SOCIÉTÉ Législation / Fiscalité

Réforme de la Loi Galland : Le cas du petit commerce

Leclerc_Luky_1_090605.jpgLeclerc_Lucky_2_090605.jpg En France, c’est une habitude. Pour se protéger des effets de la concurrence, « les gros » se planquent toujours derrière « les petits ». Pour défendre le monopole de la pharmacie (sur les cotons-tiges et les crèmes de beauté !), ce ne sont pas les labos qui ont plaidé, ni même les officines du XVIème. C’est la pharmacienne (de zone rurale !) qu’on a envoyée au JT de Jean-Pierre Pernaud pour verser une larme et illustrer la faiblesse des marges. Idem pour les pétroliers qui se sont honteusement servis des petits pompistes pour convaincre les élus des effets dévastateurs de la baisse des prix, ou les petits libraires, figures emblématiques du combat contre la méchante Fnac. C’est le même scénario que nous jouent les grands magasins et les succursalistes (Monoprix, Casino, etc…) pour qu’on ne touche pas à la loi Galland. Après son voyage en Hollande, organisé par les RP de Casino, Christian Jacob, notre récent « ancien Ministre du Commerce », me parlait ainsi : « A Provins (il en est le maire, apprécié d’ailleurs !), j’ai un Leclerc et un Intermarché. Si je les laisse trop baisser les prix, ça va encore creuser l’écart avec le petit commerce du centre ville. Ils vont crever ». L’argumentaire est habile. Il mélange réalisme sociologique et affectif. Mais il occulte le fait que la marge d’un commerçant (pompiste, libraire, etc…) dépend non seulement de ses prix de vente, mais aussi de ses conditions d’achat. Si les petits commerçants « ne peuvent pas suivre », c’est bien à cause de la discrimination dont ils sont victimes à l’achat. Obliger tous les hypers de France à garder leurs marges arrière, voilà un prix bien élevé qu’on fait supporter à tous les Français. L’argument ne tient plus quand, à moindres frais, il suffirait de s’en prendre aux prix de gros et à la relation de dépendance dans laquelle le grand commerce tient ses revendeurs. Le mensuel « Linéaires », dans son édition de juin (numéro 204), livre une intéressante interview de Serge Méresse, avocat de plusieurs commerçants franchisés. Il rappelle, à juste titre, que le débat sur la loi Galland s’est focalisé sur la relation industrie-commerce, « sans se préoccuper des relations centrale/franchisé…Ceux-ci ne peuvent pas baisser leur prix au client final parce que les prix d’achat sont trop élevés et parce que la part de coopération commerciale leur revenant ne leur est pas reversée ». Voilà qui devrait dédouaner un gouvernement dont le Premier Ministre vient de réaffirmer qu’il veut faire baisser les prix. Le petit commerce, ce sont des hommes et des familles qui méritent qu’on s’occupe de leurs problèmes. Mais ce sont essentiellement des marchands de fruits et légumes, des charcutiers-traiteurs, des bouchers… qui ne sont pas directement concernés par la vente des produits de grandes marques. Les autres (petits magasins et supérettes représentant moins de 5 % de part de marché) s’approvisionnent auprès de grossistes (Ripotot, Aldis, Disval, Cercle Vert) ou de franchiseurs (Casino, Promodès, etc…) qui ont les mêmes conditions d’achat que les hypers. Il dépend de Casino ou de Carrefour-Promodès que les petits magasins à leur enseigne (8 à Huit, Shopi, etc…) vendent moins cher… et arrêtent ainsi de polluer un débat qui prive tous les Français de la baisse des prix. Ce qu’Intermarché ou Système U arrivent à faire dans leurs petites surfaces est évidemment à leur portée. Le législateur ne peut se laisser abuser à ce point. Ce n’est pas dans la mission de la loi que de permettre à ces succursalistes de s’engraisser sur le dos des Français ou de leurs franchisés. Leclerc_Lucky_3_090605.jpg Luky Luke in "La belle province" Achdée, Gerra & Morris (Lucky Comics Ed.)

13 Commentaires

Le combat des grands contre les petits est également valable dans le domaine de la musique.
Des artistes qui restent dans des petites structures et ont du mal à se faire connaitre.
Affaire à suivre...
Plus d'infos sur bnflower.com
"Mais ce sont essentiellement des marchands de fruits et légumes, des charcutiers-traiteurs, des bouchers… qui ne sont pas directement concernés par la vente des produits de grandes marques."
Laissez-moi sauter au plafond! Vous citez des métiers que les grandes surfaces ont soit tués aux trois quarts, soit asservis pour les réduire au fait de remplir des cagettes de polystyrène avec de la vache de réforme. La boucherie, c'est un métier de conseil, d'accueil, de choix des carcasses (sinon d'animaux sur pieds), de découpe, de parage... dont les grandes surfaces ont fait une espèce menacée. La charcuterie et la cuisine, ce sont des arts majeurs qu'on ne transforme pas en process industiels sans les affadir et leur faire perdre leur sens. Le primeur, c'est l'art d'offrir un fruit à juste maturité, sans tricherie pour allonger les chaînes du froid qui effacent toute saveur.
Bien sûr, aujourd'hui, vous pouvez comparer les petits commerçants aux grandes surfaces, puisqu'en prenant le contrôle total des filières, celles-ci ont imposé leurs standards. Résultat: aujourd'hui, il faut se lever tôt pour trouver un fruit, une viande ou un pâté dignes de ce nom.
Si je comprends bien, la loi Galland ne s'applique pas aux produits frais ? Is that correct ?
Mel, est-ce que vous pensez que l'on peut convaincre les succursalistes ou les franchiseurs de modifier leur comportement autrement que par la loi ? Et, si c'est non, quels dispositifs prévoir ?
Sinon, j'ai vu que l'INSEE reconnaissait une baisse du pouvoir d'achat de 0,3% pour 2003. J'ai l'impression qu'ils tenaient un autre discours il y a peu. Faut-il rappeler que l'INSEE est une direction du ministère de l'économie. Elle gagnerait peut-être un petit peu à prendre, au moins formellement, son indépendance !
M. LECLERC pas d'hypocrisie, il vous faut demander aussi la suppression de le loi LANG, cette mini loi Galland qui protège les libraires et pouvoir vendre les livres au prix que l'on désire .. ET JE NE VOUS ENTENDS PAS SUR CE SUJET!!
Moi je sais une chose : c'est qu'étant completement démuni...PAUVRE en bon français...et bien il y a plusieurs années que je peux plus mettre les pieds dans ces si charmants petits commerces de la "zone pietonne" que je ne peux plus esperer acheter quoi que ce soit comme fruits ou legumes sur ces si "typiques marchés des halles restaurées à l'ancienne" du même centre ville ( Guérande tiens...) Je vais chez Edouard L. Je prends les produits Eco+ ( qui sont d'ailleurs très bon).Et pour 35€ en moyenne je fais mes courses ( toutes) pour la semaine. Je ne vais pas aux resto du coeur bien qu'y ayant droit.
Je suis pauvre (350€ par mois) mais pas dans la misére. Je n'ai pas l'impression de vivre de la charité. Je fais mes courses et je mange.
Tiens je vais finir mon taboulé...
Moi je sais une chose : c'est qu'étant completement démuni...PAUVRE en bon français...et bien il y a plusieurs années que je peux plus mettre les pieds dans ces si charmants petits commerces de la "zone pietonne" que je ne peux plus esperer acheter quoi que ce soit comme fruits ou legumes sur ces si "typiques marchés des halles restaurées à l'ancienne" du même centre ville ( Guérande tiens...) Je vais chez Edouard L. Je prends les produits Eco+ ( qui sont d'ailleurs très bon).Et pour 35€ en moyenne je fais mes courses ( toutes) pour la semaine. Je ne vais pas aux resto du coeur bien qu'y ayant droit.
Je suis pauvre (350€ par mois) mais pas dans la misére. Je n'ai pas l'impression de vivre de la charité. Je fais mes courses et je mange.
Tiens je vais finir mon taboulé...
Re Melfrid (10/06/05)
Eh, mais, Melfrid, vous avez lu trop vite ma note. Il n’y a aucun dédain, aucun mépris, ni marques d’irrespect à l’égard des bouchers ou des légumiers dans mon texte. Au contraire, j’ai écrit « ce sont des hommes et des familles qui méritent qu’on s’occupe de leurs problèmes ». J’ai simplement dit qu’ils n’étaient pas directement concernés par le problème des prix sur le Coca-Cola, l’Ariel ou les gammes de cosmétiques L’Oréal !
Pour le reste, je partage plutôt votre point de vue. Je considère aujourd’hui que l’offre de produits frais dans les hypers n’est pas à la hauteur des meilleurs commerçants traditionnels. Il y en a des bons des deux côtés, mais en moyenne, d’énormes efforts sont à faire : diversité des choix, qualité des produits.
Je ne suis pas pour que les distributeurs prennent le contrôle des filières. Mais je crois qu’il nous faut une nouvelle génération de professionnels pour réapprendre tous ces métiers.
Ceci dit, il ne faut pas non plus donner une vision idyllique de ce qu’était le métier de boucher ou de charcutier. Je connais. Beaucoup de mes adhérents y ont été formés. Sur le plan sanitaire, sur le plan des pratiques sociales, voilà des secteurs qui, en refusant d’évoluer, ont été les artisans de l’infidélité des consommateurs.
Re yohan (9/06/05)
Oui, Yohan, le lien de dépendance est toujours plus fort quand on est petit et les tentatives de regroupement des artistes en coopérative, pour s’auto-produire, ont souvent tourné court, faute d’implication suffisante des artistes. A suivre donc, comme vous dites.
Cher M.E.L
Alors ce petit dîner avec Mr Dutreil, c’était comment? Apparemment du peu que j’ai vu dans la presse vous (au sens large) n’avez pas réussi à le convaincre. Pourtant, lors du petit dejeuner LSA, vous aviez dit chercher un consensus avec les producteurs. L’lec vous avez soutenu. Que s’est il donc passé? J imagine que vous n’êtes pas d’accord avec la definition du SRP. L’un part du haut et l’autre du bas. Est ce que cela fait une difference (je ne suis pas juriste) si le resultat est le même? Pourquoi ce désaccord? Merci de vos lumieres, je nage dans le brouillard.
Amicalement
Michael
Si la loi Galland ne s'applique pas aux produits frais, pourquoi entend-on la FNSEA sur ce sujet, pourquoi ces baroufs dans les étals des hypers ? Y'a un truc qui m'échappe !
Re : RogerVador (11/06/05)
Exact, Roger Vador. Je me suis tu sur la Loi Lang. Les centres E. Leclerc y étaient opposés. Nous avons mené ce débat dans les années 80. Nous estimions que le prix unique du livre, à travers toute la France, n’était pas la bonne solution pour sauver la librairie française. Les faits nous donnent d’ailleurs raison.
Nous avons juridiquement perdu. Les centres E. Leclerc n’ont pas réussi à obtenir cette liberté auprès de la Cour de Justice Européenne qui a estimé qu’au regard des traités, il n’y a pas perturbation des flux intracommunautaires. Et devant le juge national, non seulement nous avons perdu (évidemment) ! Mais surtout, notre association a été privée du droit de mener campagne contre cette loi. Ainsi vont la démocratie et le débat…
Re Emile (11/06/05)
Je suis bien d’accord avec vous. Et j’affirme : il y a près de dix années d’inflation (dix années d’augmentation de salaire !) qui séparent l’achat d’un produit Eco+ d’un produit à marque dans le commerce traditionnel. N’en déplaise à nos élus, mais aussi à beaucoup de Français que ces problèmes de consommation ne mobilisent pas : les plus démunis ont besoin de ces produits premiers prix.
Ceci dit, quand je vous lis, et que je découvre que vous vivez avec 350€ par mois, je veux rester humble dans le propos. Car évidemment, acheter moins cher apporte un mieux, mais ne remplacera jamais une politique de revenus plus décente. Bon courage donc.
Re Michael (13/06/05)
Cher Michael, désolé de répondre si tard. Je vais faire une note, la semaine prochaine, sur l’état des positions et des scénarios concernant la réforme de la loi Galland, avant l’ultime débat à l’Assemblée Nationale. Et je vous répondrai ainsi plus en détail. Amicalement.

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