plus vrai : les prix trop élevés des marques nationales favorisent l’achat de produits importés. Au rendez-vous de la macroéconomie (consommation en panne, commerce extérieur déficitaire), ses propos clientélistes finiront par coûter très cher. Cette politique-là qui oppose consumérisme et défense des corporations, achève de planter le pays ! 2) J’ai finalement rencontré le sénateur Cornu, jeudi dernier. Au vu de la technicité du dossier, il a compris qu’il fallait recevoir les « opérationnels » et pas simplement les « institutionnels » des fédérations. Décision intelligente. On me l’avait décrit comme un personnage peu enclin à se mobiliser sur ce dossier. Et surtout pas capable de remettre en cause les inepties du projet de loi. Erreur. L’homme est simple, quelque peu effacé, traduction d’une réelle humilité. Mais il écoute, il est très facile de discuter avec lui. J’ai trouvé son approche plutôt pragmatique (il rappelle qu’il fut opticien et qu’il connaît la fonction commerciale). Après quelques auditions (en rentrant dans la salle de commission, je croisais Arnaud Mulliez…), il s’est rallié à cette idée : « Ce n’est pas au législateur de fixer les prix, ni de s’immiscer dans la négociation ». Du coup, je le sens capable de quelques évolutions positives. Il n’en aura pas beaucoup le temps, ni les coudées franches. En revanche, il n’envisage pas de remettre en cause toute la batterie de sanctions pénales prévues dans le projet de loi : « Je peux faire avancer les choses, mais je n’ai pas tout à assumer ». 3) Thierry Breton, lui, semble vouloir aller plus loin. Je l’ai rencontré vendredi, avec son directeur de cabinet, Gilles Grapinet, et sa conseillère, Marion Zalay. Premier contact très positif. Jusqu’ici, il n’est pas intervenu sur cette partie du projet de loi « entreprises ». « A ma nomination, les partages de compétences étaient déjà faits : j’ai hérité du volet financier, fiscal (transmission et création d’entreprises), et Christian Jacob de la partie concurrence ». Néanmoins, il sent bien que la reprise de la consommation nécessite que l’on revisite le projet dans un sens plus mobilisateur (pour les entreprises) et profitable au gouvernement (à quoi bon tout ça s’il n’y a pas quelques baisses de prix à engranger). Ses services ont d’ailleurs mis au point un « panier type » pour mieux suivre l’évolution des dépenses en hyper. Jamais, dans la discussion, il ne s’est laissé aller à une quelconque critique à l’égard de C. Jacob, de Raffarin ou de Chirac. Pas intéressé pour un sou par la critique politique du projet. On le sent, lui aussi, très pragmatique : pas d’encadrement administratif de la négo, normalisation du droit français par rapport au droit européen, pas de diatribe anti-distribution, recherche d’un consensus sur les conditions d’une réforme progressive. « L’idéal serait de faire émerger une plate-forme commune industrie-commerce pour lever toute suspicion sur une méthode qui ne profiterait qu’à une des parties ». 4) Justement, on s’y emploie. C’était déjà une suggestion de Patrick Ollier et de Luc Chatel à l’AN. Puisque Christian Jacob revendique le soutien des fédérations (dont la moitié n’est pas directement concernée par le sujet ! ! !), il faut que les grands opérationnels parlent ensemble. C’est déjà ce qu’avait tenté de faire Claude Guéant, le directeur de cabinet de Sarkozy quand il était à Bercy. Donc, depuis deux semaines, au siège de la FCD et à l’Ilec, des groupes de travail ont rassemblé les dirigeants de Procter, Coca, Nestlé, Danone, etc…, d’un côté, et Carrefour, Leclerc, Auchan, Système U, etc…, de l’autre. Avec pour objectif une proposition concrète concernant deux volets majeurs de la réforme. L’un, substituant aux sanctions pénales un dispositif de répression plus conforme aux enjeux (sanctions civiles ou administratives ?) ; l’autre, qui devrait permettre de fixer, d’un commun accord, la définition du prix d’achat net, à partir duquel on appliquerait, sur deux, trois ou quatre ans, un coefficient dégressif de marge pour tendre vers un régime normalisé. A suivre, pour de nouvelles aventures…

6 Commentaires

Bonjour Mr M.E.L.,
Voir le profil des intervenants majeurs dans le processus de révision de la loi galland est très intéressant.
Mais comment peut-on se tenir au courant de la proposition qui va être faite par les distributeurs et les industriels, ainsi que des avancées du gouvernenemt dans la réforme.
Qu'en est-il de la révision de la loi dite "raffarin"? On en a entendu vaguement parlé il y a à peine 6 mois et depuis plus un mot?
Sébastien,
Il n'y a rien sur l'équipement commercial dans le projet de loi Jacob.
En revanche, il faut suivre sur ce sujet une proposition de loi déposée par le sénateur Fouché.
MEL,
Félicitations, à nouveau, pour votre blog qui nous permet d'être tenus au courant sur cette réforme.
Michel-Edouard,
Si les prix baissent, ce sont les magasins qui vont financer cette baisse.
Le peuvent ils ?
Ne vont ils pas demander à leurs fournisseurs de leur donner de l'argent pour le faire ?
Ce sera une baisse durable ou "de la poudre aux yeux " ?
Merci d'avance pour votre réponse.
Bon courage avec Dutreil ! Soit il revient sur ce qu'il a dit dans le passé et il passe pour un con, soit il maintient et il n'y a plus de réforme de la loi Galland !
Re : Sébastien (01-03/06/05)
Prochain rendez-vous, la semaine prochaine, pour une nouvelle note sur l’état du front, dans les discussions sur la réforme de la loi Galland.
Re : Guillaume (02/06/05)
Désolé, mais je croyais avoir déjà répondu à votre question.
Oui, les distributeurs peuvent baisser leurs prix. Ne serait-ce qu’en transformant les bons d’achat, les promotions et les opérations d’offres gratuites, en baisse directe de prix. Ca peut représenter entre 5 et 10 % des articles.
Mais les industriels aussi. Certaines entreprises ont augmenté leurs tarifs de 20 % en 3 ans. Leurs ventes en ont été freinées. Certaines ont profité des accords Sarkozy pour baisser leurs prix de 15 %. Elles ont été peu nombreuses. Il y a « de la marge » du côté des industriels aussi.

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