SOCIÉTÉ Législation / Fiscalité

Vendre des marques, un risque pour la grande distribution !

 D'accord avec Jérôme Bédier, le Président de la Fédération du Commerce et de la Distribution. Avec le projet gouvernemental (loi Galland), « la revente des produits de marque... deviendra un métier suspect, un métier à risques ». Le propos n'a rien d'excessif. Dans aucun autre pays européen, les pouvoirs publics n'ont développé avec autant d'acharnement un arsenal aussi répressif à l'égard des commerçants.

Dans le cadre de la législation actuelle, l'exercice quotidien du métier de distributeur s'apparente déjà à la traversée d'un champ de mines.
1) Il s'y génère des millions d'opérations (facturation achats/ventes, publicité, promotions), ce qui rend statistiquement inévitable un certain nombre d'erreurs ou d'irrégularités (il n'y a pas un juriste dans chaque magasin !).
2) La plupart des infractions sont passibles de sanctions pénales, assimilables à des délits graves, pouvant aller jusqu'à imposer des peines infamantes (casier judiciaire, interdiction d'exercice du métier, etc...).
3) Or, le droit pénal répond à des exigences strictes. La qualification de la peine est quasi automatique et aveugle. La défense est complexe.
1er exemple : la publicité mensongère. Si un produit annoncé dans un catalogue est indisponible en magasin du fait d'un retard de livraison dû au fournisseur, le commerçant est condamnable. Même s'il prouve que la commande a bien été confirmée dans les délais ! C'est comme ça. En droit pénal, il n'est pas possible de se justifier en invoquant la responsabilité d'autrui.
2ème exemple : la revente à perte. En France, c'est un seuil artificiel (qui ne tient pas compte des marges arrière). Un commerçant peut être condamné pour revente à perte si son prix est inférieur à celui qui figure sur la facture du fournisseur. Peu importe qu'il gagne de l'argent, et que cette facture ne reflète pas la réalité des conditions financières d'achat. Il encourra une amende de 75 000 euros, par produit vendu, et la peine peut être doublée en cas de récidive ! ! !
4) Autre caractéristique du droit français : il privilégie la forme (la qualité d'un document écrit) sur le fond (consentement des parties qui ont signé le contrat). Il suffit que la Direction de la Concurrence conteste l'énoncé d'un contrat pour que le distributeur soit inquiété et condamné. Une facture qui ne contient pas l'ensemble des mentions prévues par la loi est punissable d'une amende de 75 000 euros pour une personne physique et de 375 000 euros, pour une personne morale.

Le projet de loi Jacob renforce encore les sanctions pénales. Qu'on en juge par ces deux exemples aberrants :
a) En complète contradiction avec la liberté des contrats et les aléas du cycle des affaires, le texte prévoit une peine de 15 000 euros d'amende pour le distributeur si les contrats de coopération commerciale ne sont pas signés avant le 15 février de l'année en cours. Une manière de forcer la négociation ? Une manière d'interdire les contrats ou même d'autres propositions commerciales du distributeur à partir du 16 février ?
b) 15 000 euros d'amende encore si le distributeur n'a pas établi, le 31/01, un récapitulatif du montant total des services de coopération commerciale que chaque fournisseur aura réglé l'année précédente. Une demande des fournisseurs ? Bien sûr que non, ils savent ce qu'ils ont versé. Alors à quoi ça sert ? Au seul confort de l'administration qui disposera ainsi d'un tableau exhaustif pour faciliter ses contrôles.

Mais le fin du fin, c'est la possibilité pour l'administration, en imposant une transaction, de qualifier elle-même les irrégularités qu'elle aura constatées. Elle cumulera, contre tous les principes du droit moderne, la possibilité de rechercher les infractions et d'engager des poursuites, à sa guise, même en l'absence de plainte du fournisseur ; de définir le montant de la sanction. Face à un juge, on peut toujours essayer de plaider. Avec le principe de transaction, il n'y a plus de défense. Le commerçant casquera !
Et les industriels ? Dans la pratique, ils sont moins inquiétés par l'administration. Mais les organisations patronales (MEDEF) ne peuvent décemment pas plaider pour eux-mêmes une dépénalisation des infractions commerciales et vouloir ces sanctions pour les seuls distributeurs. Et comme le dit Jérôme Bédier, à force d'être considérées comme des délinquantes, « les enseignes finiront par vendre moins de marques ».

10 Commentaires

« les enseignes finiront par vendre moins de marques ». N'est-ce pas déjà le cas? Même si les marques sont toujours présentes en magasin, les MDD ont pris beaucoup de place dans le chariot, en particulier depuis la loi galland.
En lisant l'ensemble de ces lois je continue de me demander qui de l'état ou du distributeur est le marchand!
Une autre interrogation me vient à l'esprit, à qui va l'argent lorsqu'aucune plainte n'est déposé (donc que le fournisseur ne s'estime pas laisé) et que le législateur décide de condamner le commerçant?
Une autre question m'interpelle au passage, lorsqu'un produit en promo n'est pas ou plus disponible et qu'il sera impossible de l'obtenir est-ce que en tant que client je peux porter plainte auprès de la DGCCRF pour obtenir réparation? C'est juste pour lancer un moyen honnete de gagner de l'argent pour ceux qui se font rembourser leurs courses, parce qu'ils découvrent curieusement après avoir mangé 90% de leur article qu'il y avait un défaut ;)
Vendre des marques - Réponse à Erosoft (06/04/05)
Pour répondre « à la louche » à votre question sur les sanctions, il faut distinguer deux cas principaux selon la qualification des infractions :
- Si l’administration conteste par exemple l’inadéquation d’une facturation (contestation formelle), la sanction est une amende : elle va dans la poche du trésor public.
- Si l’administration considère que la pratique en infraction lèse le fournisseur (pratique discriminatoire, par exemple), elle peut sans même en informer le fournisseur, ni lui demander son avis, faire sanctionner le distributeur. Le fournisseur aura ainsi droit à réparation alors qu’il était pourtant co-signataire du contrat.
Les PME ne sont évidemment pas mécontentes d’un dispositif qui leur évite de porter plainte et d’altérer ainsi une relation commerciale qui leur est nécessaire. Elles se servent de l’administration comme intermédiaire et comme porte-glaive. Mais vous comprenez aussi que c’est tout bonus pour les grands industriels. Officiellement nos acheteurs s’entendent dire « On n’y est pour rien, on n’a pas porté plainte, on ne conteste rien ». Mais derrière, le travail est fait par l’administration, sans risque pour le fournisseur qui a pourtant signé le contrat et donné son aval à la transaction : « Je suis d’accord, mais si on t’oblige à me rendre, je te plaindrai mais c’est quand même toujours ça d’économisé ».
Pourriez vous me communiquer la date de fin de votre campagne publicitaire prenant les consomateurs pour des débiles.
Merci
Réponse à Fromi (13/04/2005)
Le débile, c’est celui qui reprend à son compte un slogan qui a pour seul mérite d’économiser les arguments et de figer les débats. On n’est pas con parce qu’on est consommateur et on ne méprise pas les autres lorsque, par voie publicitaire, on interpelle les gens.
Je vous rappelle, Fromi, qu’il n’y aurait pas eu révision de l’indice des prix INSEE, révision de l’indice du pouvoir d’achat, ni débat sur la refonte de la loi Galland si je n’avais pas fait ces campagnes de publicité. Que vous soyez critique du contenu ou du graphisme, soit. Mais pourquoi serais-je assez débile à mon tour d’encaisser les attaques qui se contentent de faire passer les distributeurs pour des profiteurs alors que, pour le coup, je ne demande qu’à baisser les prix.
Je suis actuellement en 1ere année de communication, et nous étudions le problème de la grande distribution et de la "guerre des prix", plus spécialement avec votre campagne de communication en presse écrite (qui date déja de plusieurs mois je crois). Je suis tout à fait consciente de votre volonté de baisser les prix, mais je ne comprends pas pourquoi les grandes marques, ou plutot les fournisseurs, ne le font pas de leur propre initiative, étant donné la rude concurrence que sont les MDD aujourd'hui(comme le fait remarquer si judicieusement Erosoft).Il me semble en effet que ces dernières gagnent du terrain sur les grandes marques, car ce sont de plus en plus des produits de qualité, et la différence de prix est souvent immense, il me parait donc logique, si les marques veulent continuer à exister et garder leur avance sur les MDD, qu'elles baissent leur prix. Le distributeur, vous en l'occurence dans mon exemple, n'y etes pour rien!
Pouvez vous svp m'aider à y voir plus clair si je me trompe dans mon analyse?
merci d'avance. Marine
« les enseignes finiront par vendre moins de marques ». N'est-ce pas déjà le cas? Même si les marques sont toujours présentes en magasin, les MDD ont pris beaucoup de place dans le chariot, en particulier depuis la loi galland.
En lisant l'ensemble de ces lois je continue de me demander qui de l'état ou du distributeur est le marchand!
Une autre interrogation me vient à l'esprit, à qui va l'argent lorsqu'aucune plainte n'est déposé (donc que le fournisseur ne s'estime pas laisé) et que le législateur décide de condamner le commerçant?
Une autre question m'interpelle au passage, lorsqu'un produit en promo n'est pas ou plus disponible et qu'il sera impossible de l'obtenir est-ce que en tant que client je peux porter plainte auprès de la DGCCRF pour obtenir réparation? C'est juste pour lancer un moyen honnete de gagner de l'argent pour ceux qui se font rembourser leurs courses, parce qu'ils découvrent curieusement après avoir mangé 90% de leur article qu'il y avait un défaut ;)
Vendre des marques - Réponse à Erosoft (06/04/05)
Pour répondre « à la louche » à votre question sur les sanctions, il faut distinguer deux cas principaux selon la qualification des infractions :
- Si l’administration conteste par exemple l’inadéquation d’une facturation (contestation formelle), la sanction est une amende : elle va dans la poche du trésor public.
- Si l’administration considère que la pratique en infraction lèse le fournisseur (pratique discriminatoire, par exemple), elle peut sans même en informer le fournisseur, ni lui demander son avis, faire sanctionner le distributeur. Le fournisseur aura ainsi droit à réparation alors qu’il était pourtant co-signataire du contrat.
Les PME ne sont évidemment pas mécontentes d’un dispositif qui leur évite de porter plainte et d’altérer ainsi une relation commerciale qui leur est nécessaire. Elles se servent de l’administration comme intermédiaire et comme porte-glaive. Mais vous comprenez aussi que c’est tout bonus pour les grands industriels. Officiellement nos acheteurs s’entendent dire « On n’y est pour rien, on n’a pas porté plainte, on ne conteste rien ». Mais derrière, le travail est fait par l’administration, sans risque pour le fournisseur qui a pourtant signé le contrat et donné son aval à la transaction : « Je suis d’accord, mais si on t’oblige à me rendre, je te plaindrai mais c’est quand même toujours ça d’économisé ».
Pourriez vous me communiquer la date de fin de votre campagne publicitaire prenant les consomateurs pour des débiles.
Merci
Réponse à Fromi (13/04/2005)
Le débile, c’est celui qui reprend à son compte un slogan qui a pour seul mérite d’économiser les arguments et de figer les débats. On n’est pas con parce qu’on est consommateur et on ne méprise pas les autres lorsque, par voie publicitaire, on interpelle les gens.
Je vous rappelle, Fromi, qu’il n’y aurait pas eu révision de l’indice des prix INSEE, révision de l’indice du pouvoir d’achat, ni débat sur la refonte de la loi Galland si je n’avais pas fait ces campagnes de publicité. Que vous soyez critique du contenu ou du graphisme, soit. Mais pourquoi serais-je assez débile à mon tour d’encaisser les attaques qui se contentent de faire passer les distributeurs pour des profiteurs alors que, pour le coup, je ne demande qu’à baisser les prix.
Je suis actuellement en 1ere année de communication, et nous étudions le problème de la grande distribution et de la "guerre des prix", plus spécialement avec votre campagne de communication en presse écrite (qui date déja de plusieurs mois je crois). Je suis tout à fait consciente de votre volonté de baisser les prix, mais je ne comprends pas pourquoi les grandes marques, ou plutot les fournisseurs, ne le font pas de leur propre initiative, étant donné la rude concurrence que sont les MDD aujourd'hui(comme le fait remarquer si judicieusement Erosoft).Il me semble en effet que ces dernières gagnent du terrain sur les grandes marques, car ce sont de plus en plus des produits de qualité, et la différence de prix est souvent immense, il me parait donc logique, si les marques veulent continuer à exister et garder leur avance sur les MDD, qu'elles baissent leur prix. Le distributeur, vous en l'occurence dans mon exemple, n'y etes pour rien!
Pouvez vous svp m'aider à y voir plus clair si je me trompe dans mon analyse?
merci d'avance. Marine

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